Avant même le lancement des opérations militaires américano-britanniques, les 26 millions d'Irakiens étaient déjà « dans une situation humanitaire très mauvaise », selon le secrétaire général des Nations unies. Douze ans d'embargo sous la férule de Saddam Hussein les ont exténués. Tous les indicateurs sanitaires clignotent.
A commencer par l'approvisionnement en nourriture : lundi dernier, le programme « Pétrole contre nourriture », qui assure directement la survie de 60 % de la population, a été interrompu. Selon le Programme alimentaire mondial (PAM), « d'ici à quelques jours des centaines de milliers de tonnes de nourriture devront être achetées (...) et chaque jour qui passe est un jour de souffrance pour les Irakiens ».
L'UNICEF s'alarme particulièrement sur « des dangers encourus par les plus vulnérables » que sont les enfants irakiens : ils « risquent de ne pas avoir la force de survivre à l'impact de la guerre » ; l'agence onusienne a livré de l'alimentation thérapeutique à plus de 400 000 enfants malnutris, mais ils sont plus d'un million en Irak, estime Carol Bellamy, directrice générale de l'organisation.
La mortalité infantile a doublé
Et si, par ailleurs, presque tous les moins de cinq ans ont pu être vaccinés contre la rougeole, les six-douze ans n'ont pu bénéficier de la vaccination et le conflit les expose à des « conséquences désastreuses ».
L'approvisionnement en eau n'est pas moins préoccupant ; selon Care, qui a mis en place six programmes d'assainissement dans le pays depuis 1991, dans l'état actuel de la situation, 40 % des échantillons d'eau relevés sont contaminés et seulement 70 % de la population a accès à une eau assainie. Des chiffres qui pourraient s'aggraver en cas d'interruption des systèmes électriques de purification en provoquant rapidement des cas de choléra et de dysenterie. L'Organisation mondiale de la santé estime que 400 000 civils risquent d'être contaminés. Déjà, la recrudescence des maladies infectieuses (paludisme, polio, hépatite et typhoïde) a été spectaculaire entre 1989 à 2000 : de 1 812 à 24 614 cas de typhoïde, par exemple. Depuis 1991, toujours selon l'association internationale, la mortalité infantile a plus que doublé et celle des moins de cinq ans a été multipliée par 2,5.
Kofi Annan, face à ces conditions sanitaires très défavorables, a demandé aux quinze membres du Conseil de sécurité de lui donner « l'autorisation de faire tous les arrangements avec les autorités qui pourront être établies en Irak durant ou après les hostilités ». Le secrétaire général de l'ONU souligne toutefois que « la responsabilité première, pour assurer que la population irakienne reçoit une aide médicale adéquate, les produits pharmaceutiques, la nourriture ainsi que l'essentiel de ce qui est nécessaire à la population civile, reposera sur l'autorité exerçant le pouvoir effectif dans le pays ».
Les ONG, cependant, s'empressent, à l'intérieur comme à l'extérieur de l'Irak : « Notre mission franco-belge à Bagdad, qui comprend six personnes dont trois médecins, évalue la situation et s'efforce d'obtenir l'autorisation du gouvernement pour accéder aux hôpitaux et soigner les blessés, explique le Dr Mercedes Tatay, du desk urgence de MSF-France ; dans le même temps, en Iran, en Syrie et en Jordanie, nos équipes mettent en place des réseaux logistiques destinés aux réfugiés, lorsqu'ils rejoindront les camps de transit déjà aménagés. »
De même, deux missions de Médecins du Monde sont à pied d'uvre en Iran et au Kurdistan, avec des kits chirurgicaux et des kits de catastrophe ; elles devraient être renforcées par une vingtaine de bénévoles dès la fin de la semaine.
A l'intérieur, c'est le Croissant-Rouge irakien, fort de ses 3 000 volontaires, dont 120 formés par le CICR, qui coordonne l'action humanitaire. Ses plans prévoient d'assister jusqu'à 75 000 personnes, mais il ne dispose pour le moment de stocks que pour 55 000 bénéficiaires.
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