Q UI va le croire ? Croire que j'ai aimé survoler le pic Saint-Loup et l'Ortus, avant d'arriver à Montpellier ? Croire que j'ai admiré les flamants roses sur l'étang le long des pistes de l'aéroport ? Croire que, après des années d'angoisses, de préparatifs de voyages douloureux, j'ai goûté le bonheur de voler ? Qui va croire que je nourris même l'espoir de piloter un jour l'un de ces petits avions de tourisme qui brouillent le ciel le dimanche au-dessus du grand canal, dans les jardins du château de Versailles ?
J'ai toujours détesté prendre l'avion. Pas l'hélicoptère, ni la montgolfière. Seulement l'avion. Une phobie d'une banalité affligeante, mais terriblement handicapante quand on rêve de voyages au long cours. Et qu'on les faits, coûte que coûte. Je voulais voir Pékin, et j'ai vu Pékin. Je voulais voir Bangkok, et j'ai vu Bangkok. J'ai aussi vu Bali, et beaucoup d'autres villes. Mais à quel prix ! Des semaines, avant chaque départ, à vivre mentalement le crash dont j'allais être victime à coup sûr. Des jours à s'interroger sur l'opportunité de prendre de tels risques. Même le bruit de mon séchoir à cheveux devenait alors insupportable : trop proche de celui des moteurs de l'avion au décollage. Ras-le-bol ! J'ai décroché le téléphone pour appeler Air France. Dans son centre de formation de Vilgénis, à Massy (Essonne), la compagnie aérienne aide les « avionophobes » à prendre de la hauteur. Où plutôt à voyager en avion sans peur.
Relativiser le risque
Le stage antistress d'Air France (1) comprend deux parties : un entretien avec Marie-Claude Dentan, docteur en psychologie, à l'origine de ces stages qui ont démarré en 1993. Un entretien au cours duquel elle vous amène à reconsidérer vos peurs et à dédramatiser. Le centre de formation des pilotes accueille ensuite les stagiaires - pas plus de quatre par session - pour explications techniques et vol en simulateur. Eric Adams, pilote de ligne, n'est pas là pour raconter des salades : « Il y a des accidents. Toute activité humaine présente un risque. Ce qu'il faut, c'est relativiser ce risque. » D'après une étude citée par Marie-Claude Dentan dans son livre « Comment ne plus avoir peur en avion ? » (2), il apparaît que le nombre de maris assassinés par des conjointes jalouses est supérieur au nombre de victimes d'accidents d'avions !
Où, pourquoi et comment vole un avion ? Comment sont construits puis entretenus les appareils ? Quel temps fait-il là-haut ? Air France vous dit tout. Chaque bruit des moteurs, chaque mouvement de l'avion, chaque changement de régime sont expliqués, justifiés par les pilotes. Comprendre, c'est déjà éliminer une bonne dose de peur. On a le droit de poser toutes les questions bêtes qui taraudent : l'appareil peut-il refuser de monter ? Que se passe-t-il si un oiseau se jette dans le réacteur ? N'est-il pas dangereux de se déplacer dans l'avion durant le vol ? Etc.
En simulateur
Vient ensuite la pratique en simulateur.
J'ai gagné une place dans le cockpit d'un Airbus A319. Isabelle Lemoine-Py, pilote de ligne sur Boeing B747, a rejoint Eric Adams. Tous deux vont reproduire, pendant deux heures, les gestes qu'ils effectuent régulièrement en vol et ceux qu'ils seraient conduits à faire en cas de problème.
J'ai immédiatement oublié que je me trouvais dans un simulateur. Le premier décollage - par temps clair - a été un supplice. J'ai attendu les mains moites, la trouille au ventre et les oreilles bourdonnantes que l'avion se pose à nouveau à Orly. A la longue, on s'habitue. D'autant mieux que les écrans de contrôle renvoient leurs images rassurantes. L'avion semble piquer du nez ? C'est juste une sensation : les écrans affichent une altitude constante. Même dans des conditions extrêmes (départ par temps d'orage, moteur en panne, turbulences maximales, atterrissage avec vent latéral) - rien n'est épargné au stagiaire -, un pilote peut amener ses passagers à bon port. Pour le personnel navigant, c'est une évidence. Pour moi, c'est une révélation.
Au cours du debriefing qui suit le vol en simulateur, chacun mesure le progrès accompli. Matthieu, 9 ans, envisage de devenir pilote. Il prendra sans appréhension l'avion pour le Laos. Sa peur de l'attentat s'est envolée. Nicole, elle, n'a pas joué le jeu. « Impossible, a-t-elle expliqué , de me croire dans un avion. » A peine sortie du simulateur de vol, elle a retrouvé sa peur, intacte. Comment ira-t-elle aux Etats-Unis dans quelques jours ? Quant à Caroline, elle se sent nettement rassurée. Elle attend de voir, lors du prochain vol. Selon Marie-Claude Dentan, le stage que 400 passagers effectuent chaque année est efficace à 85 %. Efficace ne veut pas dire miraculeux. « Rien d'anormal, dit-elle , que de continuer à éprouver quelques petites angoisses au moment du décollage. »
Je n'ai pas particulièrement aimé décoller de l'aéroport d'Orly pour Montpellier. Durant toute l'ascension, j'ai roulé, puis déroulé méthodiquement mon ticket d'embarquement jusqu'à en rendre les caractères illisibles. Etre assise dans le cockpit à côté du pilote est une chose. Etre coincée entre deux sièges, au fond de l'appareil, en est une autre nettement moins rassurante. Néanmoins, je n'ai pas agrippé nerveusement le bras de mon voisin. Je n'ai pas supplié l'hôtesse du regard. J'ai pensé à autre chose, puis l'avion a pris son altitude de croisière. Tout allait bien. La première turbulence m'a fait sourire, la deuxième aussi. A la troisième, j'ai saisi mon manuel « Comment ne plus avoir peur en avion ?», repéré le chapitre « turbulences ». Cela a suffi à me rasséréner. C'est alors que, par le hublot, j'ai vu la mer de nuages, sous le soleil, et que j'ai goûté le plaisir de voler.
(1) Centre antistress aéronautique Air France. Tél. 01.41.75.25.05. Fax 01.41.75.16.44. Coût de la formation : 2 500 F.
(2) « Comment ne plus avoir peur en avion ? », le Cherche Midi Editeur, 110 F.
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