L' INTOXICATION infraclinique par le plomb chez les petits enfants est très répandue, en particulier dans les foyers défavorisés, et ses effets toxiques sur le développement du système nerveux central sont irréversibles. Ils comportent un retard intellectuel, des déficits du langage et des fonctions cognitives et des troubles du comportement, selon l'âge et la durée d'exposition. D'où l'intérêt d'un dépistage systématique chez les jeunes enfants.
Lorsque les taux sanguins de plomb sont supérieurs ou égal a 45 μg/dl, un traitement chélateur est recommandé par le CDC (Centers for Disease Control), dans l'intention de prévenir la détérioration neurologique, l'encéphalopathie au plomb et le décès. Mais pour des taux sanguins de plomb compris entre 20 et 44 μg/dl, aucune recommandation thérapeutique spécifique n'a été émise. On sait pourtant que cette intoxication modérée, trouvée chaque année chez des dizaines de milliers d'enfants de 2 ans rien qu'aux Etats-Unis, est associée à des déficits cognitifs ente 4 et 10 ans.
Rogan et coll. ont cherché à savoir si un traitement chélateur, chez les enfants ayant une plombémie comprise entre 20 et 44 μg/dl, peut prévenir ou réduire le déficit cognitif ultérieur.
Ils ont utilisé le principal agent chélateur oral du plomb, le succimer, tout aussi efficace que n'importe quel autre chélateur actuellement disponible ; et les investigateurs l'ont administré selon un schéma posologique efficace. Leur étude randomisée, en double insu, porte sur 780 enfants âgés de 2 ans en moyenne (± 6 mois), avec une plombémie modérément élevée (entre 20 et 44 μg/dl), qui ont été randomisés pour recevoir le succimer (en cure de 26 jours, jusqu'à trois cures) ou le placebo.
Par ailleurs, la maison des enfants a été nettoyée de toute trace de plomb.
Ces enfants ont ensuite été évalués après trois ans de suivis, à l'âge de 5 ans en moyenne, à l'aide de tests mesurant la cognition (le WPPSI-R mesurant le QI), la fonction neuropsychologique interférant avec l'apprentissage (le NEPSY mesurant l'attention et l'exécution, les perceptions sensori-motrices et visuo-spatiales, le langage et la mémoire) et le comportement (le CPRS-R coté par un parent).
Malgré une baisse de la plombémie
Pendant les six premiers mois, le groupe traité par le chélateur a présenté une plombémie moyenne plus basse de 4,5 μ/dl que celle du groupe placebo. Sur les douze premiers mois, la différence moyenne s'est réduite à 2,7 μg/dl. Un an après le traitement il n'existait quasiment plus de différence de plombémie moyenne entre les deux groupes. Après trois ans de suivi, à l'âge de 5 ans en moyenne, la performance cognitive des enfants est en dessous de la moyenne, ce qui concorde avec de précédentes constatations de déficits dans les résultats scolaires, dans la pensée abstraite, la durée de l'attention, le raisonnement conceptuel et la perception visuo-spatiale chez les enfants qui ont une plombémie modérément élevée. Et bien que le traitement chélateur ait abaissé la plombémie, cela n'a pas amélioré les différentes mesures cognitives et neurocomportementales évaluées dans l'étude.
Irréversible ?
« Le traitement chélateur n'est donc pas indiqué pour les enfants ayant ces taux de plomb dans le sang », concluent les auteurs, qui prévoient toutefois de réexaminer les enfants lorsqu'ils auront 7 ans. « L'étude suggère que, même avec le traitement chélateur, les effets neurocognitifs d'une plombémie et d'une charge corporelle totale en plomb chroniquement élevées sont irréversibles », commentent, dans un éditorial associé, les Drs Rosen et Mushak (Bronx, New York). Cela confirme la nécessité des efforts de prévention primaire, concluent-ils. Ils préconisent en particulier le décapage intégral des peintures au plomb avant qu'un enfant vienne vivre dans une maison.
« New England Journal of Medicine », du 10 mai 2001, pp. 1421 et 1470.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature