En matière de dépistage et de diagnostic de malformations foetales, la France a adopté une politique très avant-gardiste, très équitable, très organisée, contrairement aux pays qui l'entourent (Grande-Bretagne, Pays-Bas....).
Pour faire le point sur les progrès et l'évolution des pratiques depuis trente ans, l'INSERM a réuni une trentaine de spécialistes (médecins, biologistes, chirurgien, psychologue, économiste, juriste et éthicien) et publie avec le soutien de la MGEN (Mutuelle générale de l'Education nationale) un ouvrage très documenté : « Diagnostic prénatal, pratiques et enjeux »*.
Mettant à profit l'évolution extraordinaire des techniques d'imagerie du ftus, les méthodes d'analyse moléculaire, biochimique et cytogénétique permettent non seulement le diagnostic prénatal chez les couples ayant un risque particulier (un antécédent familial est relevé pour 1 % des couples), mais aussi dans la population générale. Aujourd'hui, près de 90 % des femmes enceintes - elles sont près de 800 000 chaque année en France - se soumettent au dépistage. Ainsi, 4,3 échographies en moyenne sont réalisées pour chaque grossesse, soit 3 millions par an. La recherche de marqueurs d'infections (toxoplasmose, rubéole...), le dépistage sanguin de la trisomie 21 sont largement utilisés. L'âge des femmes qui procréent étant en constante augmentation, 3 femmes sur 4 ont recours au dépistage sanguin et 11 % subissent une amniocentèse.
Le poids de l'échographie
Pour la grande majorité d'entre elles, « ce dépistage se révèle rassurant ». Pour d'autres (5 %), il permet soit d'instaurer un traitement in utero ou à la naissance, soit de proposer une interruption volontaire de grossesse en cas d'anomalies graves (5 % vont poursuivre la grossesse). Il faut savoir que 80 % des IVG sont réalisées après des examens de dépistage échographique, d'où l'importance de la qualité des examens pratiqués et des appareils utilisés, ainsi que de la compétence des médecins. Comme le souligne le Pr Marc Dommergues (Necker, Paris), « les praticiens en ont conscience et nombreux sont ceux qui sont demandeurs de procédures d'assurance qualité ».
Ce dépistage très généralisé aboutit à un taux de naissances d'enfants handicapés plus faible que dans d'autres pays. Toutefois, le taux de naissances trisomiques 21 a fort peu baissé, car les femmes mettent des enfants au monde de plus en plus tard.
Mais si dépistage et diagnostic prénatal sont performants, il apparaît, comme le soulignent les auteurs du livre, que « les enjeux du diagnostic prénatal sont encore mal expliqués aux futurs parents et peuvent être source d'angoisses qui ne sont pas prises en compte dans notre pays ». En cas d'annonce d'une anomalie, le soutien psychologique est très restreint et les décisions à prendre souvent rapides, complexes, lourdes pour l'avenir et donc très difficiles pour des personnes sous-informées. Les auteurs insistent sur la faiblesse de la politique française vis-à-vis du handicap, contrairement aux pays où le dépistage prénatal est peu développé. Si la politique en faveur des personnes handicapées était plus performante, « un bon équilibre s'instaurerait avec le dépistage et cela autoriserait une réflexion plus profonde lors de l'annonce d'une grossesse présentant une anomalie », estime le Dr Ségolène Aymé, généticienne.
« Diagnostic prénatal, pratiques et enjeux », coordonné par Marc Dommergues, Ségolène Aymé, Paul Janiaud, Valérie Seror, édité par l'INSERM, collection Questions en santé publique, 32 euros.
Quelques chiffres
- En moyenne, 4,3 échographies sont réalisées pour chaque grossesse.
- En France, trois femmes sur quatre ont recours au dépistage de la trisomie 21 par les marqueurs sériques ; 11 % ont recours à une amniocentèse.
- Un nouveau-né sur cent est atteint d'une maladie mendélienne (monogénique), les plus fréquentes étant la mucoviscidose, l'hémochromatose, la phénylcétonurie, le déficit en alpha 1 antitrypsine et la thalassémie.
- Les anomalies chromosomiques concernent de 10 à 40 % des conceptions mais du fait de la sélection naturelle elles n'atteignent que 1 nouveau-né sur 500, dont environ la moitié a une trisomie 21.
- Les malformations congénitales (anomalies morphologiques) concernent 2 % des nouveau-nés vivants, dont 50 % ont des malformations invalidantes, et 20 % des mort-nés.
- L'ensemble de ces pathologies représente 4 % des naissances vivantes.
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