LE RECOURS aux traitements antimitotiques administrables par voie orale en oncologie est une tendance qui se dessine depuis quelques années.
La chimiothérapie par voie orale offre en effet des avantages potentiels : facilité de prise, amélioration du confort du patient, maintien de son autonomie, réduction des séjours hospitaliers, réduction du stress et des complications liées aux accès veineux et aux dispositifs implantables. Mais elle soulève aussi des questions de biodisponibilité et d'efficacité des agents utilisables, des problèmes d'observance, de l'adaptation des pratiques hospitalières et des coûts.
La plupart des patients atteints d'un cancer du poumon non à petites cellules sont candidats à une chimiothérapie. Ce traitement fait partie intégrante de leur prise en charge et repose principalement sur les associations d'antimitotiques administrés par voie veineuse.
Les propriétés pharmacocinétiques.
Pour les cliniciens, l'intégration des chimiothérapies orales dans le traitement des cancers du poumon non à petites cellules impose au préalable d'avoir des données objectives sur les propriétés pharmacocinétiques (biodisponibilité) et l'efficacité des agents antimitotiques, de connaître le profil des patients qui pourraient en bénéficier et les indications potentielles.
« On dispose maintenant de nombreuses données pharmacologiques convaincantes sur la biodisponibilité de deux antimitotiques administrables par voie orale dans le cancer bronchique : l'UFT, une prodrogue du 5-FU et la vinorelbine orale », précise le Dr Eric Dansin (centre Oscar-Lambret, Crlcc, polyclinique du Bois-Lille).
Les concentrations tissulaires intratumorales de 5-FU sont élevées, la pharmacocinétique de vinorelbine est linéaire, attestant que l'exposition circulante est proportionnelle aux doses administrées. Il y a une relation entre l'aire sous la courbe, l'exposition sanguine et l'hématotoxicité. Sa biodisponibilité est de l'ordre de 40 %, les équivalences de doses entre les formes injectables et orales sont établies (30 mg/m2 I.V. correspondent à 80 mg/m2 per os). Les facteurs interférents sont maintenant connus : l'alimentation, les traitements antiémétiques n'ont pas d'impact sur la pharmacocinétique et le métabolisme de la vinorelbine orale, l'âge n'intervient pas non plus.
Au plan de l'efficacité clinique, l'étude de Jassem (1) menée chez 114 patients a montré que l'efficacité de la vinorelbine par voie orale était comparable à celle de la vinorelbine par voie I.V. sur le taux de réponses objectives et de survie médiane sans progression.
L'étude de Depierre (2) a confirmé les tolérances comparables des formes I.V. et orales de vinorelbine avec le schéma de 60 mg/m2/semaine pour les trois premiers cycles.
L'efficacité de l'UFT administré en traitement adjuvant dans les stades 1 a été démontrée par la métaanalyse de Hamada présentée au dernier congrès de l'Asco (3).
L'avis des patients.
La préférence des patients pour la voie orale a été clairement établie par les études de Liu et de Borner (4, 5) : sous réserve d'une efficacité comparable, la majorité des patients (neuf patients sur dix dans l'étude de Liu, 84 % dans l'étude de Borner) privilégie la voie orale. Les raisons de ce choix s'expliquent par les contraintes imposées avec la chimiothérapie administrée par voie veineuse : répercussions familiales, professionnelles et sociales des traitements, hospitalisations, déplacements, horaires...
En ce qui concerne leur implication dans le choix thérapeutique, 39 % jugent que la décision revient au médecin et 38 % souhaitent prendre la décision.
Si l'utilisation de la chimiothérapie orale et en particulier de la vinorelbine orale est justifiée, en raison de l'efficacité, la tolérance, la réponse aux attentes et demandes des patients, une question se pose : quelles sont ses indications ?
L'ensemble des études suggère qu'il est possible de faire intervenir la vinorelbine orale ou d'autres traitements oraux dans la plupart des situations cliniques des cancers du poumon non à petites cellules : première intention métastatique, échappement, sujets âgés, stade localement avancé, traitement adjuvant.
La vinorelbine orale pourrait-elle être une alternative à la vinorelbine IV utilisée en association au cisplatine dans certains protocoles adjuvants ?
« Des évaluations complémentaires, notamment sur la qualité de vie, sont très certainement souhaitables avant de conclure, mais dans ce contexte adjuvant la prise en compte des attentes et des choix des patients se révèle primordiale », précise le Dr Eric Dansin.
4e Rencontre France-Amérique, conférence de presse organisée par le Laboratoire Pierre Fabre.
(1) Jassem, Ann Oncol 2003 ; 14 : 1634-9.
(2) Depierre, Ann Oncol 2001 ; 12 : 1677-81.
(3) Hamada Asco 2004 ; 23 : A 7002.
(4) Liu JCO 1997 ; 15 (1) : 110-5.
(5) Borner, Eur J Cancer 2002 ; 38 (3) : 349-58.
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