> Classique
ROBERT CARSEN a situé sa mise en scène, un magnifique travail théâtral, à l'époque de la création (1942), c'est-à-dire pendant l'Occupation, comme l'attestent les costumes et la présence bien inutile d'un soldat allemand en grand uniforme de la Wehrmacht. Cela fonctionne, même si l'on peut trouver bizarre la longue conversation sur des sujets esthétiques du XVIIIe siècle. On reprochera davantage au metteur en scène d'avoir éclaté la conversation dans l'immensité du plateau dénudé du palais Garnier, ce qui donne, certes, l'occasion de voir le Foyer de la danse et de jouer très habilement avec des perspectives et des miroirs, mais disperse complètement l'action. C'est extrapoler un peu rapidement sur une composante pirandelienne de l'œuvre alors que dans le livret rien n'indique qu'il s'agisse de théâtre dans le théâtre. On y trouve juste une digression sur un point d'esthétique fondamental de l'histoire de l'opéra, écrite et composée par un vieux compositeur à la fin de sa carrière et témoin de la disparition inexorable d'une civilisation dans un accès de folie des hommes.
Le chef autrichien Günter Neuhold n'a pas réussi à trouver le fragile équilibre entre scène et fosse ni même à régler les plans sonores au sein d'un orchestre pourtant magnifique dans ses individualités, comme le sextuor de cordes qui ouvre l'opéra sur scène, et non en coulisse comme l'indique le livret.
La distribution était d'un niveau international. Avec des inégalités cependant. Rainer Trost, Flamand exemplaire de ton et de diction, aurait gagné à être entendu dans un espace plus restreint ou dans une mise en scène plus resserrée. Le comte de Dietrich Henschel a belle allure et une diction merveilleuse, ce qui n'est pas le cas du Canadien Gerald Finley (Flamand). Anne Sofie von Otter, avec sa grande présence scénique, campe une Clairon excellente. Le directeur La Roche fait illusion jusqu'au grand monologue où il est un peu court de souffle, mais quel comédien que ce Franz Hawlata ! Les seconds rôles sont soignés et même superlatifs.
Manque de spiritualité.
Reste le personnage principal, la comtesse Madeleine, incarnée par l'Américaine Renée Fleming. Qu'il nous soit permis de ne pas partager l'engouement général pour cette chanteuse, aux indéniables qualités vocales - timbre magnifique, ligne d'une grande souplesse, aigus radieux comme les réclament les grands rôles de sopranos straussiens. Avec sa belle silhouette, elle porte avec beaucoup d'élégance, et même de glamour, les deux sublimes robes de haute couture créées pour elle par Anthony Powell. Sa diction n'est pas exemplaire mais très acceptable. Carsen lui a réservé une scène finale, morceau de bravoure de l'œuvre, presque indécente dans le non-respect de l'intimité de boudoir voulue par le compositeur et le librettiste. Le problème est que son visage et son jeu ne reflètent pas la grande spiritualité et le raffinement intellectuel de ce personnage hors du temps. Cela peut paraître secondaire aux concepteurs de ce type de spectacles faits pour en mettre plein la vue. C'est pourtant là que réside l'essentiel et, une fois de plus, Robert Carsen sera passé à côté.
Opéra Garnier (08.92.89.90.90). Rentrée le 11 septembre avec « l'Italienne à Alger », de Rossini (reprise), du 11 septembre au 8 octobre.
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