Au Royaume-Uni, les sujets originaires du Sud asiatique (principalement l'Inde) constituent la plus grande minorité ethnique (4,1 % de la population en 2001).
Dans ce groupe, l'incidence de la maladie coronarienne est de 40 % plus élevée que dans la population d'origine britannique. De plus, des études ont suggéré que la maladie débute plus tôt et que la mortalité est plus élevée chez les sujets d'origine sud-asiatique.
D'une prévalence plus élevée de maladie coronarienne chez les Sud-Asiatiques, on attend logiquement une plus forte prévalence d'insuffisance cardiaque. Pour être fixée, une équipe britannique a comparé les taux d'hospitalisation pour insuffisance cardiaque et le pronostic après la première admission de ce type dans deux populations : les sujets originaires du Sud asiatique et les sujets d'origine britannique.
Pour cela, ils ont obtenu des données concernant les sujets résidant dans le Leicestershire, âgés de 40 ans ou plus, hospitalisés pour insuffisance cardiaque pour la première fois entre le 1er avril 1998 et le 31 mars 2001.
Au total, entre ces deux dates, 5 789 patients ont été hospitalisés pour insuffisance cardiaque ; 5 057 (87,4 %) étaient d'origine britannique et 336 (5,8 %) étaient des patients originaires du Sud asiatique.
Des sujets plus jeunes de huit ans
Le suivi a duré entre 183 et 1 279 jours. Dans la cohorte sud-asiatique, les patients étaient en moyenne plus jeunes de huit ans que les autres ; il y avait davantage d'hommes (56,5 % contre 49,3 %)
Un infarctus aigu du myocarde, aussi bien précédent que concomitant de la première hospitalisation pour insuffisance cardiaque, était plus fréquent dans la cohorte sud-asiatique que dans l'autre - précédent : 10,1 % contre 5,5 % ; concomitant : 18,8 % contre 10,7 %.
De même, un diabète et une hypertension artérielle étaient plus souvent retrouvés chez les Sud-asiatiques.
Plus de la moitié des patients (51,4 % ; n = 2 974) sont morts avant la fin du suivi. Dans deux tiers des cas (65,5 % ; n = 1 948), le décès était dû à un événement cardio-vasculaire.
Le taux, non ajusté, de mortalité hospitalière était plus faible dans la cohorte sud-asiatique (13 %) que dans la cohorte britannique (19 %). Les estimations de survie à trente jours, à un an et à deux ans étaient plus élevées chez les Sud-Asiatiques.
A l'analyse multivariée, le risque de décès restait plus faible (18 %) dans la population sud-asiatique, tandis que le risque de réhospitalisation était identique entre les deux groupes.
L'HTA associée à un plus faible risque
Quels sont les facteurs influençant le pronostic ? Il y avait l'âge (augmentation de 44 % du risque de décès par décennie de vie en plus) et la comorbidité, en particulier un accident vasculaire cérébral et une insuffisance rénale.
Après ajustement des données, le pronostic était meilleur chez les femmes.
L'existence d'un diabète ou un infarctus du myocarde concomitant étaient associée à une moindre survie sans événement.
Un plus faible risque était trouvé chez les sujets présentant un hypertension artérielle : hasard ratio de 0,77 pour le décès et de 0,88 pour la survie sans événement. Par ailleurs, on n'a pas trouvé de relation entre faible statut social et mauvais pronostic : les patients habitant dans les zones les plus défavorisées avaient même la pus faible mortalité.
Enfin, après ajustement, le hasard ratio était plus faible dans la cohorte sud-asiatique pour toutes les causes de mortalité, et identique dans les deux populations pour les événements combinés.
« Au Royaume-Uni et dans d'autres pays, la maladie coronaire, la principale cause d'insuffisance cardiaque, est environ de 40 % plus fréquente dans les minorités ethniques sud-asiatiques que dans la population indigène. De plus, la maladie coronarienne est plus précoce, plus étendue et a un plus mauvais pronostic chez les Sud-Asiatiques », rappellent les auteurs. Dans ce contexte, expliquent-ils, il est remarquable de constater une plus faible mortalité des patients d'origine sud-asiatique nouvellement hospitalisés pour insuffisance cardiaque.
« Ce phénomène est probablement multifactoriel et pourrait être expliqué par une insuffisance cardiaque moins avancée lors de la première admission, par une cause différente d'insuffisance cardiaque dans la minorité ethnique ou par une meilleure prise en charge familiale après la sortie de l'hôpital. » La forte incidence de diabète et d'HTA dans la population sud-asiatique suggère que, dans cette cohorte, il peut y avoir une plus forte proportion d'insuffisance cardiaque avec préservation de la fonction systolique ventriculaire gauche. « L'effet protecteur de l'HTA dans notre cohorte tend à accréditer cette hypothèse », indiquent les auteurs.
Phénomène multifactoriel
Aux Etats-Unis, indiquent les auteurs, le mauvais pronostic après infarctus observé chez les sujets d'ethnie noire ou asiatique a été mis sur le compte des inégalités d'accès aux procédures invasives. Au contraire, à Leicestershire, les sujets sud-asiatiques ont eu un taux plus élevé que les autres de revascularisation coronaire.
En conclusion, indiquent les auteurs, « les taux, ajustés pour l'âge, d'admission et d'incidence de l'insuffisance cardiaque sont plus élevés dans l'ethnie sud-asiatique de Leicestershire que dans la population blanche. Les données concernant la survie suggère un meilleur pronostic chez les patients sud-asiatiques que chez les autres (...). Ces observations sont cliniquement importantes pour la populations sud-asiatique britannique, dans laquelle la cardiopathie ischémique et le diabète sont fréquents et que l'âge fait entrer dans un risque accru d'insuffisance cardiaque ».
« BMJ » du 6 septembre 2003, pp. 526-530.
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