En présentant les résultats de l'étude ACCORD, les coordinateurs ont reconnu que l'arrêt de l'essai, dix-sept mois avant la date prévue, soulevait beaucoup plus de questions qu'il n'apportait de réponses.
LES FAITS d'abord : ACCORD, réalisée exclusivement en Amérique du Nord, a porté sur 10 251 patients d'un âge moyen de 62 ans et dont le diabète était connu depuis dix ans. Ces patients étaient mal contrôlés (HbA1c médiane : 8,1%) et 35 % présentaient des antécédents macrovasculaires (7,2 % et 32 %, respectivement, dans ADVANCE).
L'objectif était d'analyser l'effet d'un contrôle très intensif de la glycémie (HbA1c < 6 %) sur un indice composite regroupant infarctus et AVC non mortels et mortalité cardio-vasculaire. Quand l'essai a dû être interrompu, après un suivi moyen de 3,5 ans, en raison d'une surmortalité globale supérieure dans le groupe intensif (257 décès versus 203, p = 0,04), on ne notait pas de différence significative concernant cet indice entre les groupes intensif et standard (p = 0,16).
Par rapport à l'étude ADVANCE, qui ne met pas en évidence de surmortalité, notamment macrovasculaire, on constate plusieurs différences notables : dans l'étude ACCORD, le taux d'HbA1c a été abaissé très rapidement (de 8,4 % à 6,7 % à quatre mois et à 6,4 % à un an), alors que, dans ADVANCE, le contrôle intensif était beaucoup plus progressif (l'objectif ayant été obtenu au bout de trois ans), laissé à l'appréciation des investigateurs.
Mis à part les sulfamides, les patients d'ACCORD ont reçu beaucoup plus de médicaments dans les groupes intensifs, notamment d'insuline (22 % versus 41 %) et de glitazones (92 % versus 17 %) et même de metformine (95 % versus 74 %).
Si, à la fin de l'essai, les HbA1c médianes étaient comparables dans les deux essais, il y a eu davantage d'hypoglycémies sévères dans l'étude ACCORD (3,1 % versus 0,7 %) et une prise de poids notable : 3,5 kg en moyenne et plus de 10 kg pour 28 % des patients (alors que le poids variait très faiblement dans le groupe intensif d'ADVANCE).
Or, on l'a dit, c'est la surmortalité globale qui a conduit à l'arrêt de l'étude ACCORD, l'analyse des causes de cette surmortalité posant d'autres questions : 5 % versus 4 % et 2,6 versus 1,8 % pour mortalité vasculaire. Alors même que la fréquence des infarctus non mortels est réduite dans le groupe intensif (3,6 % versus 4,6 %).
Au total, au terme de 3,5 ans de suivi, on note un décès supplémentaire pour 95 patients traités dans le groupe intensif.
Beaucoup d'hypothèses ont été avancées pour expliquer cette surmortalité, mais la comparaison avec ADVANCE ne permet pas d'affirmer que la différence s'explique par une différence des populations étudiées. La différence la plus notable vient d'un contrôle beaucoup plus agressif d'ACCORD, en associant des classes de médicaments nombreuses (associations qui sont pour certaines déconseillées par certains experts) et avec, à la clé, beaucoup plus d'hypoglycémies sévères (a- t-on bien analysé l'impact réel de ces dernières sur la mortalité ?). On n'a pas fini de disséquer les résultats d'ACCORD, mais on peut d'ores et déjà affirmer qu'il faut davantage se méfier d'un contrôle « agressif » que d'un contrôle intensif.
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