« La meilleure façon de ne pas faire avancer une situation, c'est de créer des mouvements hostiles. Le frottis a derrière lui plus d'un demi-siècle d'utilisation... Lui substituer le dépistage des papillomavirus oncogènes suivi d'une cytologie et d'une colposcopie selon le résultat n'est pour l'instant qu'une perspective, certes prometteuse. » Joseph Monsonego, directeur du département de colposcopie de l'institut Alfred-Fournier à Paris, est convaincu de l'intérêt de la recherche des papillomavirus à haut risque (HPV-HR) dans la prévention du cancer du col. Il pense aussi que la place de cet examen doit être située dans l'approche globale du dépistage de l'affection en France. Les efforts doivent porter, selon lui, chez les femmes peu ou pas dépistées, ainsi que chez celles déclarant l'affection malgré un frottis rassurant dans les trois années précédentes.
En France, il n'existe pas de programme de dépistage. Il s'agit d'une initiative individuelle, pratiquée à 90 % en ville. Avec 5 à 6 millions de frottis réalisés annuellement, de 70 à 80 % environ des femmes se soumettent à un dépistage régulier. Entre 20 et 65 ans, on peut admettre qu'un examen est réalisé tous les deux à trois ans. De 4 à 5 % de ces examens présentent des anomalies cytologiques. En moyenne annuelle, la répartition se fait ainsi : 2,5 % d'atypies mineures (ou ASCUS), soit de 150 000 à 200 000 cas ; de 1,2 à 1,8 % de lésions de bas grade, 110 000 cas ; de 0,8 à 1 % de lésions de haut grade, 50 000 cas ; et 0,08 % de cancers, 4000 cas.
Il est important, explique le Dr Monsonego, de connaître le profil de ces femmes atteintes de cancer invasif du col. « Le premier responsable est l'absence de dépistage ou à rythme trop espacé pour 65 % de ces 4 000 femmes. Pour trente autres pour-cent, un frottis avait été classé normal dans les trois années précédentes ; 5 %, enfin, ont eu une prise en charge inappropriée après la découverte de l'anomalie cytologique. Ainsi, 30 % de femmes étaient censées être protégées par le frottis régulier. Se pose donc le problème de la sensibilité du test. Elle doit être améliorée. »
Intérêt prioritaire dans les atypies mineures
Cette amélioration est possible, par le frottis en suspension liquide et/ou par un test HPV. « Avec la méthode Thin Prep, nous avons montré, avec C. Clavel et d'autres, une augmentation de la sensibilité, par rapport au frottis conventionnel, de 18 à 35 %. Le test HPV trouve son intérêt prioritairement dans les frottis avec atypies mineures. Ces anomalies ont une reproductibilité diagnostique médiocre. Après biopsies dirigées sous colposcopie, les CIN sont sous-classés anormaux par un panel d'experts dans plus de 40 % des cas. Ces situations génèrent surdiagnostics et sous-traitements. » Le test HPV par sa valeur prédictive négative proche de 100 % et sa sensibilité de l'ordre de 95 % permet de clarifier les situations ambiguës.
Quant au dépistage primaire, « on attend une sensibilité de détection maximale. Celle du frottis en phase liquide couplé à la recherche d'HPV oncogène se situe à 99 %. Une sensibilité unique en médecine ». Cependant, cette pratique ne concerne que les femmes de plus de 30 ans. Auparavant, la prévalence du virus atteint de 20 à 25 % de la population, avec une disparition spontanée par la suite pour la majorité. Rechercher le papillomavirus, avant 30 ans, en dépistage primaire, entraînerait un taux anormalement élevé de faux positifs. Dans cette nouvelle approche, on trouve, passé 30 ans, moins de 10 % d'infections à papillomavirus. Il devient possible de rassurer pleinement 9 femmes sur 10, de ne les convoquer qu'au bout de trois ans, voire plus, et de concentrer les efforts de dépistage sur celles qui le justifient. Restent celles qui ne se prêtent au dépistage que très occasionnellement ; le dépistage précoce du virus aurait une valeur d'alerte et donc de mise en garde.
Les études sérieuses disponibles
En pratique, il est plus commode de réaliser le test HPV sur le frottis en suspension liquide. Afin de limiter les inégalités, « les pouvoirs publics feraient bonne uvre d'examiner la prise en charge des frottis liquides et du test HPV, comme l'ont compris nos voisins (Royaume-Uni, Allemagne...), en s'appuyant sur les études sérieuses disponibles.
« Le test HPV oncogène fait actuellement l'objet d'une analyse pour le remboursement dans le dépistage secondaire des frottis avec atypies. On peut penser qu'il le sera en 2002 pour les frottis avec atypies mineures. »
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