Islande : sous le marteau de Thor

Publié le 02/05/2001
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TOURISME

PAR JACQUES CHAMBAZ

S UCCESSION de cratères et de massifs pétrifiés, de landes sombres et de champs de lave. Enchevêtrement de roches et de caillasses noires, vierge d'arbre ou du moindre brin d'herbe d'où s'échappent ça et là des nappes de vapeurs sulfureuses : l'arrivée sur ce bout de terre perdu dans l'Atlantique Nord à un peu plus de trois heures d'avion de Paris, a des allures de débarquement sur la Lune.

Une lune vivante qui semble avoir été forgée par le marteau de Thor, le Dieu du tonnerre héros d'innombrables mythes nordiques, qui équilibra ainsi les terrifiantes forces de la nature, sculptant à coups d'explosions, de tremblements de terre, de mer de lave en fusion et de coulées glaciaires les paysages de l'île.
Deuxième ile d'Europe en superficie (102 800 km2) après la Grande-Bretagne, l'Islande, adolescente à peine âgée d'une petite soixantaine de millions d'années, est toujours en pleine crise de croissance. Chaque année elle s'agrandit de deux bons centimètres grâce aux coulées de lave des éruptions volcaniques qui se succèdent depuis des siècles. La dernière en date a même donné naissance à un nouvel îlot baptisé Surrey, surgi de la mer en novembre 1963.
Dans cet univers en plein délire soumis aux transitions d'une météo brutale où alternent dans une même journée, grand soleil, brouillard subit, pluies et vents et où durant les mois d'été le soleil de minuit éclaire de ses rayons la nuit comme le jour, tout est demeuré d'une stupéfiante beauté.
Exceptée Reykjavik, la capitale où vit plus de 60 % d'une population qui ne compte que 276 000 habitants au total, on ne trouve sur l'ile aucune ville d'importance. Reliés par l'unique route qui fait le tour de l'ile, petits ports de pêche et villages endormis se concentrent sur le littoral face à l'océan.
Seule voie ouverte toute l'année, cette route du littoral est le point de départ pour pénétrer à l'intérieur des terres desservies par un réseau de petites pistes et sentiers seulement praticables en 4x4 et à pied à partir des premiers mois d'été. Dans cet univers sauvage dépourvu de forêts se succèdent de formidables paysages contradictoires formant pourtant comme par magie un ensemble des plus harmonieux.
Prairies verdoyantes où paissent en liberté des centaines et des centaines de moutons et brebis. Champs de laves noirâtres alternant avec des glaciers immaculés. Volcans à demi endormis d'où s'échappent des fumerolles, geysers crachant subitement de hauts jets d'eau brûlante, cascades d'eau vertigineuses embellies soudain par des arc-en-ciel sublimes, lacs limpides et rivières paisibles se succèdent et se renouvellent à perte de vue.
Seule la randonnée à pied en compagnie de guides expérimentés qui connaissent comme leur poche l'inextricable réseau de petits sentiers entrecoupés de ruisseaux et de rivières permet de partir à l'assaut de cette nature sauvage où le temps semble s'être arrêté.
En laissant derrière nous le majestueux volcan Hekla, qui inspira Jules Vernes pour son « Voyage au centre de la Terre », on quitte la route du littoral pour s'enfoncer dans la région du Landmannalaugat, vers les massifs de lave rhyolitiques aux incroyables camaïeux de vert, de rouge, de jaune, de bleu en passant par toutes les nuances de l'ocre. Paysages étranges de marécages, de sources chaudes et de calottes glaciaires, de lacs limpide à perte de vue où l'on s'attend à tomber nez à nez sur un Troll ou une Elfe surgissant d'un cratère assoupi.
Franchissant plusieurs gués, une longue piste serpentant dans un dédale de vallées et de collines aux formes étranges mène à l'Eldgja, la plus longue faille éruptive de la surface de la terre.
Dans un écrin d'herbes vertes, on se baigne dans les eaux chaudes et bouillonnantes d'une source qui jaillit à flanc de roche. On oublie la frisquette température extérieure pour mariner avec délice dans la chaleur de cette piscine du bout du monde tapissée d'un doux velours de boue.
Plus bas sur la côte sud s'étendent les mousses en bronze de l'Eldhraun et les immenses étendues de lave issues de la phénoménale éruption du volcan Laki en 1783-1784.
Plus loin à l'est Jökulsarlon, l'un des prolongements de l'énorme masse glaciaire de l'Öraefajökull, plonge dans l'océan, formant un spectaculaire lagon encombré d'innombrables icebergs bleutés, féerie de glaces dérivantes entre lesquelles on peut se faufiler à bord de Zodiac remplis de touristes émerveillés.
Le long des plages de sable noir de la côte sud et sur les promontoires de la baie de Vik dont les hautes façades de basalte sombre ont des allures de falaises d'Etretat, s'affairent d'impressionnantes colonies d'oiseaux marins : sternes arctiques par centaines qui défendent farouchement leur territoire en plongeant bec en avant sur le visiteur trop curieux, foule de macareux-moines au bec jaune et au plumage bleu sombre dont la chair fait les délices des Islandais, mouettes-rieuses, fous de Bassan, etc, virevoltent dans un va-et-vient incessant entre mer et falaises.
Après l'incontournable visite à Geysir et son grand geyser, qui jaillit sur commande des jets d'une vingtaine de mètres, et à Gullfos et sa « chute d'or », la plus belle cascade d'Islande qui, du haut de ses 33 m, déverse des tonnes d'eau pulvérisée colorées d'arcs-en-ciel, on se dirigera à travers les montagnes féeriques de Landmannalaugar vers Thingvellir et le rocher du Logberg où siégeait l'Althing, l'ancien parlement islandais fondé par les Vikings en 930, moins de soixante ans après l'arrivée d'Ingolfur Arnarson, premier colon officiel qui débarqua sur l'ile en 874.
Durant près de 900 ans, cette assemblée parlementaire viking, installée en plein air au milieu d'une faille escarpée, régit la vie publique islandaise. C'est là que fut décidé, en l'an mil, l'abandon du paganisme viking et l'adoption du christianisme et, plus proche de nous, le 17 juin 1944, la proclamation de l'Indépendance et la création de la République islandaise, libérée de la tutelle danoise.
Entre le front de mer et le petit lac Tjörnin, Reykjavik, la capitale, a des allures de petite ville de province, avec ses maisons de bois badigeonnées de couleurs acidulées, ses clochers d'églises pointus et ses jolis parcs de verdure.
Des allures seulement, car dans cette capitale où l'on peut goûter tout à la fois les plaisirs de la ville et ceux de la nature, l'ancien côtoie parfaitement l'ultra modernisme.
Dans cette ville tranquille où l'eau chaude produite par les quelques deux cent volcans toujours en activité assure le chauffage de la population et alimente les sept piscines municipales en plein air, bâtiments high-tech, musées et galeries d'art, cinémas, restaurants et bars branchés foisonnent.
Air pur, hiver clément (grâce au Gulf Stream, il fait rarement moins de 0 °C) été doux et frais (entre 10 et 18 °C), il fait bon vivre dans cette capitale tournée à la fois vers l'Amérique du Nord et l'Europe et où le niveau de vie est l'un des plus hauts de la planète.
Nostalgie des ripailles de leurs ancêtres vikings dont il ont gardé quasiment intacte l'ancienne langue ? Désir de rompre la monotonie des jours ou des nuits trop longues ?
Les soirs de week-ends, les rues paisibles et les larges avenues d'ordinaire si vides se peuplent de centaines de fêtards avinés. De tous âges et de toutes conditions, jeunes branchés au look improbable, couples en smoking et robes du soir, barbus nordiques et Walkyries à lourdes tresses d'or, on s'enivre de litres de bière locale et d'alcools forts dans les quelques 200 bars et restaurants de la ville jusqu'au petit matin.

Pour partir

TRANSPORTS :
Avec Icelandair, vols quotidiens directs Paris-Reykjavik au départ de Roissy-CDG (3 h 30 de vol), à partir de 2 800 F A/R + taxes. Renseignements et réservations : Icelandair Tél. 01.44.51.60.51. E-mail :france@icelandair.is - http://.icelandair.fr
FORMALITES :
Carte d'identité ou passeport.
HORAIRES :
Heure GMT, soit deux heures de moins qu'en France en été et une heure de moins en hiver.
CLIMAT :
Tempéré et frais, seul l'intérieur du pays enregistre de très grands froids en hiver. En été la température moyenne est de 10 à 12°, mais peut varier de 5 à 25°. Pour les randonnées la meilleure période se situe entre juin et fin août. Nuits claires durant tout l'été.
LANGUE :
L'islandais, langue officielle, mais tout le monde parle anglais.
MONNAIE :
La Krona islandaise. 1 FF - 12 IKR. Cartes de crédit acceptées partout.
SEJOURS :
Spécialiste de l'Islande en France « 66° Nord » propose quelque 30 circuits différents allant des voyages à thèmes autour de la volcanologie et l'ornithologie, à la randonnée à pied, en passant par la découverte itinérante, le raid à ski, la randonnée à cheval et les itinéraires à la carte.
Exemples : des circuits découverte/randonnée accompagnés par des guides francophones, sur la côte Sud, de 9 jours, à partir de 12 100 F Paris/Paris, en pension complète, avec hébergement en B & B à Reykjavik (2 nuits) et en refuges et auberges (départs de juin à octobre), ou des circuits du nord au sud, de 15 jours, à partir de 14 900 F Paris/Paris (départs de juin à octobre).
A LIRE :
- Le Grand Guide de l'Islande (Gallimard).
- Islande, Groenland et îles Feroé (Guide Lonely Planete).
- Islande (Edition Marcus).
- Le Guide de l'Islande et des Féroé (Editions Manufacture) - Finlande-Islande (Guide du Routard).
RENSEIGNEMENTS :
-Office national du tourisme d'Islande, 8, avenue Kleber, 75116 Paris. Tél. 01.53.64.80.50. Fax : 01.53.64.80.52. E-mail : islande@icetourist.is, www.icetouriste.is
- 66° Nord, 36/37, quai Arloing, 69009 Lyon. Tél. 04.72.53.24.89. (Demandez, de la part du « Quotidien », Anna Kristin Asbjömsdottir.) Fax : 04.72.53.24.81. E-mail : 66nord@66nord.com - Web : www.66nord.com

Islande gourmande


Poissons et crustacés, la cuisine islandaise fait naturellement la part belle aux produits de la mer, ressource naturelle du pays, qui assure 70 % des exportations. Saumon poché ou grillé, haddock ou morue, crevettes et homards sont d'une remarquable fraîcheur et excellemment préparés.
Côté viande, outre la volaille, le bœuf, le porc, le cheval ou le renne, il faut absolument goûter l'agneau islandais élevé en liberté, d'une rare saveur, que l'on sert parfois sous forme de gigot fumé (hangikjöt). On peut aussi déguster en saison (fin juin-mi-août) le macareux, oiseau à bec jaune, lardé et rôti, à la chair fine et iodée.
Parmi les spécialités, le « skyr », un délicieux fromage blanc servi avec de la crème, nature ou parfumé à la myrtille.
Parmi les nombreux restaurants de Reykjavik on notera :
- Le Skolabrù (skolabru 1.101 reykjavik, tél. 562-44.55), installé dans une petite maison typique, au cœur du vieux quartier de la ville. Ambiance raffinée et excellente cuisine (400 F environ).
- Brasserie de l'hôtel Borg (Postusstraeti 11, 101 reykjavik, tél.11440), près de la cathédrale luthérienne et du Parlement, le restaurant de l'hôtel historique le plus ancien de la capitale (1930), fréquenté tour à tour par Charcot, Paul-Emile Victor, William Faulkner et Marlene Dietrich qui y chanta « Lili Marlene » en 1943. L'une des meilleures tables de la ville (300/400 F environ).

CHAMBAZ Jacques

Source : lequotidiendumedecin.fr: 6910