SUCCESSEURS de Bernard Faivre d'Arcier, ayant travaillé à ses côtés durant quelques années, Vincent Baudriller et Hortense Archambault ont élaboré leur projet artistique global à partir d'un partage des responsabilités avec, chaque année, un « artiste invité » qui est mis à l'honneur et qui participe à la conception de la programmation. Après Thomas Ostermeier, co-directeur de la Schaubühne de Berlin l'an dernier, c'est, en cet été, le plasticien et chorégraphe flamand Jan Fabre qui est l'« artiste invité ».
On connaît son penchant à se mettre partout au cœur de ses propositions. On connaît aussi sa manière de bâcler parfois ses spectacles. Avec « L'Histoire des larmes » qui a fait vendredi soir dernier l'ouverture de la 59ème édition du festival, on est servi côté désinvolture.
Une pièce assez brève (1 h 40), plombée ce soir là par une intervention intempestive d'un groupuscule alternatif d'Avignon ( « Dehors le ministre ! »" parce que Renaud Donnedieu de Vabres assistait, c'est la coutume, à cette première), mais surtout alourdie de phrases d'une consternante platitude ou d'une prétention à jeter dans le plus profond désarroi les spectateurs les mieux disposés. Un « chevalier du désespoir » prend la parole au milieu des dix-huit danseurs qui nous montrent et nous démontrent que du bébé vagissant au vieillard agonisant, l'homme n'est qu'eau, larmes ou urine, sang, sueur, etc...
Propos identique à l'autre spectacle qui avait été donné pour une unique fois - c'est du moins ce que le festival et Jan Fabre prétendaient à l'époque - en 1999 ; il s'agissait d'une super-production parce qu'Avignon était alors « capitale culturelle européenne » et accueillait une grande exposition nationale, « La Beauté ».
Ce spectacle que l'on reverra donc de vendredi 15 à dimanche 17 pour trois représentations et qui s'intitule « Je suis sang », est un peu plus convaincant, un peu plus travaillé. Mais l'on dit aussi que Jan Fabre en a un peu « rajouté » sur les humeurs du corps...
Pas de quoi faire du scandale. On en a vu d'autres. Jan Fabre est plus intéressant lorsqu'il dessine, sans truquer. Ainsi, à la Maison Jean Vilar qui accueille les œuvres plastiques qui seraient plus à leur place dans la grande chapelle du palais des Papes, là même où dès 1947, les grands peintres et Picasso notamment avaient leur place, dans le cadre de la « première semaine d'art » qui devint le festival. Dans le parcours de la maison Jean Vilar, on admire ses dessins au Bic bleu, très étonnants et singuliers et l'on retrouve des pièces que l'on connaît à base de scarabées, de punaises et aussi ces vidéos que l'on a déjà pu voir ici et là.
Un cru sans beaucoup de créations.
Avignon est à peine dans sa première semaine, il est donc délicat de juger de la qualité du cru 2005, mais, en même temps, il y a beaucoup de spectacles déjà créés, déjà vus. On peut recommander les deux productions de Jean-François Sivadier, « Galilée » de Brecht (créé pour Avignon il y a quelque temps) et « La mort de Danton » de Büchner, avec le même excellent acteur, Nicolas Bouchaud. A applaudir dans la cour du lycée Saint-Joseph, jusqu'au samedi 16.
Impressionnant, d'une insoutenable cruauté, et qui passionne les metteurs en scène parce que la pièce pose la question de l'irreprésentable au théâtre, « Anéantis » de Sarah Kane, Anglaise douloureuse qui se suicida à l'âge de 27 ans, se donne au cloître des Carmes dans une mise en scène de Thomas Ostermeier ce mercredi soir et vendredi soir.
On aurait du mal à recommander « Anathème » du metteur en scène français travaillant en Belgique, Jacques Delcuvellerie. Une proposition qui consiste en un montage de phrases venant de l'Ancien Testament et ne faisant référence qu'aux exigences d'un dieu qui appelle à disparition, massacres. Bizarre manière de suggérer que le monothéisme et le génocide ont à voir pour un collectif artistique qui avait donné avec « Rwanda 94 » matière à réflexion intéressante. « Anathème » laisse le plateau nu pendant presque toute la durée du spectacle qui dure 2 h 46. Accrochés à cour et jardin, des « diseurs », des « chanteurs » distillent cette litanie de violences, d'appels aux meurtres d'une manière qui laisse plus ennuyé qu'ému et le public, non prévenu des décisions artistiques d'un interminable oratorio très discutable, s'éclipse au fur et à mesure (ce soir, 13 juillet et vendredi 15, au cloître des Célestins).
C'est à la Chartreuse de Villeneuve-lès-Avignon, dans le cadre du festival, qu'est le spectacle qui semble mieux correspondre aux attentes d'un public qui demeure d'une merveilleuse disponibilité, curieux et tolérant. Une proposition qui ne laissera pas les scientifiques indifférents puisque « Le cas de Sophie K. » est consacré par Jean-François Peyret, metteur en scène et philosophe de formation et Luc Steels, scientifique, spécialiste de l'intelligence artificielle, à la mathématicienne russe Sophie Kovalesvskaïa et que le spectacle est notamment interprété par une comédienne d'une présence, d'une grâce et d'une intelligence remarquables, Nathalie Richard. C'est à voir et à méditer jusqu'au 24 juillet au Tinel de la Chartreuse, à 18 h 30 tous les jours, sauf le 13 et le 20 juillet.
Festival d'Avignon, jusqu'au 27 juillet. Tous renseignements et
réservations au 04.90.14.14.14.
Avignon off
700 et quelques spectacles et Caubère... Impossible, évidemment, de vous donner la moindre idée des révélations... Il est trop tôt et la forêt du « off » est trop touffue. En plus, cette année, le guide est si mal conçu, si peu pratique, que l'on va plutôt au hasard des rencontres et des horaires !
Pourtant, quelques rendez-vous sont évidents.
D'abord celui que nous fixe Philippe Caubère qui, au théâtre du Chêne Noir, tous les jours sauf les lundi et mardi, propose deux nouveaux épisodes de la spectaculaire
autobiographie, « Ariane » et « Ferdinand », à 21 h 30, pour 3 h et quelques (avec entracte) de parole, de jeu, de plaisir pour la plupart des spectateurs. (Au Chêne Noir, 8 bis rue Sainte-Catherine, Avignon. Tél. 04.90.82.40.57. Jusqu'au 30 juillet.)
Autre rendez-vous très intéressant dont « Le Quotidien du Médecin » vous avait parlé il y a deux ans, « Paroles d'Alzheimer » de et avec Raphaëlle Saudinos, avec la voix de Véronique Vella, sociétaire de la Comédie-Française et productrice de spectacles qui mêlent le théâtre dramatique et la chanson. Et il y a des chansons dans « Paroles d'Alzheimer » avec accompagnement musical de Jean-Louis Cortès. (A 14 h, jusqu'au 30juillet, au Théâtre de l'Etincelle, 14 place des Etudes à Avignon. Durée 1 h 15. Tél. 04.90.85.43.91).
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