Pour lancer l'Académie de médecine dans cette aventure littéraire inédite, il fallait assurément un honnête homme, au sens des encyclopédistes du XVIIIe siècle, une personnalité capable d'embrasser des champs du savoir et de la culture aussi divers que ceux de la médecine et de l'art.
Dans cette polyvalence, le cas Jacques-Louis Binet est unique. Issu d'une lignée médicale et universitaire, dès ses débuts, il a manifesté son goût pour la pluridisciplinarité, se formant à la fois à la médecine générale et de spécialité, à la clinique et à la biologie, à la cardiologie et à la néphrologie, à l'hépatologie et à la neurologie.
Mais c'est, bien sûr, à l'hématologie qu'on associe surtout le nom de celui qui fut successivement l'interne, l'assistant et l'agrégé de Jean Bernard. Formé aussi aux Etats-Unis (il a passé deux ans à étudier la biologie cellulaire dans le laboratoire de Georges Palade à l'université Rockfeller de New York), il s'illustrera en particulier par ses travaux sur la leucémie lymphoïde chronique (LLC), tout à la fois comme chef du service d'hématologie de la Pitié-Salpêtrière, créateur du laboratoire de cytologie quantitative de La Pitié et du groupe coopératif français sur la LLC.
De quoi suffire au bonheur de plus d'un hospitalo-universitaire. Mais pas au sien. Chemin faisant, il s'est donc lancé dans un autre cursus universitaire. Jusqu'à accéder à la prestigieuse chaire d'art contemporain de l'Ecole du Louvre. Une chaire dont il est resté titulaire plus de vingt ans, jusqu'à l'année dernière.
Professeur à l'Ecole du Louvre
« A priori , aucune formation ne m'y prédestinait, sinon mon goût personnel, exercé durant mes années américaines : je passais une heure tous les jours dans les galeries new-yorkaises, à une époque où les plus grands du monde, Français en tête, s'y retrouvaient. »
Ainsi l'hématologue s'y forgea-t-il une culture solide et éclectique, nouant des relations amicales avec marchands et artistes.
De retour dans l'Hexagone, le pli est pris, la silhouette insaisissable de Jacques-Louis Binet continue à hanter galeries, musées et colloques. Jusqu'à ce jour où, sa réputation s'étant faite, le voilà invité à plancher à l'Ecole du Louvre sur le thème doublement indiqué du patrimoine hospitalier.
Ce coup d'essai sera un coup de maître : il lui vaut de décrocher en 1981 la chaire convoitée entre toutes d'art contemporain. Il multiplie au vol les publications, comme « la Création vagabonde » (avec Jean Bernard et Marcel Bessis), où il met en parallèle la création scientifique et artistique, ou « les Architectes de la médecine », qui recherche dans le style architectural hospitalier l'état de la médecine d'une époque.
Sur ces entrefaites, c'est l'élection à l'Académie nationale de médecine, en 1996, puis, l'an dernier, celle, improbable, au fauteuil de secrétaire perpétuel. « Je ne sais pas comment cela a pu se faire », s'étonne-t-il encore. Toujours est-il qu'il prend les commandes de la vieille dame de la rue Bonaparte au moment où elle est en pleine mutation. Avec un petit groupe débordant d'énergie, où se retrouvent notamment Claude Sureau et Georges David, il se lance dans l'uvre de rénovation de l'institution, fait voter la réforme du règlement, change le mode de fonctionnement, fait des correspondants en activité la cheville ouvrière de l'Académie, supprime la section des provinciaux pour en finir avec le parisianisme maison.
« Notre projet, explique-t-il, c'est de nous donner les moyens d'être en prise directe sur l'actualité, de travailler de concert avec les hommes et les femmes qui comptent dans les autres instances, avec qui nous collaborons de plus en plus, notamment les autres académies. Notre ambition, c'est d'attirer les plus jeunes, de sortir des frontières hexagonales et de donner une autre dimension à la médecine. »
La culture évidemment ne pouvait être en marge d'un tel tourbillon. L'honnête homme de la rue Bonaparte n'a pas fini de décoiffer son monde.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature