Adoptée par l'Assemblée nationale le 30 mai 2001 et promulguée le 4 juillet, la nouvelle loi sur l'interruption volontaire de grossesse et la contraception allonge le délai légal à dix semaines de grossesse et permet aux mineures qui le désirent d'avorter sans l'autorisation de leurs parents. Chargée du suivi de son application, la délégation aux Droits des femmes a réalisé, grâce à de nombreuses auditions, un premier bilan, présenté hier à la presse par sa présidente, Martine Lignières-Cassou.
Ce bilan a conduit la présidente, lors d'une toute récente entrevue avec Bernard Kouchner, à lui faire part « des difficultés persistantes » en matière d'IVG et de contraception. Des difficultés sont apparues avec la nouvelle loi mais elles « semblent se résorber progressivement ». Et, surtout, des difficultés anciennes « ont été mises en lumière et accentuées ».
Après la promulgation de la loi, l'information a été lente à atteindre les praticiens, même après la circulaire d'application sortie le 28 septembre 2001. L'allongement du délai légal a entraîné des réticences, même parmi ceux qui pratiquaient déjà des IVG. Pour la délégation, il est nécessaire de mettre en place une formation mais aussi « de dédramatiser un acte qui se pratique couramment hors de nos frontières, apparemment sans difficultés particulières ».
Il est non moins impératif d'améliorer l'accueil des femmes alors qu'on constate des délais d'attente excessifs qui peuvent placer hors délai légal. En Ile-de-France, par exemple, il faut parfois trois semaines pour obtenir un premier rendez-vous, bien loin des cinq jours recommandés par l'ANAES (Agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé).
Tourisme régional
La nouvelle loi avait, entre autres objectifs, celui de diminuer le nombre de femmes se rendant à l'étranger pour obtenir une IVG. Les cliniques hollandaises signalent bien une réduction significative du nombre de clientes françaises, mais le voyage à l'étranger semble remplacé par le « tourisme régional », signalé dans nombre de départements.
Quant à l'information des femmes en demande d'IVG, sur les méthodes d'intervention et les structures de prise en charge, le dossier-guide en cours d'actualisation est très attendu. D'autant plus qu'il contiendra un volet spécifique sur les mineures désirant garder le secret et le rôle de l'adulte accompagnant.
La possibilité d'obtenir une IVG sans autorisation parentale est en effet la disposition qui a posé le plus de problèmes d'interprétation et d'application aux médecins. Les anesthésistes, en particulier, se sont posé des questions sur le rôle de l'adulte accompagnant (obligatoire en cas d'absence d'autorisation parentale), auxquelles la circulaire du 28 septembre ne répond qu'imparfaitement. La Société française d'anesthésie et de réanimation (SFAR) a transmis à ses adhérents un document stipulant que la personne en question devait être présente lors de la consultation d'anesthésie. Mais de nombreux points doivent être précisés, ce que pourrait faire le groupe national de suivi mis en place sous la présidence d'Emmanuelle Jeandet-Mengual (IGAS).
Autre problème pour les mineures, la prise en charge : le décret d'application à ce sujet est également très attendu car, actuellement, certains établissements refusent ces jeunes filles.
Un forfait à revaloriser
Au-delà des nouvelles dispositions, reste à régler plusieurs questions de fond. Tout d'abord l'avenir des centres d'IVG (CIVG), dont les activités doivent être rattachées aux structures hospitalières. Ce rattachement, souligne la délégation, doit respecter leur spécificité. Ensuite, l'insuffisance du nombre de praticiens disposés à pratiquer les IVG, les jeunes médecins n'étant guère attirés « par une activité médicale mal rémunérée et peu valorisante ». Transformer les postes de vacataires en postes de contractuels et de praticiens hospitaliers serait une première réponse. Revaloriser les tarifs, inchangés depuis le début de 1991, en serait une autre. Les forfaits (169,55 euros pour une IVG instrumentale et 199,93 euros pour l'IVG médicamenteuse) ne tiennent pas compte de toutes les consultations, ni de l'échographie et de certains actes. Et ne faudrait-il pas remettre en question le principe du forfait ? Bernard Kouchner se déclare favorable à la cotation de l'acte d'IVG dans la nomenclature générale tout en soulignant les compétences de la CNAM dans ce domaine. Et au-delà du forfait, il faut, selon la délégation, un effort budgétaire pour renforcer les équipes hospitalières pratiquant l'IVG en personnels et en matériels.
Avec les mesures pour la contraception, c'est « toutun arsenal qui se met en place pour traiter au mieux et au plus tôt les IVG et pour les prévenir », conclut le rapport de la délégation aux Droits des femmes, en espérant une baisse du nombre d'IVG, jusqu'à rejoindre le taux le plus bas du monde, celui des Pays-Bas (6,5 pour mille).
* Et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes, selon son intitulé exact.
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