S’IL EXISTE une spécialité où l’exigence du secret l’emporte sur toute autre considération, c’est bien la chirurgie plastique. A telle enseigne que l’un des indices les plus sûrs de la réussite de l’opération résidera dans une modification invisible : que les traces du bistouri ne soient aucunement décelable. A fortiori quand il s’agit d’une intervention pratiquée par l’homme de l’art sur sa propre épouse, pour réparer des ans l’irréparable outrage. Bref, on l’aura compris, recueillir en cette matière les confidences et les aveux n’est pas chose particulièrement aisée. Le secret chirurgical s’accommode mal d’un article dans les gazettes (quelle que soit l’envie qui peut démanger certains de faire leur publicité par voie de presse médicale...).
Entre la conscience du risque et le sentiment nombriliste.
Aussi, c’est sur le mode léger de la boutade que le Dr Vladimir Mitz choisit de répondre à notre question : «Un lifting réalisé sur ma femme?» L’ancien président de la Société de chirurgie plastique, reconstructrice et esthétique et membre titulaire de l’Académie de chirurgie s’exclame : « J’ai plutôt opéré mes ex-femmes!»
A l’en croire, ses confrères sont écartelés entre la conscience du risque inhérent à toute intervention en général, et aux interventions de chirurgie plastique en particulier, d’une part, et le tempérament extrêmement nombriliste qui est souvent le leur, d’autre part.
Or le risque est tel, poursuit le Dr Mitz, qu’ «on a prêté au grand chirurgien Raymond Vilain, maître dans l’art de l’aphorisme, ce mot: “Si vous êtes vraiment désespéré par le résultat calamiteux du lifting que vous venez de faire, épousez la patiente !” La peur du procès peut conduire à toutes les extrémités, mais alors que faire quand la patiente, c’est justement votre épouse?»
A l’inverse, quand vous êtes tellement convaincu que vous surclassez tous vos confrères, comment songeriez-vous à remettre la femme de votre vie entre les mains d’un autre ?
Et d’évoquer «certains confrères qui exposent leur épouse dans le monde, comme le plus beau book vivant!»
Autre spécialiste des nez trop grands, des seins trop petits et des rides trop marquées, le Dr Jacques Crestinu, prolixe sur son art de rectifier la nature, s’abstiendra de passer dans ces colonnes des aveux complets sur ses pratiques chirurgico-conjugales. Quand même, il reconnaît des actes commis sur des personnes de sa famille. En quoi, explique-t-il, il n’y a pas débat : «J’ai l’habitude de dire à chacune de mes patientes que je vais m’occuper d’elles comme si elles étaient ma petite amie ou mon épouse. Eh bien, c’est un engagement qui se tient bien sûr dans les deux sens!»
Le praticien n’ajoutera rien, «par respect de la femme», dit-il, tout à coup laconique.
Statistiquement, si l’on en croit l’expérience de son confrère Vladimir Mitz, il a plus de chances d’avoir opéré sa femme que de l’avoir fait opérer (si tant est qu’elle ait pu justifier d’une intervention), la répartition se faisant entre deux tiers qui opèrent Madame et un tiers qui la confie à un tiers.
A lire : « Chirurgie esthétique, les conseils d’un chirurgien », de Vladimir Mitz (éditions du Cygne, 190 p., 16 euros) ; « Histoires drôles et moins drôles de chirurgie esthétique », de Jacques Crestinu (le Manuscrit, 142 p., 14,90 euros).
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