Si le « testing » a largement alimenté la chronique parlementaire ces dernières semaines, au point d’en faire un feuilleton politique de la loi Hôpital, Patients, Santé et Territoires (HPST), certains médecins libéraux ont fait l’expérience concrète de cette pratique promue par les associations d’usagers pour démasquer les refus de soins discriminatoires à l’encontre des bénéficiaires de la CMU ou de l’Aide médicale d’État (AME). Une procédure décriée qui a mis la ministre de la Santé en porte-à-faux au Sénat : bien que militante du testing, Roselyne Bachelot a renoncé à défendre un amendement socialiste rétablissant cette pratique adoptée par les députés mais rejetée par la majorité sénatoriale et honnie par les syndicats médicaux.
Médecin généraliste en secteur II à Lisses (Essonne), et président du SML 91, le Dr Jean-Pierre Batard, 55 ans, se dit « persuadé » d’avoir récemment subi un testing, expérience assez désagréable. « Une personne a téléphoné au cabinet il y a quinze jours trois semaines, raconte-t-il au Quotidien . Je n’ai pas de secrétariat, pas de filtre, ce qui présente des inconvénients mais aussi quelques avantages car on sait à qui on parle. Directement, sans se présenter ou solliciter un rendez-vous, cette femme me demande si je prends la CMU. Un peu agacé - je ne suis pas les renseignements - je lui suggère de décliner son identité d’autant que moi je me présente dès que je décroche. Elle insiste. "Est-ce que vous prenez la CMU ?". Elle se fiche totalement de savoir mes horaires et de prendre rendez-vous, il n’y a ni demande de soins, ni motif médical. J’ai un peu de bouteille, j’ai flairé le coup fourré ». L’entretien se poursuit néanmoins. « Pour m’en sortir, ajoute le médecin, je lui ai demandé si elle était une patiente habituelle du cabinet. Pour la troisième fois, elle m’interroge uniquement sur la CMU. Je lui demande ce qui l’empêche de me dire son nom, elle me répond en termes raffinés que c’est déjà suffisamment humiliant pour les gens d’être à la CMU pour devoir décliner leur identité, bref elle justifie son attitude par une situation de précarité… Elle trouvait des parades à toutes mes questions, elle campait sur ses positions alors que j’aurais dû la déstabiliser. Je lui ai dit que je ne répondais pas à ce genre de demandes anonymes et la conversation s’est terminée. Des CMU, j’en reçois mais là ça sentait l’arnaque… ». Quel enseignement le Dr Batard tire-t-il de cette expérience ? « La méthode est assez insupportable et les spécialistes ne sont pas les seuls concernés par le testing, témoigne-t-il. Je n’ai pas de leçons à recevoir, je prends les patients en CMU sous réserve de leur attestation à jour et de la carte Vitale, j’accepte aussi les gens du voyage qui ont leurs papiers et ça se passe très bien. Là on a le sentiment de se faire piéger… »
Que le testing soit ou pas réintroduit in fine dans la loi Bachelot (la commission mixte paritaire députés/sénateurs pourrait réserver encore des surprises), rien n’empêchera cette pratique d’exister de façon « sauvage », a déjà expliqué aux sénateurs la ministre de la Santé.
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