Pourquoi certains d'entre nous sont-ils plus aptes que d'autres à se repérer dans l'espace et, par exemple, à naviguer d'un point à l'autre d'une ville sans se perdre ? Pour répondre, il fallait déjà comprendre comment notre cerveau intègre les informations de l'environnement lors d'un déplacement. Dans ce but, des chercheurs américains (UCLA, Californie) ont eu l'idée de demander à des volontaires de jouer au chauffeur de taxi, de manière à pouvoir analyser les réseaux de neurones sollicités par cette tâche.
Les données obtenues au cours de cette étude suggèrent que les neurones de différentes structures cérébrales participent à la navigation spatiale en répondant à des stimuli externes de natures distinctes. Certaines cellules semblent spécialisées dans l'intégration des points de repère visuels alors que d'autres ne répondent qu'à des localisations précises rencontrées le long d'un trajet.
Un jeu vidéo simulant un taxi
Pour mener leur étude, Ekstrom et coll. ont fait appel à sept patients épileptiques devant subir une exploration intracrânienne invasive dans le cadre d'un traitement chirurgical de leur pathologie. Les chercheurs ont profité de cette intervention pour enregistrer l'activité de certains de leurs neurones pendant qu'ils jouaient à un jeu vidéo simulant le travail d'un chauffeur de taxi. Dans le cadre de ce jeu, les patients devaient se déplacer dans une ville virtuelle pour aller chercher des clients puis les déposer devant des magasins.
Au cours de cette expérience, les auteurs ont réussi à enregistrer et analyser l'activité de 317 neurones isolés dont 67 étaient situés dans l'hippocampe des patients, 54 dans le parahippocampe, 111 dans l'amygdale et 85 dans les lobes frontaux. Pour déterminer la nature des réponses cellulaires enregistrées, les chercheurs ont comparé les signaux obtenus en fonction de la localisation du patient dans la ville virtuelle, des objets qu'il pouvait voir de cet endroit et du but (passager ou magasin) qu'il devait atteindre. Avant que les patients n'aient commencé le jeu, Ekstrom et coll. ont également enregistré, comme contrôle, l'activité neuronale associée à la simple vue des endroits apparaissant au cours du jeu.
Il est apparu que les neurones des différentes structures cérébrales explorées répondent à des stimulations distinctes. Ceux localisés dans l'hippocampe, une aire cérébrale impliquée dans la mémoire et l'apprentissage, répondent à des localisations spatiales particulières. En revanche, les cellules du parahippocampe répondent davantage aux points de repère visuels. Enfin, les cellules des lobes frontaux et temporaux répondent au but recherché et à la conjonction de la localisation, du but et des points de repère.
Une représentation grossière de l'espace
A partir de l'ensemble de ces résultats, Ekstrom et coll. ont élaboré un modèle pour expliquer les fondements physiologiques de la navigation spatiale de l'homme. Selon eux, la région parahippocampale extrait les informations spatiales allocentriques à partir de points de repère visuels saillants pour construire une représentation grossière de l'espace. L'hippocampe, quant à lui, combinerait, peut-être via les données fournies par le parahippocampe, les informations visuelles et spatiales avec le contexte. Il permettrait ainsi la création d'une sorte de carte flexible de l'espace sous-tendant la navigation.
A. D. Ekstrom et coll., « Nature » du 11 septembre 2003, pp.184-187.
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