Le chef du gouvernement israélien excelle dans le mélange des genres. Il a joyeusement confondu politiques intérieures et politiques étrangères des deux pays à la faveur d’une invitation du Congrès, à majorité républicaine, dont il ne pouvait ignorer qu’elle était surtout destinée à déstabiliser l’exécutif. Aussi bien Barack Obama a-t-il refusé de le recevoir. M. Netanyahu a donc dit combien il réprouvait le rapprochement, purement hypothétique pour l’instant, entre l’Iran et les États-Unis et réaffirmé qu’il se soucie uniquement de la sécurité d’Israël et non pas de causer le moindre tort au présidnet américain.
C’est un langage parfaitement hypocrite car les Républicains, hostiles à un accord avec les mollahs, s’efforcent de discréditer M. Obama dans tous les domaines, à propos de l’Obamacare, le système d’assurance santé mis en place par le gouvernement fédéral, ou à propos de tous les aspects de la politique étrangère du président, qu’il s’agisse de l’Iran ou du traitement qu’il faut réserver à l’État islamique. Le chef du gouvernement israélien connaissait parfaitement le contexte de son voyage, qui représente une forme de blanc-seing accordé à l’opposition républicaine, dont il attendrait, si elle s’emparait du pouvoir, une politique inconditionnellement favorable à Israël.
Lui-même, qui a provoqué des élections anticipées dans son pays, sera confronté dans moins de deux semaines au verdict des urnes. Il joue une partie serrée, car les sondages n’accordent à sa coalition que 50 % des voix, contre autant à l’opposition travailliste qui a formé sa propre coalition. En jouant avec vigueur la partition de la sécurité israélienne, à laquelle son électorat est forcément très attaché, mais au mépris des usages diplomatiques et des relations habituellement très étroites entre les deux pays, il prend des risques excessifs et, surtout provoque dans la communauté occidentale un malaise d’un genre nouveau.
Car, si M. Netanyahu peut compter sur le soutien fervent, et même ardent, des républicains, ses prises de position tonitruantes n’auront aucun effet sur la longévité politique de M. Obama, protégé par la solidité des institutions américaines. Jusqu’en janvier 2017, le président des États-Unis reste l’interlocuteur américain unique d’Israël en cas de crise, par exemple si, plongé dans un conflit avec le Hamas ou le Hezbollah, M. Netanyahu a besoin de renseignements et d’armements. On n’a jamais vu un pays de 10 millions d’habitants influencer de cette manière une superpuissance.
Des risques insensés.
D’ailleurs, nombre d’Israéliens, et pas seulement ceux de l’opposition, critiquent son comportement diplomatique et une trentaine d’élus démocrates, choqués par sa visite pour le moins étrange, ont refusé d’assister à sa prestation devant le Congrès. En même temps, on comprend toute la perversité de sa démarche qui consiste à faire du sort d’Israël, auquel une majorité d’Américains est par ailleurs attachée, un sujet de politique intérieure américaine.
M. Netanyahu est peut-être indéboulonnable, mais il a commis un sérieux faux-pas diont il retrouvera les conséquences dans les mois qui viennent. On ne traite pas un allié aussi généreux et solide que les États-Unis de cette façon cavalière. Le Premier ministre israélien ne convainc pas grand-monde quand il affirme que le meilleur moyen de combattre la menace iranienne, c’est une guerre que les États-Unis et Israël mèneraient conjointement. Il ne peut pas prouver davantage qu’un accord entre Washington et Téhéran mettrait Israël en danger immédiat. Et surtout il a pris des risques insensés pour son pays en se privant des privilèges dont il bénéficiait jusqu’à présent à la Maison Blanche, occupée pour encore deux ans par Barack Obama, à qui pourrait fort bien succéder un président (ou une présidente) démocrate. Quand on en est à souhaiter publiquement le départ d’un chef d’État étranger, on déclenche le même réflexe chez la partie adverse, qui peut fort bien estimer que, après tout, M. Netanyahu n’est pas éternel.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature