Pour quiconque se trouvait aux Etats-Unis au printemps dernier, latmosphère politique semblait irréelle. Le pays tout entier était plongé dans un débat interminable au sujet de linvasion de lIrak, alors que le reste du monde parlait dautre chose.
Un observateur non averti pouvait voir, dans cette débauche de commentaires et danalyses, alors même que lIrak ne posait pas davantage problème que pendant les quatre années précédentes, une sorte de fantasme collectif sur un sujet sorti magiquement du chapeau du président Bush. Car cest la Maison-Blanche qui a lancé ce débat, avec lespoir quil sy dise tout et le contraire de tout. LIrak navait rien fait pour mériter tant dintérêt, mais pendant sa campagne électorale, George W. Bush jugeait bien passive lattitude de Bill Clinton qui sétait contenté du statu quo après que les inspecteurs de lONU eurent été expulsés à la fin de lannée 1998.
Dans les projets du candidat Bush, une attaque militaire contre lIrak figurait en bonne place, jusquau moment des attentats contre les Twin Towers et le Pentagone. Le président américain a donc dû changer de priorité et envoyer ses troupes en Afghanistan. Quand il a estimé quil avait gagné la guerre dans ce pays, il est revenu au problème posé par lIrak. Mais comment, quelques mois à peine avant les élections de novembre, pouvait-il associer la population américaine à son dessein ? Il ne pouvait faire de concessions sil ne partait pas dune position extrême : il a donc posé comme principe que Saddam Hussein était dangereux et quil fallait sen débarrasser. Pour étayer cette attitude maximaliste, il a utilisé à la fois de bons et de mauvais arguments, parmi lesquels une association du dictateur irakien avec Al-Qaïda qui na jamais été prouvée. Mais ce qui comptait pour lui, cétait que le débat national eût lieu et que sentrechoquent les pour et les contre.
Nous avons tous été prompts à dénoncer alors lunilatéralisme américain affiché dans sa dure splendeur. Mais nous nous trompions : le principe dune guerre à lIrak sans préalable avait pour premier objectif dannoncer une mauvaise nouvelle à Saddam Hussein et pour second objectif de secouer les Américains et la diplomatie internationale.
De sorte que, à mesure que le débat sétendait au monde arabe, à lOccident et à la Russie, les chancelleries navaient dalternative à proposer quun retour inconditionnel des inspecteurs internationaux et un désarmement réel de lIrak. Contre toute attente, M. Bush sest montré parfaitement sensible aux arguments de ses alliés, ceux de la France en particulier. On a négocié pied à pied le texte de la résolution des Nations unies, mais, au final, le document est extrêmement dur pour Bagdad, alors même que, dans lintervalle, M. Bush est progressivement apparu comme un homme de plus en plus civilisé, respectueux des règles internationales et du point de vue de ses partenaires.
Cette évolution est attribuée principalement aux efforts de la France qui sen est enorgueillie. M. Bush, cependant, sest montré infiniment plus subtil et calculateur quon ne veut bien le dire. Sil navait brandi la menace de la guerre et sil nen poursuivait pas les préparatifs encore aujourdhui, jamais les pays arabes nauraient conseillé à Saddam Hussein de prendre lAmérique au sérieux et dobéir aux termes de la résolution.
Observons maintenant le tableau de cette partie déchecs : si Saddam consent à désarmer, M. Bush aura remporté la bataille sans tirer un seul coup de feu ; si lIrak refuse, loffensive américaine est déjà légitimée par lONU ; et personne, ni la France, ni la Russie, ni le monde arabe, ne pourra sy opposer.
Comme un succès ne vient jamais seul, M. Bush sest servi de la perspective dune guerre pour étouffer les démocrates, ce qui lui a permis de remporter les élections. De cette affaire, il naura tiré que des bénéfices.
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