Livres
S'il est un nom qui évoque l'aventure sous toutes ses formes, c'est bien « Le Transsibérien » (1) que fait revivre cet amoureux des voyages qu'est Claude Mossé. Une interrogation, une prière, une quête, un mythe ? La voie ferroviaire la plus longue de la planète, pour laquelle on a abattu des forêts, détourné des fleuves, posé des milliers de kilomètres de rail et construit des centaines de ponts, est bien à la mesure de la démesure. C'est l'histoire de ce train qui nous amène de Moscou à Vladivostok en neuf nuits et dix jours que nous raconte l'auteur, ces 10 000 kilomètres de rails posés de 1891 à 1901 - une décennie seulement, le même temps qu'il a fallu pour mettre en place les 260 kilomètres du TGV Méditerranée - au prix d'efforts surhumains, inhumains imposés par les derniers tsars.
Défi au climat, à la nature, le Transsibérien demeure une légende qui a ouvert au monde une Sibérie alors quasiment inconnue. En historien et grand reporter, après avoir parcours à plusieurs reprises cet empire du rail, effectué maintes rencontres insolites et recherché des documents inédits, Claude Mossé invite le lecteur à un périple singulier, sur les traces de Michel Strogoff et de Blaise Cendrars.
Un témoignage irremplaçable, par ce qu'il décrit et sa qualité littéraire, est donné par Edith Wharton dans « Voyage au Maroc » (2). Les chroniques de cette dame de lettres américaine (1862-1937) qui a choisi de s'installer en France et à qui l'on doit notamment « le Temps de l'innocence », prix Pulitzer 1920, sont parues aux Etats-Unis cette même année et n'ont été traduites en français qu'il y a cinq ans.
Invitée par Lyautey, résident général de la République française, en 1918, Edith Wharton, si elle déplore de n'avoir eu qu'un mois pour visiter le Maroc, souligne l'avantage d'effectuer ce voyage à un moment unique de l'histoire du pays : « la brève période de transition entre sa sujétion presque totale à l'autorité européenne et le jour, très prochain, où les voyages modernes en feront une destination banale et encombrée ».
Son récit est surtout fait d'impressions, de sensations car pour elle la connaissance du passé du Maroc n'était pas le plus important : « ...l'étrange survivance d'une vie médiévale, d'une vie renvoyant au temps des croisés et de Saladin ou même aux jours glorieux du Califat de Bagdad, qui saisit aujourd'hui le voyageur étonné, aura progressivement disparu jusqu'à ce que les mystérieux autochtones de l'Atlas eux-mêmes, plient leurs tentes et s'éclipsent en silence ». Pour mémoire.
Et dans la foulée, il est intéressant de parcourir « les Larmes du traducteur (3) de Michel Orsel, sous-titré Journal du Maroc. Romancier et essayiste mais également traducteur, l'auteur donne un livre hybride qui est à la fois le fruit d'un an de vie au Maroc avec ses paysages, ses rencontres, sa vie quotidienne, et le compte-rendu de l'évolution de la traduction d'une épopée italienne du XVIè siècle à laquelle il travaillait alors. Dans les deux cas, dit-il, une expérience de « translation ».
Un voyage dans l'uvre d'Antonio Gaudi, c'est d'abord un voyage à Barcelone qui concentre la quasi-totalité des créations de l'architecte, qu'il s'agisse de résidences privées dont le spectaculaire palais Güell, d'écoles, d'immeubles d'habitations comme les maisons Battlo et Mila, d'un parc ou de la Sagrada Familia, la cathédrale à laquelle il a travaillé pendant 43 ans, jusqu'à sa mort en 1926.
Philippe Thiébaut, conservateur en chef au musée d'Orsay, chargé des arts décoratifs, nous invite à découvrir l'uvre de ce créateur inspiré dans « Gaudi. Bâtisseur visionnaire » (4).
L'ouvrage - qui paraît alors que se tient au Grand Palais une exposition Paris-Barcelone, de Gaudi à Miro - à la fois didactique et très clair comme le veut la collection Découvertes, contient, parmi ses 125 illustrations, un grand nombre de documents rares : archives, photographies, meubles et objets qui rendent parfaitement compte de l'étonnante et intarissable fécondité de l'architecte. Gaudi est en procès de béatification au Vatican et la Sagrada Familia en cours d'achèvement.
C'est à un voyage littéraire que nous convie l'anthologie réalisée par Lucien D'Azay, « Histoires de Toscane » (5). Elle comprend vingt-deux textes de Jean Giono, Fruterro et Lucentini, Albert Camus, Stendhal, Giorgio Vasari, Somerset Maugham et autres grands écrivains, qui rendent hommage à ces splendides villes médiévales que sont Florence, Sienne, Lucques, Pienza, Pistoie, San Giminiano, Fiesole, Settignano, Arezzo ou Pise, et à la somptueuse campagne où elles s'enchâssent, si policée et élégante.
Dans la même veine, mais à l'échelle d'un continent, « Lettres d'Amérique. Un voyage en littérature » (6) nous entraîne dans une bibliothèque imaginaire où se côtoient les auteurs qui ont fait la grandeur du roman américain. A l'origine de cette aventure, le romancier et cinéaste Philippe Labro et le producteur et présentateur de l'émission « Un livre un jour », Olivier Barrot : deux amoureux de l'outre-Atlantique. Le panel des écrivains américains est vaste, qui comprend Dos Pasos et Scott Fitzgerald, Auster et Carver, Fante, Hemingway, Capote, Chandler, Hammett, Horace McCoy, Ellroy, Kerouac, Miller, Mailer, Roth, Wolfe, Salinger, Ginsberg, etc. :autant d'auteurs, autant d'histoires et d'anecdotes qui dressent un savoureux panorama de la littérature américaine.
Mais revenons en France, dans les pas d'un auteur certes oublié mais qui fut un émule de Gaboriau, qui a écrit et publié une soixantaine de romans réédités jusqu'à l'aube du second conflit mondial. Fortuné du Boisgobey n'avait cependant que dix-huit ans quand il effectua, le plus souvent à pied et selon un itinéraire préparé de longue date, le tour de la Bretagne. Cela nous vaut ce « Voyage en Bretagne, 1839 » (7) où éclate son intérêt pour l'architecture et les monuments « druidiques », ce qui ne lui fait pas négliger les industries locales, les marais salants, la pêche à la sardine, les ardoisières ou les mines d'argent du Poullaouen-Huelgoat. Récits de vieux matelots, d'anciens combattants des guerres de la Révolution ou vieilles légendes émaillant les trois carnets qu'il remplit avant de conclure son périple à Paimpol le 15 septembre. Contrairement à ceux-ci qui ne comportaient que trois mauvais croquis, le livre est enrichi de 130 très belles illustrations anciennes.
Signalons à ce propos la réédition de l'ouvrage de Jean-Robert Pitte « Histoire du paysage français » (8), qui depuis sa première parution en 1983 est devenu un incontournable de la géographie historique. L'auteur - qui est agrégé de géographie, docteur ès lettres, professeur à la Sorbonne - y analyse l'évolution de notre cadre de vie depuis deux cents générations d'hommes et il nous fait ainsi aborder l'histoire de la France sous un angle concret et original, la replaçant dans on contexte économique, social et culturel.
Et ceux qui désirent voyager plus loin, dans tous les sens du terme, ne manqueront pas de consulter « Patrimoine et paysages culturels » (9) qui rassemble les communications proposées par une quarantaine d'intervenants au cours du colloque international éponyme, organisé par l'association Renaissance des cités d'Europe sous le patronage de l'UNESCO l'été dernier à Saint-Emilion. Son but était de mettre en commun les différentes compétences en la matière afin de trouver un équilibre entre la conservation d'un paysage menacé et son intégration dans la modernité.
Puisque l'hiver arrive, la montagne sera bientôt à l'honneur et notamment l'un de ses joyaux, Chamonix. Historienne du livre à la Sorbonne, alpiniste et écrivain, Anne Sauvy s'est passionnée pour ce lieu mythique et nous en livre les secrets dans « Chamonix d'un siècle à l'autre » (10). Elle s'emploie notamment à décrire au jour le jour, saison après saison, la vie à Chamonix, descendant des sommets enneigés dans la vallée, touchée par les incohérences d'un système parfois mal adapté, en ce qui concerne l'infrastructure hospitalirère par exemple. elle se souvient aussi de ceux qui ont fait Chamonix : Roger Frison-Roche, l'affaire Stavisky, les artisans, les hôteliers, les alpinistes et les guides.
A noter par ailleurs, à l'intention des sportifs, la parution de la deuxième édition remise à jour du guide « Ski de randonnée. Savoie » (11) signé Emmanuel Cabau, le seul ouvrage de ski alpinisme qui couvre le secteur centré sur la Vanoise, délimité par la sauvage Belledone, de grands glaciers presque italiens, le prestigieux massif du Mont-Blanc et le calcaire chaleureux des Cerces. Un paradis du ski très équipé mais où subsistent des vallons sauvages insoupçonnés comme en témoignent les 134 itinéraires et quelque 250 variantes majeures, de la course facile au ski de pente raide, répertoriés dans l'ouvrage.
Envie de voyager loin dans le temps ? « Balades en préhistoire »(12) répond à vos attentes, qui propose 16 itinéraires entièrement consacrés aux dolmens et menhirs d'Ile-de-France, bâtis il y a plus de 5 000 ans. C'est Christophe Sence, archéologue, qui a eu l'idée de ce guide unique en son genre qui comprend également des notices permettant de comprendre les particularités de chaque monument ainsi que des récits de légendes ou anecdotes qui leur sont attachés.
Envie de voyager loin dans l'espace ? Il suffit de se reporter au dernier titre de Mireille Hartmann, « Explorer le ciel est un jeu d'enfant » (13), un petit livre ludique, pratique et explicatif qui permettra notamment aux parents de stisfaire la curiosité de leurs cosmonautes en herbe. L'ouvrage est en effet une balade en espace sidéral, qui nous apprend à reconnaître les planètes qui gravitent autour du Soleil et d'aborder, au travers de l'aventure des comètes, les notions de mécanique céleste et, de galaxies en constellations, de se familiariser avec l'histoire de l'Univers. Une centaine de dessins d'enfants ajoutent au plaisir de la découverte.
Où partir ? Quand partir ? Où et quand trouver du soleil, une mer chaude, des jours longs, peu d'affluence et un coût de la vie modérée ? Les réponses à toutes ces questions se trouvent dans « Saisons & climats. Le guide du voyageur en 2002 » (14) réalisé par Jean-Noël Darde. Actualisé et complété chaque année, l'ouvrage comporte plus de 50 000 données climatiques - températures, ensoleillement, pluies - région par région, ville par ville ; une rubrique Foule indique la période la plus tranquille, celle consacrée au coût de la vie permet de mieux organiser son budget, les formalités de visa et les précautions sanitaires sont également abordées. L'aventure peut commencer...
(1) Editions Plon,350 p., 148,90 F (22,70 euros)
(2) Editions Gallimard, 222 p., 52,15 F (7,95 euros)
(3) Editions Grasset, 193 p., 74,80 F (11,40 euros)
(4) Editions Gallimard, 128 p., 85 F (12,96 euros)
(5) Editions Sortilèges, 336 p., 135 F (20,59 euros)
(6) NiL Editions, 300 p., 129,22 F (19,70 euros)
(7) Editions Ouest-France, 283 p., 119 F (18,14 euros)
(8) Editions Taillandier, 444 p., 170,54 F (26 euros)
(9) Editions Confluences, 351 p., 120 F (18,30 euros)
(10) Editions Arthaud, 630 p., 149 F (22,71 euros)
(11) Editions Olizane, 303 p., 150 F (22,87 euros)
(12) Editions du Cardinal & Archéolithe, 94 p., 49,20 F (7,50 euros)
(13) Editions Le Pommier, 224 p., 104,30 F (15,90 euros)
(14) Editions Balland, 505 p., 150,87 F (23 euros)
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