Hommes de l'art
Né le 11 août 1693 à la Barre en Ouche, près d'Evreux, Daviel fut envoyé à Marseille en 1720 pour y combattre la grande peste qui ravageait la région ; reçu chirurgien deux ans plus tard, il fit ses premières opérations de la cataracte en 1734, utilisant la technique ancestrale de « l'abaissement », qui consiste à faire basculer le cristallin opacifié dans le vitré.
En 1745, il fut amené à traiter un ermite du Mont-Aiguille, dont il essaya d'évacuer la cataracte en ouvrant sa cornée. L'ermite recouvrit brièvement la vue, mais une infection qui se déclara peu après le rendit définitivement aveugle. Daviel venait pourtant d'expérimenter pour la première fois la technique de l'extraction, qu'il perfectionna et publia au cours des années suivantes. De vives polémiques l'opposèrent à ses détracteurs, mais sa méthode, qui consistait à couper la cornée sur 180 degrés pour extraire la cataracte, assura sa gloire. Il s'installa à Paris, opéra de nombreux aristocrates et fut nommé chirurgien-oculiste du roi Louis XV. En 1762, rendu aphone par une affection de la gorge qui finit par l'empêcher de déglutir, il partit se faire soigner à Genève, où il mourut le 30 septembre, peu après son arrivée. Il fut enterré au Grand Saconnex, paroisse catholique et française faisant à l'époque partie du pays de Gex.
Une stèle restaurée
Il y a quelques mois, l'association locale de protection du patrimoine de la commune, « La mémoire du Grand Saconnex », décida de restaurer la stèle défraîchie de Daviel, que les oculistes suisses, en 1885, avaient érigée en hommage à ce dernier. Contactée par l'association grâce à son site Internet (2), la SFHO s'associa immédiatement au projet, relevant au passage que la stèle offerte par les Suisses en 1885, avait rajeuni Daviel de trois ans, le faisant naître en 1696 au lieu de 1693. « Nous leur avons fourni toute la documentation scientifique qui leur manquait, explique le Dr Robert Heitz, secrétaire général de la SFHO, et nous avons aussi effectué un don car le montant des travaux était assez important. » La stèle, rénovée et corrigée, sera dévoilée le 17 octobre en présence de la SFHO et des autres associations ayant contribué à sa restauration.
De nombreux hommages
Au-delà de cet épisode, qui rappelle les fréquentes imbrications entre l'histoire de la médecine et l'histoire locale, la stèle de Daviel s'inscrit dans la longue série de représentations qui lui rendirent hommage, tant de son vivant qu'après sa mort. Le Dr Théodore Vetter, l'un des plus fins connaisseurs de la médecine du XVIIIe siècle, a présenté il y a quelques années (3) une estampe gravée en 1758 à la gloire de Daviel... par un de ses anciens opérés, François de Vosge. La finesse du travail montre que l'artiste, qui avait perdu très jeune son premier il lors d'une tentative malheureuse d'abaissement, avait retrouvé une vue parfaite avec le second, traité par Daviel.
Daviel est aussi immortalisé par un buste et un tableau dans les locaux de la clinique ophtalmologique de Marseille. En 1887, la Barre en Ouche lança une souscription nationale pour réaliser son buste en bronze, qui fut installé sur la place de la Mairie mais disparut pendant la dernière guerre. La ville voisine de Bernay érigea pour sa part une grande statue de Daviel... qui fut renversée par un ouragan en 1906 et détruite pendant la guerre, avant d'être reconstruite dans un style plus sobre en 1951. Une réplique de la statue originale fut installée dans la cour d'honneur de l'Hôtel-Dieu de Paris. Enfin, l'administration des Postes lui consacra un timbre en 1963 ; outre ces représentations officielles, de nombreux médecins, souligne le Dr Vetter, ont choisi Daviel comme sujet d' ex libris, ou en possèdent chez eux des portraits. La restauration de la stèle du Grand Saconnex ferme désormais la marche des hommages iconographiques à Daviel. Les historiens d'aujourd'hui ont ainsi perpétué une double tradition, celle de la mémoire de Daviel et celle de sa figuration.
(1) En 1999, le Pr Yves Pouliquen a salué le génie de Daviel en lui consacrant une biographie : "« Un oculiste au siècle des lumières : Jacques Daviel », parue aux éditions Odile Jacob.
(2) Adresse du site : www.histoph.org ; accessible aussi par le site du syndicat national des ophtalmologistes, www.snof.org , en cliquant ensuite sur l' onglet « histoire ».
(3) Théodore Vetter : « La gloire de Jacques Daviel par l'image ou les suites heureuses d'une aphakie bien corrigée » , in Jacques Daviel 1693-1762, publié à l'occasion du centenaire de la Société française d'ophtalmologie, Monaco, 1983.
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