D ANS un article qu'il a publié la semaine dernière dans le « New York Times », l'ancien Premier ministre israélien Ehud Barak salue le rapport de la commission Mitchell comme un document qui marque un tournant dans le conflit qui oppose les Israéliens aux Palestiniens.
M. Barak reprend à son compte les deux propositions majeures de la commission : l'arrêt immédiat des actes de violence et le gel non moins immédiat de la colonisation. Un ancien haut fonctionnaire européen, Eberhard Rhein, répond dans une lettre, publiée mercredi par l'« International Herald Tribune », que M. Barak pouvait mettre un terme à la colonisation quand il était chef du gouvernement et qu'il est saisi de tristesse en pensant à ces hommes d'Etat qui ne deviennent sages que lorsqu'ils ont quitté le pouvoir.
Les idées de Sharon
Qui dit à M. Rhein que M. Barak n'a pas proposé à Yasser Arafat le gel des colonies dans le cadre de l'accord général qu'il voulait conclure avec lui ? En refusant de signer, M. Arafat s'est privé de bénéfices politiques et économiques dont le gel n'aurait été qu'une faible partie. On ne peut pas reprocher à M. Barak de ne pas avoir fait des concessions qui auraient survécu à la rupture des négociations.
Mais là n'est pas la question. Comme nous n'avons cessé de l'écrire dans ces colonnes, l'Intifada a entraîné l'élection d'Ariel Sharon, dont personne, ni les Palestiniens, ni les Israéliens, ni les puissances étrangères, n'ignorait qu'il nourrit des convictions à l'opposé de celles de M. Barak. M. Sharon ne se contente pas, à l'heure actuelle, de réagir avec une fureur toute militaire aux attentats-suicides et aux assassinats de colons. Il continue à croire, contre vents et marées, que rien n'interdit aux Israéliens d'aller s'installer en Cisjordanie et à Gaza.
A l'inverse, M. Barak n'est pas seulement un homme convaincu que la paix demeurera hors d'atteinte tant que les aspirations nationales des Palestiniens n'auront pas été satisfaites, il croit aussi fermement à la séparation physique des deux peuples, au moins dans une longue période de transition et tant que la haine dictera leur conduite.
Contre la violence, M. Barak et M. Sharon utilisent la même arme : l'expansion des colonies. Il s'agit de prouver aux Palestiniens que chaque fois qu'ils recourent à la violence, la représaille politique sera la perte pour eux d'une nouvelle parcelle de territoire. Il ne fait aucun doute, aujourd'hui, que cette tactique produit des résultats désastreux. Les Palestiniens, surtout ceux qui sont engagés résolument dans la lutte armée, ne font pas de calculs à court, moyen ou long terme. Leur unique objectif est de porter des coups à Israël et cette méthode apporte une récompense instantanée sous la forme de victimes innocentes, comme ces femmes ou ces enfants mitraillés dans leur voiture ou lapidés jusqu'à ce que leurs corps deviennent méconnaissables.
M. Sharon a peut-être sa vision personnelle du sionisme, mais la vérité est que, s'il se livre encore à cette provocation qui consiste à construire de nouveaux logements au-delà de la ligne dite verte, c'est parce qu'il craint de paraître céder à la force et, pour dire les choses clairement, au crime.
Cependant, un chef du gouvernement ne doit pas se préoccuper de sa réputation, ni même de sa popularité personnelle. Son rôle n'est pas de durer au pouvoir, mais de protéger les intérêts de l'Etat qu'il représente. L'intérêt numéro un des Israéliens, c'est la paix. Ce choix, ils l'ont fait même lorsqu'ils ont voté massivement pour M. Sharon, et non sans une certaine logique : puisque la diplomatie avait échoué, la paix ne pouvait venir, dans leur esprit, que par l'exercice de la force.
L'expérience a été faite et elle a échoué, pour de multiples raisons, faciles à établir, mais que des esprits traumatisés par l'insécurité ne voyaient pas : les Palestiniens sont décidés à mourir pour leur cause quand les Israéliens ne demandent qu'à vivre ; l'enseignement de la haine a été, dans les territoires, patiemment et savamment distillé, notamment dans les écoles ; une injustice fondamentale, structurelle, historique a favorisé les Israéliens au détriment des Palestiniens.
Les Israéliens, qu'on ne s'y méprenne pas, n'ont pas envie de tendre la main à ceux qui font la guerre non seulement à l'armée israélienne mais aux femmes et aux enfants ; ils sont perplexes quant aux chances d'un dialogue après la faillite de Camp David et le refus de M. Arafat d'accepter l'inévitable compromis. Aussi bien Israël n'a-t-il pas besoin, aujourd'hui, de reparler d'une paix malheureusement très lointaine. Mais son gouvernement est parfaitement en mesure de constater une injustice et d'annoncer qu'il est prêt à la réparer.
Le désir sacré d'autodétermination
Il doit d'abord admettre que la haine des Palestiniens n'est pas que le produit de la propagande ou d'un quelconque irrationnel méditerranéen, mais la transcription du désir sacré d'autodétermination. Il doit aussi reconnaître que les erreurs historiques de M. Arafat ne suffisent pas à excuser celles d'Israël et la longue négligence avec laquelle la question palestinienne a été traitée. Pour chaque citoyen, le problème palestinien ne doit pas être qu'une nuisance, c'est le problème d'Israël, et finalement le seul et le dernier dans une crise de 53 ans pendant laquelle, trop souvent, c'est le poids des armes qui a réglé les différends politiques.
Ce n'est plus le cas aujourd'hui. Aucune des 500 victimes et plus de l'Intifada n'a donné sa vie à une cause qui n'aurait pas mieux été servie par la négociation.
M. Sharon ne veut pas céder à la force ? Qu'est-ce que vient faire ici son caractère ou son épiderme ? L'autre force, c'est celle du geste politique. Israël a besoin d'identifier sa propre cause à la justice. Il ne pourra désarmer les terroristes que par la politique. Qu'il gèle les colonies, tout de suite, sans conditions, quelle que soit la réaction des colons (comment ignoreraient-ils qu'un jour ils auront le choix entre la valise et le cercueil ?), quel que soit le triomphalisme de leurs ennemis. C'est la vie qui compte et si le Hezbollah a triomphé quand M. Barak a évacué le Sud-Liban, Israël n'a-t-il pas sauvé de précieuses vies humaines ? Il suffit en réalité que M. Sharon demande à ses mandants ce qu'ils préfèrent, la paix ou les implantations. Nous pouvons lui garantir la réponse.
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