Le gouvernement d'Ariel Sharon a décidé de poursuivre et d'achever la construction du mur haut de sept mètres qui doit séparer le territoire israélien, mais aussi un grand nombre d'implantations juives en Cisjordanie, du territoire palestinien. En même temps, il a repris la construction de nouvelles colonies.
Cette décision est accueillie par l'hostilité des gouvernements européens, et par l'inquiétude de l'administration américaine. Il s'agit en effet d'une politique du fait accompli : le tracé du mur n'épouse pas la ligne dite verte, c'est-à-dire la frontière d'Israël d'avant la guerre de 1967, mais s'enfonce en Cisjordanie pour y inclure les plus grandes colonies, comme Ariel ; dans au moins une zone, le tracé enferme 70 000 Palestiniens qui n'auraient de passage ni vers le reste de la Palestine ni vers Israël.
Un espoir abandonné
Provocation ? La détermination de M. Sharon, vivement dénoncée par la gauche israélienne et une bonne partie de la presse du pays, traduit en réalité une conviction : l'espoir d'une négociation avec un gouvernement palestinien libéré de l'influence de Yasser Arafat est définitivement abandonné. Ahmed Qorei, successeur de Mahmoud Abbas, a beaucoup de mal à constituer son gouvernement. Après deux attentats sanglants en Israël (qui, en même temps, ont contraint M. Abbas à renoncer), Yasser Arafat, menacé d'expulsion par Israël, mais protégé par le tollé mondial que ce projet a déclenché, a fait un retour triomphant sur la scène politique. Cependant, il a sonné le glas d'une solution négociée, les gouvernements israélien et américain ayant jugé, sur la base de plusieurs expériences extrêmement négatives, que le président de l'Autorité palestinienne n'était plus un interlocuteur valable.
En outre, la fin d'une trêve qui aura été courte et précaire a persuadé M. Sharon que rien ne l'obligeait plus à faire des concessions aux Palestiniens. Il les combat donc de deux manières : en intervenant militairement dans les territoires et en traçant unilatéralement la frontière orientale d'Israël. C'est aussi une forme de dissuasion des attentats-suicide : chaque fois que les kamikaze en commettent, le gouvernement annonce une accélération de la colonisation. Mais on reconnaîtra bien volontiers que cette technique n'a pas donné de résultats et que les Palestiniens continuent d'applaudir aux attentats.
Bien entendu, M. Sharon est entièrement responsable de cette évolution qui prive les Palestiniens des droits pour lesquels ils militent depuis cinquante-six ans. Il n'est pas sûr, toutefois, que les Etats-Unis exercent sur Israël des pressions très intenses, car eux aussi ont écarté M. Arafat ; ils peuvent exiger de M. Sharon qu'il renonce et au mur et aux implantations, mais il ne serait pas logique qu'ils le forcent à négocier avec son vieil ennemi.
La politique de force de M. Sharon et l'embarras américain mettent aussi en évidence la responsabilité personnelle de M. Arafat dans ses succès très éphémères et ses échecs beaucoup plus durables. Cela fait dix ans que le président de l'Autorité palestinienne mène tout le monde en bateau, des négociateurs d'Oslo (y compris les négociateurs palestiniens) à Mahmoud Abbas en passant par Bill Clinton et Ehud Barak, l'ancien Premier ministre israélien. En refusant de signer la paix à Camp David, puis à Taba, M. Arafat a montré qu'il tenait plus à ses fonctions qu'à la paix, et, surtout, qu'il prenait tout son temps. Une décennie entière a été perdue dans un dialogue de dupes et l'intifada a déjà fait 3 500 morts (dont plus de 2 600 Palestiniens).
C'est M. Arafat qui a fait élire M. Sharon une première, puis une deuxième fois. Voilà qu'aujourd'hui il dénonce « le mur du racisme » en oubliant qu'une protection contre les attentats, si dérisoire soit-elle, est légitime. Mais en dehors de sa rhétorique, il n'a rien à proposer à ses concitoyens dont les souffrances durent, dont aucun espoir n'a été exaucé et qui sont plongés dans la misère et le chômage non seulement parce qu'ils n'ont pas d'emplois mais parce que la corruption détourne une bonne partie des fonds alloués par l'Europe.
Déjà trop tard
Il suffirait que M. Arafat prenne ses distances par rapport aux événements et qu'il laisse un Palestinien agréé par toutes les parties négocier avec Israël. M. Sharon est en train de lui dire que c'est déjà trop tard, que des décennies sanglantes semblent démontrer l'inanité de toute discussion. Certes, les Palestiniens - et leurs amis européens - soulignent que M. Arafat a été élu démocratiquement, qu'il est représentatif de son camp et qu'il n'appartient ni à Israël ni aux Etats-Unis de choisir celui avec qui ils veulent négocier. A cet imparable argument, M. Sharon a déjà répondu : je ne joue plus et je fais ce que je veux.
A court terme, la politique du Premier ministre israélien peut fonctionner : il n'éliminera pas les attentats, mais il en limitera le nombre ; au nom de l'impossibilité de trouver une solution négociée, il poursuit une colonisation qui elle-même renvoie les Palestiniens à l'extrémisme. La justice exigeait un retour en arrière de l'histoire, un retour vers mai 1967. Depuis dix ans, les gouvernements travaillistes israéliens ont donné leur accord solennel à un échange de la paix contre les territoires. Comment les Palestiniens, comment M. Arafat a-t-il pu laisser passer tant d'occasions de faire la paix ? Ce serait un mystère, si on n'avait enfin compris qu'en réalité il ne veut pas partager. Il a désormais en face de lui un homme qui ne veut pas partager non plus. On devine de quoi l'avenir sera fait.
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