Le congrès des maisons de retraite privées

Interrogations sur le 5e risque

Publié le 27/05/2008
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«OUI POUR UN 5erisque», baptisé «dépendance» ou «autonomie», «mais quel 5erisque?». En ces termes, le Syndicat des établissements et résidences privés pour personnes âgées (SYNERPA) entend faire de son 8e Congrès, qui se tient à Paris les 29 et 30 mai*, un espace de réflexion nationale. Un enjeu majeur de santé publique, voire du quinquennat de Nicolas Sarkozy, y sera débattu en présence de Valérie Létard, secrétaire d'État à la Solidarité nationale.

De quoi s'agit-il ? Pour l'heure, la volonté gouvernementale de créer un 5e risque couvrant la dépendance pose plus d'interrogations qu'elle n'apporte de réponses. Qui sera concerné : les personnes âgées seulement ou aussi les accidentés de la vie ? Où se situe la frontière entre aide à l'autonomie et soins ? Que deviendront l'allocation personnalisée d'autonomie (APA, loi du 20 juillet 2001) et la prestation de compensation du handicap (loi du 11 février 2005) ?

«Comme les pouvoirs publics, nous parlons bien de 5erisque, qu'il soit qualifié de “dépendance” ou d'“autonomie”», tient à faire remarquer au « Quotidien » Florence Arnaiz-Maumé, déléguée générale du SYNERPA. Les centrales syndicales, comme la CGT ou FO, prônent, elles, une mutualisation des efforts pour la dépendance-autonomie au bénéfice des personnes âgées et des handicapés, qui se traduirait par l'instauration d'une 5e branche de la protection sociale, s'ajoutant à l'assurance-maladie, à la retraite, aux allocations familiales et aux maladies-accidents professionnels.

Auditionné par Valérie Létard le 7 mai, le SYNERPA préconise, pour sa part, de faire jouer le système « dépendance » au profit des seuls anciens, les personnes handicapées disposant d'une assistance jugée plus avantageuse. En somme, pour ces deux catégories de citoyens en manque d'autonomie, il considère que les formules actuellement en vigueur suffisent tout en nécessitant des retouches. «Mieux vaut l'allocation personnalisée d'autonomie qu'un 5erisque qui bouleverserait la tarification des maisons de retraite. Employons-nous à l'améliorer afin de solvabiliser la dépendance, quand on sait que le résident a à sa charge un ticket modérateur de 4 à 5euros par jour.»

APA dopée ou 5e risque pour personnes âgées-handicapées, c'est bien un «chantier», sachant les conséquences des projections démographiques annoncées et l'augmentation constante des coûts d'hébergement en établissement (décret du 26 avril 1999, loi du 2 janvier 2001). Que l'État se désengage financièrement, en partie ou complètement, les assurances privées prenant la relève, la partie apparaît pour le moins délicate. D'ici à 2016, le nombre des plus de 85 ans va doubler, pour atteindre 2,3 millions. Or, en 2007, l'APA, à elle seule, a coûté 6 milliards d'euros, 70 % payés par les conseils généraux, 30 % par l'État. Et qui dit vieillissement ne signifie pas uniquement perte d'autonomie, mais également polypathologies, donc de nouveaux soins à couvrir pour l'assurance-maladie.

Une politique à clarifier.

«Il est temps de clarifier la gouvernance de la politique en faveur des personnes âgées, interpelle la déléguée générale du SYNERPA. Pour nous, maisons de retraite privées, mais aussi pour nos résidents, l'existence de deux autorités de tarification –les départements, financeurs de l'APA, et les DDASS des soins– ne facilite pas les choses. Nombre de dossiers subissent des blocages par trop fréquents.» La constitution d'agences régionales de santé (ARS), regroupant le sanitaire, la médecine de ville et le secteur médico-social, qui mettrait fin aux DRASS et aux DDASS, dont est porteur un projet de loi en préparation au ministère de la Santé, apporterait une réponse à l'appel du SYNERPA. En effet, pour le médico-social, les ARS s'occuperaient, par délégation de pouvoir, de l'APA. C'est à ce prix, dépassant largement le 5e risque dépendance-autonomie, que celui-ci doit se négocier, laisse entendre Florence Arnaiz-Maumé. La Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA), regroupant les représentants de l'État, des personnes âgées et des handicapés, qui nourrit la réflexion gouvernementale sur le sujet, suggère une prestation personnalisée de compensation unique pour anciens et handicapés, couvrant les services et les aides adaptés, ainsi que les besoins des intervenants familiaux.

Quant au financement, Nicolas Sarkozy avait émis l'idée, à l'automne 2007, qu'il relèverait d'une assurance privée individuelle «en complément de la solidarité», qui rapporte seulement, grâce au jour férié travaillé (loi du 30 juin 2004), 2 milliards d'euros par an. à titre de comparaison, l'APA, si elle reste en place, pourrait coûter quelque 10 milliards d'euros en 2016, en raison du doublement du nombre des personnes en âge d'être touchées par une perte d'autonomie. Dans l'équipe de François Fillon, on s'active pour rendre «opérationnel au début 2009» le 5e risque voulu par le président de la République. Xavier Bertrand et Valérie Létard consultent. Ils ont déjà vu les partenaires sociaux et l'Association des départements de France, et ils s'apprêtent à exposer leurs intentions devant la CNSA, aujourd'hui, et la commission sénatoriale sur la création d'un 5e risque, présidée par Philippe Marini (UMP, Oise). Un projet de loi pourrait être présenté avant l'été, mais plus sûrement à la rentrée parlementaire de septembre, confie le cabinet du ministre des Relations sociales et de la Solidarité.

* Tél. 01.40.47.75.20, www.synerpa.fr.

En chiffres

Le SYNERPA, créé en 2001, compte 1600 établissements d'hébergement adhérents sur un total de 10 500 maisons de retraite, représentant 100 000 places d'accueil sur 600 000.

Le tarif d'hébergement en maison de retraite privée, type SYNERPA, est de 60 euros par jour en moyenne, à la charge du résident, auxquels s'ajoutent 15 euros de tarification dépendance quotidienne, dont 70 % couverts par l'APA, le reste revenant aux familles (ticket modérateur).

1million de personnes de 60 ans et plus bénéficient de l'APA, d'un montant moyen mensuel de 410 euros pour une personne à domicile et de 275 euros en établissement.

800000 handicapés disposent de l'allocation adulte handicapé, 628 euros.

> PHILIPPE ROY

Source : lequotidiendumedecin.fr: 8379