Primes, études personnalisées, sites Internet

Installation : les généralistes choyés par les pouvoirs publics

Publié le 05/10/2003
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Les médecins généralistes qui s'installent pour la première fois, ou qui déménagent, font désormais l'objet de toutes les attentions de la part des pouvoirs publics, de plus en plus inquiets des disparités géographiques qui perdurent ou même s'accentuent dans certains départements français.

Après que Jean-François Mattei a précisé la semaine dernière, à Ramatuelle, la panoplie de mesures incitatives prévues pour éviter la formation de « déserts sanitaires » (encouragement à l'ouverture de cabinets secondaires, notamment dans les zones rurales ; exonération de la taxe professionnelle pour cinq ans dans les zones de revitalisation rurale étendue aux médecins ; aide à l'investissement - d'environ 10 000 euros - versée par l'Etat pendant cinq ans pour toute installation ou regroupement de plusieurs médecins dans une zone dite sous-médicalisée), c'est au tour de l'assurance-maladie de redoubler d'efforts pour encourager les généralistes à venir travailler «  dans les zones où la densité médicale est la plus faible ».

« Etudes de marché personnalisées »

Concrètement, l'assurance-maladie va généraliser sur tout le territoire, d'ici à la fin du premier trimestre 2004, un nouveau « service de conseil aux médecins généralistes » qui cherchent à s'installer. Objectif : aider chaque médecin à faire son choix de lieu d'exercice en toute connaissance de cause, « cartes en main ». Les généralistes qui s'installent dans une commune (première fois ou déménagement) pourront contacter et rencontrer le service des relations avec les professionnels de santé de leur caisse primaire (CPAM) afin d'obtenir une information extrêmement détaillée sur leur futur lieu d'exercice. « On leur propose une étude de marché personnalisée », explique-t-on à l'union régionale des caisses d'assurance-maladie (URCAM) de Haute-Normandie, qui expérimente le système depuis juin 2003. La CPAM procède à une « analyse complète » du lieu d'installation. Outre des informations sur la zone ciblée (nombre de communes, population, densité des généralistes), trois fiches thématiques peuvent être éditées pour renseigner le médecin. Elles portent sur les caractéristiques démographiques et socioprofessionnelles de la population locale, sur le détail de l'offre de soins existante (nombre de généralistes installés par tranche d'âge, activité moyenne, distance la plus proche des spécialistes, paramédicaux, pharmacies et services hospitaliers), mais aussi sur la consommation de soins (nombre de bénéficiaires de consultations et de visites, consommation moyenne, taux de prises en charge à 100 % au titre d'une ALD, etc.). Parallèlement, sur les sites Internet des URCAM (www.assurance-maladie.fr), les médecins pourront avoir accès à une « cartographie interactive » plus sommaire de l'offre et de la demande de soins généralistes dans une zone ciblée. « Cela permet au généraliste de se faire une première idée, d'avoir un feeling, avant de demander une étude spécifique », explique-t-on à l'assurance-maladie, qui veut favoriser l'implantation des médecins « dans un sens qui va avec la demande de soins ».
Dans le même registre incitatif, la CNAM a prévu une aide financière à l'installation, sous forme de forfait annuel, pour encourager les médecins à s'installer dans des zones rurales ou périurbaines sous-médicalisées. Paradoxe : ce système de primes avait été défini dans le cadre de la convention généraliste dès janvier 2002, sous la forme d'une aide de 13 000 euros « pour un engagement de cinq ans en secteur I ». Mais cette prime n'a jamais été instaurée car le décret préalable indispensable, qui doit permettre la cartographie des zones déficitaires éligibles aux aides, n'a pas été publié. Au ministère de la Santé, on promet que ce fameux texte sur le « zonage » est « en cours de publication ». La CNAM, de son côté, « attend le décret ».
Il faut dire que le temps presse. Selon la caisse, non seulement la densité médicale varie du simple au double d'un département à l'autre, entre la Seine-Saint-Denis et les Hautes-Alpes (voir carte), mais des « différences notoires » apparaissent entre zone urbaine et zone rurale, et au sein même des agglomérations, « entre centre-ville et banlieues ». Certes, constate l'assurance-maladie, certains secteurs ont connu un « rééquilibrage » au cours des dix dernières années, comme le Sud et le Sud-Est, le littoral nord, la Bretagne ou la région lyonnaise. Mais, à l'inverse, plusieurs régions à faible densité médicale « ont continué à perdre des médecins durant cette période », comme le Centre, la Champagne ou la Bourgogne. C'est précisément cette apparition insidieuse de quasi-déserts sanitaires qui inquiète les pouvoirs publics, surtout à l'aube de départs massifs à la retraite des médecins libéraux.
Sur quelque 3 600 cantons, on en recense 87 (pour 173 000 habitants) qui sont privés de généraliste en exercice, alors que les médecins voisins ne sont pas suroccupés. Mais la caisse répertorie aussi 62 cantons où existe une suractivité médicale « subie » par les généralistes installés, faute de confrère à proximité (encadré). Ces cantons se situent principalement dans les régions limitrophes de la région francilienne (Normandie, Picardie, Champagne-Ardenne, Centre). A noter que les inégalités géographiques touchent déjà à la caricature chez certains spécialistes libéraux puisque, par exemple, on recense en moyenne 2 psychiatres pour 100 000 habitants dans le Pas-de-Calais contre... 59 à Paris.

14 % des généralistes font plus de 7 500 actes par an

Pour examiner les zones de pénurie éventuelle d'offre de soins, la densité médicale n'est pas un critère suffisant car elle recouvre des situations diverses. La caisse examine plutôt les zones de « suractivité » des généralistes, estimant qu'une zone est déficitaire dès lors que plus de trois généralistes sur quatre comptabilisent « plus de 7 500 consultations et visites annuelles ». Au 31 décembre 2002, 7 500 généralistes (sur 54 300 au total) effectuent plus de 7 500 actes (C+V) par an, soit 14 % de l'ensemble. Mais, selon la caisse, « seulement 194 médecins », exerçant dans 62 cantons qui couvrent 400 000 habitants, subissent cette situation, faute de confrère installé à proximité. L'activité de ces généralistes débordés et isolés est « très intense » avec 9 400 actes annuels en moyenne (C+V) et 2 560 patients pris en charge (contre 1 730). Logiquement, leurs honoraires totaux sont largement supérieurs à la moyenne de leurs confrères (plus de 200 000 euros chacun contre 115 000 euros).

Cyrille DUPUIS

Source : lequotidiendumedecin.fr: 7397