Intégrisme syndical

Comme il y a Pâques et la Pentecôte, les grèves en France sont saisonnières. Quoi qu'il arrive, il y a aura nécessairement une grève des transports en commun à l'automne.

Ce n'est plus un mouvement de revendication, c'est un rite. La religion, qui nous octroie bon an mal an une douzaine de jours de congé, est supplantée par le syndicalisme qui en offre quelques-uns de plus, mais pas à tout le monde, à des privilégiés tellement sûrs de leur bon droit qu'ils ne savent plus exactement pourquoi ils font grève. Ce dont ils sont convaincus, c'est qu'ils doivent la faire.
Le 11 septembre et ses séquelles, en particulier une alerte épidémique qui ne les a guère émus, même avant qu'elle se révélât fausse, les ayatollahs de la grève n'en ont cure. Ils n'obéissent qu'aux commandements du Livre syndical et ils ne considèrent pas que le pays où ils vivent puisse avoir de tâche plus urgente que l'augmentation de leurs salaires ou la réduction de leur temps de travail. D'aucuns ont cru utile de les rappeler à leur « patriotisme », évocation grandiloquente d'une valeur qui, depuis longtemps, a cédé la place à une foi plus fervente : il n'y a de Dieu que le syndicat.
De sorte que si, mardi, vous étiez obsédé par le risque d'ouvrir une lettre contenant de la poudre blanche, vous aviez au moins un motif de satisfaction : celle d'arriver plus tard à votre bureau et donc d'être confronté au risque après un délai de réflexion. Maintenant que nous sommes tous convertis à l'intégrisme syndical, maintenant que nous adorons le Dieu de la grève, il nous reste à remercier ces prophètes qui nous ont appris qu'une piété sincère ne va pas sans le renoncement aux biens temporels ni sans ascèse.