De notre correspondante
à New York
La maladie cœliaque, ou intolérance au gluten, est une maladie auto-immune de l'intestin grêle. Elle est provoquée par l'ingestion des protéines du gluten, qui provient de sources alimentaires très répandues comme le blé, le seigle, et l'orge. Chez des individus génétiquement susceptibles, HLA-DQ2, l'exposition intestinale au gluten induit une réponse inflammatoire, laquelle entraîne une destruction des structures villeuses de l'intestin. Les patients ont des auto-anticorps muqueux dirigés contre une enzyme, la transglutaminase tissulaire.
Diarrhée, malabsorption
La maladie apparaît souvent dans la jeune enfance, se manifestant par une diarrhée chronique, une distension abdominale, et un défaut de croissance, mais elle peut aussi se développer plus tard, avec des symptômes de fatigue, une diarrhée, une perte de poids par malabsorption, une anémie et des symptômes neurologiques. Sans traitement, elle est associée à une morbidité et à une mortalité accrues.
Malgré la grande fréquence de cette intolérance au gluten, touchant plus de 1 personne sur 200, le seul traitement efficace reste l'adhésion au régime strict sans gluten. « Si l'on vous diagnostique une maladie cœliaque, le médecin vous adresse généralement à un diététicien. Celui-ci vous donne un livre, épais comme l'annuaire téléphonique de New York, qui énumère toutes les choses que vous ne pouvez pas manger. Et si vous allez dans une épicerie avec ce livre, il vous dira que vous ne pouvez pas acheter 90 % des aliments du magasin », explique dans un communiqué le Dr Chaitan Khosla, de l'université de Stanford, qui a dirigé l'étude.
Les principaux composants toxiques du gluten sont une famille de protéines appelées gliadines. Comme toutes les protéines alimentaires, les gliadines peuvent être dégradées en peptides et l'on ignore encore quels peptides sont toxiques.
On ne sait pas encore très bien comment le peptide provoque les dégâts intestinaux. On suppose que la réaction auto-immune au gluten est liée au gène HLA-DQ2, car il est présent chez 90 % des patients. Ce gène joue un rôle dans la reconnaissance et la destruction des peptides étrangers, à savoir les antigènes. En effet, il code un récepteur à la surface des cellules immunes qui fixe l'antigène et le présente aux cellules T afin de les activer et de déclencher la réponse immune destructrice. Il semble que le récepteur HLA-DQ2 est plus enclin à se fixer aux peptides du gluten qui sont modifiés dans l'intestin grêle par une enzyme extracellulaire appelée « transglutaminase tissulaire ». Les cellules T prennent alors ces peptides modifiés pour un antigène étranger et attaqueraient l'auto-antigène transglutaminase tissulaire dans l'intestin grêle.
Un peptide non dégradé
Shan, Khosla et coll. ont exposé une gliadine recombinante aux diverses enzymes digestives et pancréatiques, et ont identifié un large peptide de 33 acides amines qui n'est pas dégradé par cette digestion simulée. Le peptide n'est pas davantage dégradé, tant in vitro que in vivo, chez le rat, par les enzymes de la membrane de l'intestin grêle, ce qui laisse supposer que ce peptide reste intact tout au long du processus de digestion et peut agir comme un antigène potentiel pour la prolifération des cellules T et la toxicité intestinale chez les individus génétiquement susceptibles.
Ce peptide, ont ensuite constaté les chercheurs, réagit puissamment avec la transglutaminase tissulaire et le produit résultant est un stimulateur puissant des cellules T isolées dans l'intestin grêle des patients atteints de maladie cœliaque (n = 14 patients).
Enfin, dernier argument qui suggère que ce peptide est le principal responsable de la réponse inflammatoire chez les patients atteints de maladie cœliaque, des homologues de ce peptide sont trouvés dans toutes les graines alimentaires qui sont toxiques pour ces patients, mais absents de toutes les graines non toxiques.
Une endopeptidase prolyl
Clou de leurs travaux : les chercheurs ont identifié une enzyme qui dégrade ces peptides. Observant en effet que les résidus proline, de par leur abondance et leur position, étaient en grande partie responsables de la résistance du peptide à la dégradation, ils se sont demandé si une endopeptidase prolyl ne pourrait pas dégrader ce peptide. Ils ont constaté qu'effectivement une endopeptidase prolyl d'une bactérie détoxifie le peptide, tant in vitro que in vivo chez le rat.
Cela suggère que l'adjonction de cette enzyme, ou d'une enzyme similaire, à l'alimentation des patients atteints de maladie cœliaque pourrait leur permettre de se conformer à un régime moins strict. De façon similaire, pour les individus intolérants au lactose, des produits comme le lactaid contiennent une enzyme analogue qui dégrade le lactose.
Il reste une question majeure : pourquoi certains individus porteurs du gène HLA-DQ2 n'ont pas la maladie cœliaque ? « C'est un grand mystère non résolu qui, espérons-le, sera éclairci dans les toutes prochaines années », déclare le Dr Khosla dans un communiqué.
« Science » du 27 septembre 2002, p. 2275.
Cette étude a été financée par la National Science Foundation, le Research Council of Norway, la Commission européenne, Stanford University et la Fondation pour la recherche médicale.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature