De notre envoyée spéciale
à Shizuoka (Japon)
Le thé est la deuxième boisson la plus consommée au monde après l'eau. L'Asie occupe une très large place dans la production et la consommation de thé, qui, jusqu'à récemment, était essentiellement constituée par le thé vert. Cette position dominante explique la somme importante de travaux asiatiques réalisés sur les vertus santé du thé vert.
Depuis quelques années, les Occidentaux se sont, eux aussi, intéressés aux propriétés préventives du thé vis-à-vis de différentes maladies dites de civilisation. Tout naturellement, leurs travaux ont porté sur le thé noir, beaucoup plus consommé en Europe et en Amérique du Nord. L'institut Thé Santé (Unilever) contribue largement aux recherches menées sur les bénéfices santé du thé noir. Le Festival O-CHA a permis des échanges fructueux entre les chercheurs asiatiques et occidentaux.
Ce qui différencie le thé noir du thé vert
Vert ou noir, le thé provient de la même plante, Camellia sinensis.
Les principaux polyphénols présents dans les feuilles de thé sont des catéchines (flavonoïdes), dont la plus abondante est l'épigallocatéchine (EGCG). Ces catéchines sont retrouvées intactes dans l'infusion de thé vert. En revanche, la fermentation en milieu humide, qui transforme le thé vert en thé noir, est responsable d'une oxydation des catéchines en polymères plus complexes (théaflavines, théarubigines) retrouvés dans une tasse de thé noir. Après une ou deux minutes d'infusion, 50 % des polyphénols de la feuille sont solubilisés, soit 150 mg à 200 mg de flavonoïdes.
La biodisponibilité des polyphénols varie avec la taille de la molécule. Deux heures après l'ingestion de thé (vert), on observe un pic plasmatique d'EGCG, qui diminue ensuite lentement pour disparaître entre six et neuf heures. Alors que les polymères de polyphénols ne sont pas absorbés par l'intestin, ils sont métabolisés par la flore colique en molécules aromatiques de plus petite taille, qui, elles, sont absorbées et que l'on retrouve dans les urines trois heures après l'ingestion de thé (noir). Ces métabolites semblent avoir, comme les catéchines, des propriétés biologiques intéressantes, notamment une activité antioxydante. En outre, les polymères phénoliques non absorbés pourraient exercer des effets protecteurs localement dans l'appareil digestif où ils se trouvent en très forte concentration.
Ainsi, Leenen et coll. ont montré, chez 21 volontaires sains, que l'ingestion d'une dose de thé vert ou d'une dose de thé noir augmentait l'activité antioxydante du plasma de façon significative comparé à l'ingestion d'eau (p < 0,001). Cette activité antioxydante est supérieure à celle conférée par la consommation de la plupart des fruits et légumes (Rechner Kings College Londres).
Une foison de résultats expérimentaux
Il semble que cette activité antioxydante soit à l'origine de la plupart des propriétés du thé, dont la liste a été dressée à l'occasion du festival O-CHA.
De nombreux travaux présentés portaient sur des modèles animaux, plus accessibles à la démonstration des effets que les études chez l'homme. Ainsi plusieurs équipes ont montré que les catéchines du thé vert étaient capables de prévenir l'apparition de résistance de microorganismes aux antibiotiques (par exemple, la résistance de Staphylococcus aureus aux bêtalactamines ; T. Terashima, Shizuoka, Japon). Des expérimentations ont également été menées chez l'animal sur l'apparition de résistance aux antirétroviraux (M. Selematsela, Afrique du Sud). Toujours dans le domaine de l'immunologie, les polyphénols du thé auraient un intérêt dans les maladies auto-immunes (K. Sayamal, Shizuoka, Japon) et dans la prévention des réactions allergiques (K. Yoshino, Shizuoka, Japon). Enfin, les chercheurs s'intéressent aux propriétés antimicrobiennes et déodorantes du thé (S. S. Wu Tawain?????????).
Cancer et vieillissement des tissus
Autre domaine très prometteur de la recherche, l'action des flavonoïdes du thé sur les phénomènes d'oxydation et de glycation, que l'on observe au cours de l'athérosclérose, du diabète et du vieillissement. Les polyphénols du thé s'opposent à l'oxydation des LDL (in vitro), diminuent les peroxydations lipidiques (H. Ashida, Kobe, Japon) et préviennent la glycation des tissus (N. Kinae, Shizuoka, Japon). En outre, ils régulent le taux de glycémie chez l'animal diabétique, sans élévation de l'insulinémie (P. Basnet, Népal) et ont aussi un effet favorable chez l'homme (Y. Kukino, Japon).
Enfin, de nombreuses études chez l'animal soulignent le rôle probable des polyphénols dans la prévention des cancers. Une large part des communications portait sur ce thème. Les polyphénols limitent le développement de tumeurs induites expérimentalement par exposition à des agents carcinogènes (M. T. Huang, Washington, Etats-Unis). Des travaux ont été menés à tous les stades de la cancérogenèse, dans les cancers du côlon, de l'estomac, du foie, du sein, de la prostate, du poumon, de la peau et de la vessie. Au stade initial, les polyphénols agissent comme agents bloquants, en empêchant l'activation de procarcinogènes, en piégeant les mutagènes électrophiles ou en stimulant la réparation des ADN mutés. Au stade de promotion et de progression, ils agissent comme agents suppresseurs de tumeurs : prévention du stress oxydatif, inhibition du métabolisme de l'acide arachidonique et des réactions inflammatoires associées, inhibition de la protéine kinase C et de la prolifération cellulaire, induction de l'apoptose, inhibition de l'angiogénèse (I. T. Johnson, « Nutr Res Rev », 7, 175, 1994).
Une réduction du risque coronarien chez l'homme
Mais c'est sans doute dans le domaine de la prévention cardio-vasculaire que les recherches sont les plus avancées. Comme l'a souligné Douglas Balentine (Unilever Health Institute, Vlaardingen, Pays-Bas), les données épidémiologiques viennent confirmer les arguments expérimentaux. Les résultats d'une métaanalyse (Lenore Arab, Caroline du Sud, Etats-Unis) a montré une réduction du 11 % du risque d'infarctus du myocarde chez les patients buvant trois tasses de thé par jour (comparés aux non-buveurs). La réduction du risque est plus importante dans les études européennes qu'américaines, à l'exception d'un travail britannique dans lequel le facteur protecteur n'apparaissait pas (les gros buveurs de thé dans cette étude appartenaient à des couches sociales très défavorisées, ce qui pouvait constituer un biais).
En outre, Douglas Balentine a insisté sur l'action des polyphénols du thé sur les biomarqueurs de la maladie coronaire. Myron Gross (Minnesota, Etats-Unis) a conduit une étude en double aveugle et crossing-over, mesurant l'activité plaquettaire chez 20 sujets (avec un régime pauvre en polyphénols) qui recevaient soit du thé (six tasses, correspondant à 4,2 g d'extraits solides), soit un placebo, pendant vingt-huit jours. Cet auteur a montré que la consommation de thé était associée à une réduction de 15,7 % du collagène induisant l'activation plaquettaire (p = 0,003) et à une réduction de 12,1 % de la P-sélectine plasmatique (p = 0,05).
Pour sa part, J. A. Vita (Boston, Etats-Unis) a étudié l'effet du thé noir sur la fonction endothéliale. Il s'agit d'un essai contrôlé contre placebo, conduit chez 60 patients coronariens à qui on donnait, ponctuellement, huit tasses de thé ou d'eau, puis, régulièrement pendant un mois, quatre tasses de thé par jour ou de l'eau. L'auteur a montré une amélioration significative de la fonction endothéliale après l'absorption ponctuelle du thé, et une amélioration plus importante encore après consommation régulière de thé noir.
Douglas Balentine en conclut que l'effet protecteur du thé sur le système cardio-vasculaire, mis en évidence dans les études de population, passe par l'amélioration de la fonction endothéliale et l'activité antiagrégante plaquettaire des polyphénols du thé.
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