CE QUI DEVAIT ARRIVER arriva. Devant la menace de plus en plus précise d'une remise en cause de la liberté d'installation, l'Intersyndicale nationale des internes des hôpitaux (Isnih), l'Intersyndicat national des chefs de clinique assistants (Isncca) et le Syndicat national des jeunes médecins généralistes (Snjmg) ont déposé un préavis de grève. Ils entament à partir de ce jeudi une «grève totale et illimitée des gardes, astreintes et continuité de service». Les déclarations de Nicolas Sarkozy, la semaine dernière, ont mis le feu aux poudres (« le Quotidien » des 20 et 21 septembre). Le chef de l'Etat a rappelé son souhait de voir les médecins s'inspirer de l'exemple des infirmières qui ont «accepté de ne pas s'installer dans les zones où elles sont trop nombreuses».
Selon certaines de nos informations, le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (Plfss), qui sera dévoilé aujourd'hui, comporte une disposition législative incitant les partenaires conventionnels à mettre un volet démographie dans toutes les conventions. Ce dispositif concernerait à la fois les médecins, les infirmiers et les kinésithérapeutes. Même la réglementation des pharmaciens devrait changer en revoyant la répartition des pharmacies sur le territoire. Le dispositif élaboré par les conseillers de l'Elysée ne serait toutefois «pas finalisé». «La question se pose de savoir si cette disposition entrera en vigueur dès maintenant ou lors de la prochaine convention –dont les discussions se dérouleront fin 2009», explique un responsable syndical.
Internes et jeunes médecins rappellent que le dispositif est déjà enclenché pour les médecins depuis la publication de l'avenant 20 en mars dernier. Celui-ci prévoit en effet «des mesures de régulation complémentaires, le cas échéant financières» dans les zones médicalement surdotées. Un bilan doit être fait au préalable par les partenaires conventionnels au premier trimestre 2009.
Le mouvement de l'Isnih, l'Isncca et le Snjmg pourraient être rejoints cette semaine par l'Intersyndicale nationale autonome représentative des internes de médecine générale (Isnar-Img) et l'Association nationale des étudiants en médecine de France (Anemf). L'Isnar-Img a annoncé que les internes étaient «prêts à stopper leurs activités de garde et astreintes et si besoin la totalité de leurs activités médicales à très court terme» si le Plfss comprenait des mesures coercitives à l'installation médicale sans autre forme de procès. L'Anemf devait, quant à elle, réunir son conseil d'administration ce week-end à Rouen avant de décider de se joindre à la grève. «Nous sommes solidaires des associations qui ont lancé le mot d'ordre de grève car nous n'imaginons pas que des mesures de coercition à l'installation puissent améliorer la situation démographique de notre pays», commente Charles Mazeaud, président de l'Anemf. En remettant en cause la liberté d'installation, le président de la République a réussi le tour de force de rapprocher en moins d'une semaine les syndicats de médecins en formation et des syndicats de médecins seniors (MG-France, Espace Généraliste, Fédération des médecins de France). La Csmf a également apporté son soutien à l'action des internes et des chefs de clinique et réclamé que l'on encourage en priorité la communication autour des mesures incitatives à l'installation dans les zones sous-médicalisées. Les syndicats ont décidé de faire front commun pour éviter toute remise en cause de la liberté d'installation qui serait, selon eux, «contreproductive et n'aboutirait qu'à détourner les jeunes générations de l'exercice libéral ou conventionnel et de la spécialité de médecine générale».
«Nous ne retirerons pas notre préavis de grève tant que nous n'aurons pas une voix décisionnelle sur ce sujet aux négociations conventionnelles», assure Olivier Mir, président de l'Isnih. Selon Pierre Loulergue, président de l'Isncca, la mobilisation des 10 000 internes de toutes les spécialités, des 3 500 chefs de clinique et des jeunes généralistes pourrait être «dure». A l'instar de la dernière grève engagée en 2001 pour le repos de sécurité qui avait duré un mois .
Toujours une sérieuse étincelle
Il y a eu 1997, 2001... y aura-t-il 2007 ? L'avenir le dira. Reste que, là où les grèves d'internes et de chefs passent, souvent les projets de réforme trépassent : la nouvelle d'un préavis déposé par les tout jeunes médecins n'est jamais une bonne nouvelle pour un gouvernement.
Deux grands précédents, donc, ces dernières années.
En 1997, dans le sillage du plan Juppé, c'est un moratoire que défendent les internes et les chefs : pas question pour eux de reverser lors des premières années d'installation une partie de leurs honoraires aux caisses en cas de dépassement des objectifs de dépenses. Grèves, manifestations monstres, journées « santé morte »... les internes dopent la révolte du corps médical. Mauvais temps pour le plan Juppé et ses artisans.
En 2001, le mouvement commence par des journées sans gardes et se termine par une « grève totale des soins ». Les internes veulent bénéficier sans délai du repos de sécurité (après une garde de nuit). Le bras de fer – à l'époque, l'adversaire est Bernard Kouchner – dure un mois... le gouvernement Jospin cède.
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