Aux Etats-Unis, au Royaume-Uni et en Scandinavie, la principale cause d'insuffisance hépatique aiguë est liée à une prise massive de paracétamol accidentelle ou en rapport avec un intoxication volontaire. La quantité ingérée, le fait d'être à jeun au moment de l'ingestion, le délai avant la prise en charge, la paracétamolémie et certains cofacteurs tels que l'ingestion conjointe d'alcool ou d'autres médicaments, sont autant de facteurs prédictifs du risque d'insuffisance hépatique. Une proportion non négligeable des patients ayant ingéré une dose massive de paracétamol va développer une forme d'hépatite fulminante dont le pronostic est particulièrement sévère (jusqu'à 70 % de décès).
Propriétés anticoagulantes propres
La N-acétyl cystéine est l'antidote du paracétamol. Elle agit en restaurant le taux hépatique de glutathion qui, en raison de son rôle dans la voie d'élimination du paracétamol, est abaissé lors des intoxications aiguës.
Selon les recommandations actuelles, un traitement oral ou par voie intraveineuse doit immédiatement être mis en place dès lors qu'une dose de paracétamol supérieure à 150 mg/kg a été ingérée. L'administration précoce de l'antidote réduit de façon significative la sévérité des atteintes hépatiques, qu'elles soient directement liées à l'ingestion de paracétamol ou en rapport avec une autre cause concomitante majorée par la prise médicamenteuse.
« Pour évaluer la durée du traitement par N-acétyl cystéine et mettre en place des procédures de transplantations chez les sujets atteints d'hépatite fulminante, il faut disposer d'un critère prédictif fiable sensible et spécifique de l'évolution biologique. Le plus utilisé actuellement est le taux de prothrombine, mais certaines équipe proposent de se baser sur la comparaison entre ce taux et les taux sanguins de facteur V », expliquent le Pr Stanislas Pol et le Dr Pascal Lebray (hôpital Necker, Paris), dans un éditorial.
Mais l'une des questions qui se posent quant à la fiabilité du suivi par la mesure du taux de prothrombine tient à l'effet même de la N-acétyl cystéine sur cette valeur. Il semblerait en effet que la molécule puisse avoir des propriétés anticoagulantes propres, dont on ne connaît pas encore bien le mécanisme. Ce médicament pourrait déstabiliser certaines protéines porteuses de ponts disulfiques nécessaires au maintien de la structure et de l'activité de facteurs de la coagulation (facteurs II, VII et X). En revanche, l'effet de la molécule sur le facteur V n'a pas encore été étudié.
L'équipe du Dr Lars Schmidt (Copenhague, Danemark) a mis en place une étude rétrospective sur 87 patients hospitalisés pour une intoxication aiguë au paracétamol entre le début de l'année 1999 et la fin de 2000. Conformément aux recommandations nationales danoises, l'ensemble de ces patients a bénéficié d'un traitement par N-acétyl cystéine par voie intraveineuse pendant au moins trente-six heures.
D'un point de vue biologique, ils ont été suivis par une mesure régulière du taux de prothrombine et des transaminases. Ces 58 femmes et 29 hommes, âgés en moyenne de 29 ans, avait ingéré de 3 à 150 g de paracétamol. Le traitement par antidote a commencé de 1 à 45 heures après la prise. L'ensemble de ces patients ne présentaient pas de signes d'insuffisance hépatique, ni d'insuffisance rénale ni de pancréatite.
En se basant sur le suivi du taux de prothrombine, 42 des 84 patients ont été traités pendant plus de trente-six heures.
Une baisse moyenne de 0,33
« A l'admission, la moyenne des taux de prothrombine était de 0,95. Ce chiffre était de 0,62, 7,7 heures après la mise en place de l'antidote. Nous avons constaté d'abord une baisse moyenne de 0,33 de cette valeur chez 85 des 87 patients (baisse la plus significative : 0,71) suivi d'une remontée des chiffres », rapportent les auteurs. L'analyse individuelle de chacun des cas a montré que la baisse du taux était liée à la mise en place du traitement par voie intraveineuse. L'abaissement transitoire est quasiment constant chez ces sujets ne présentant pourtant pas de signe d'insuffisance hépatocellulaire.
« Il est important, pour les médecins amenés à suivre de tels patients, de connaître cette particularité afin de ne pas prolonger inutilement - en suspectant une insuffisance hépatocellulaire débutante - un traitement par N-acétyl cystéine », conclut le Pr Pol.
« The Lancet », vol. 360, 14 octobre 2002, pp. 1115 et 1151-1152.
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