Le chaos qui règne en Irak, l'incapacité des forces américaines à assurer la pacification, le manque d'envergure des personnalités irakiennes chargées de veiller à la transition, les divisions entre chiites, sunnites et kurdes dressent un bilan désastreux de l'intervention militaire des Etats-Unis.
Désastreux sur le plan de la paix, mais désastreux aussi pour les perspectives du peuple irakien que rien ne protège d'une décomposition politique avancée, et désastreux enfin pour George W. Bush et ses alliés, principalement Silvio Berlusconi, qui a envoyé des carabiniers se faire tuer en Irak contre la volonté d'une majorité d'Italiens, et Tony Blair, associé de Bush depuis le début de cette mésaventure.
Dans l'affaire, la France occupe une position inattaquable. Elle a tout fait pour empêcher la guerre et la suite des événements lui a donné raison. M. Bush lui-même en est à demander son avis à la diplomatie française qui, aujourd'hui, préconise un désengagement rapide des forces de la coalition et la mise en place d'un gouvernement et d'institutions irakiennes.
Les dirigeants américains ne sont pas loin d'épouser un tel projet. Si les pertes américaines augmentent, la réélection de M. Bush à un second mandat présidentiel sera fort compromise. C'est pourquoi le chef de l'exécutif a donné pour mission à Paul Bremer, le « gouverneur » américain de l'Irak, la mission d'accélérer la mise en place d'une force de sécurité irakienne et d'un gouvernement provisoire qui permettraient aux forces de la coalition de partir plus tôt.
Mais M. Bush ne peut pas compter sur ses ennemis, et notamment Saddam Hussein, toujours vivant et nouvel adepte des attentats-suicides, pour l'aider dans sa tâche. L'évacuation des troupes américaines risque de se dérouler dans des conditions humiliantes : harcèlement des convois, pertes accrues, dépenses supplémentaires, toutes choses qui feraient chuter la popularité du président. La France donne des conseils de bon sens, mais Saddam Hussein a bel et bien l'intention de se venger. Et si tous les moyens pour affaiblir les Américains sont bons pour lui, les mêmes moyens seront mis en uvre pour qu'il revienne au pouvoir, perspective cauchemardesque pour beaucoup d'Irakiens, mais pire encore pour M. Bush dont l'action en Irak se solderait par des centaines de morts et des dépenses inutiles de l'ordre de 200 milliards de dollars. Le peuple américain ne le lui pardonnerait pas.
Les Etats-Unis, quoi qu'on en dise, ont donc besoin d'une victoire avant de partir. Il faut soit qu'ils s'emparent de Saddam Hussein, soit qu'ils parviennent à démanteler les cellules terroristes qui lancent des attentats-suicides. Ils ne peuvent quitter qu'un Irak relativement pacifié où la nouvelle armée irakienne ne trahirait pas sa mission, ne pactiserait pas avec les kamikaze et réussirait à maintenir l'ordre. Aussi, lorsque Dominique de Villepin, notre ministre des Affaires étrangères, propose d'accélérer le processus politique et l'évacuation des forces d'occupation, il semble oublier qu'un nouveau gouvernement irakien ne peut fonctionner et ne peut créer des institutions démocratiques que si l'ordre règne dans le pays. Sinon, les dirigeants irakiens seront encore plus vulnérables au terrorisme saddamite que ne le sont les forces de la coalition.
Un engrenage
Le dilemme est certes tragique, mais M. Bush a mis le doigt dans un engrenage. La vérité est que tout ce qu'il a fait précédemment n'a de sens et ne produira des résultats politiques que s'il s'engage encore plus dans la bataille, en envoyant des renforts, en y mettant le prix et en éradiquant le terrorisme. Il l'aurait d'ailleurs fait s'il n'était à douze mois des élections générales. Il souhaite que le dernier soldat américain quitte l'Irak avant la fin du printemps prochain. Mais fixer une date, c'est se préparer de terribles revers. En revanche, s'il assortissait la détermination qu'il a toujours affichée de l'envoi de troupes fraîches en Irak et s'il passait à l'offensive au lieu d'attendre les coups, peut-être viendrait-il à bout de Saddam Hussein et de ses comparses.
Pour des raisons électorales, il ne veut pas demander de nouveaux sacrifices aux Américains. Dans ce cas, il aurait dû prévoir ce qui allait se produire et ne pas s'engager dans une guerre qui aura été en définitive inutile, si l'on excepte la disparition d'une sanglante dictature. Mais on ne peut pas dire que, pour cet effort, les Irakiens débordent de gratitude.
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