L'ADN DES CELLULES est constamment soumis à des agressions par des agents génotoxique endogènes (radicaux libres) ou exogènes (agents physiques, radiations ionisantes, rayons ultraviolets [UV] ou chimiques) qui, lorsqu'elles sont répétées, peuvent altérer sa structure (perte d'une base purique ou pyrimidique, modification d'une base, erreur de réplication, rupture d'un brin ou de deux brins d'ADN...). Des pratiques (tabagisme) ou des facteurs environnementaux défavorables (pollutions) contribuent à augmenter la fréquence des lésions de l'ADN.
La sauvegarde de l'intégrité du génome nécessite l'intervention d'un réseau complexe des processus afin que les dommages de l'ADN, produits par les agents physiques ou chimiques d'environnement ou formés au cours du métabolisme cellulaire, soient effectivement détectés et éliminés.
Pour ce faire, les organismes vivants possèdent de nombreux systèmes de réparation diversifiés capables de détecter la présence de lésions d'ADN et de les réparer.
La mise en œuvre des processus de réparation est habituellement accompagnée par le ralentissement ou le blocage du cycle cellulaire (afin de permettre une réparation complète et fidèle) ou le déclenchement de l'apoptose, en cas d'échec de la réparation.
Lorsque ces mécanismes sont défaillants, un certain nombre de lésions échappent à leur contrôle, elles s'accumulent et peuvent conduire aux développements de cancers.
« Les relations directes entre instabilité génétique et cancers sont attestées par le fait que l'apparition d'un certain nombre de cancers, notamment les cancers familiaux, surviennent dans un contexte d'anomalie de la réparation de l'ADN. Il est intéressant de constater que les gènes qui contrôlent les divers mécanismes de la réparation de l'ADN appartiennent à la catégorie des gènes suppresseurs de tumeurs », explique le Pr Christian Auclair.
Le rôle de ces gènes est de limiter l'accumulation des mutations ; ainsi, ils assurent un contrôle qualitatif du matériel génétique. Des mutations invalidantes de ces gènes entraînent une perte de l'efficacité et/ou de la fidélité des mécanismes de réparation, qui favorise l'émergence de cellules cancéreuses.
Les gènes Fanc, Brca1 et Brca2 appartiennent à cette catégorie de gènes : les gènes FancC sont impliqués dans l'anémie de Fanconi, maladie génétique rare à transmission autosomique, caractérisée entre autres par une prédisposition aux leucémies aiguës myéloblastiques. Huit des neuf gènes Fanc (A, B, C, D1, D2, E, F, G et L) ont été identifiés.
Les mutations germinales identifiées sur chacun de ces deux gènes sont majoritairement des mutations ponctuelles, des insertions ou des délétions conduisant dans la plupart des cas à l'apparition d'un codon stop avec pour conséquences soit l'apparition d'une protéine tronquée, soit la dégradation de l'ARN messager porteur du codon stop prématuré.
Récemment, l'équipe d'Alan Andrea (Boston, Etats-Unis) a découvert que les gènes Fancd1 et Brca2 sont en fait un seul et même gène. Une mutation d'un seul allèle du gène Brca2 conduira à une forte prédisposition au cancer du sein et de l'ovaire, lorsque les deux allèles du même gène sont mutés, à conditions que ces mutations soient compatibles avec la survie de l'organisme, le sujet développera une maladie de Fanconi. Les protéines Fanc, Brca1 et Brca2 (Fancd1) participent donc à un processus commun de gestion des lésions de l'ADN, qui pourrait être la réparation des cassures double brin via le mécanisme « End-Joining » qui constitue la voie prédominante de la réparation de ces lésions dans les cellules de mammifères.
Un autre exemple est fourni par l'étude de maladies caractérisées par une anomalie de la réparation par excision de nucléotides.
Le Xeroderma pigmentosum en fait partie. Cette maladie se caractérise par des anomalies génétiques complexes avec des mutations pouvant affecter un des huit gènes impliqués d'une manière directe ou indirecte dans la réparation de l'ADN par excision de nucléotides avec une fréquence maximale pour 3 d'entre eux : XPA, XPC et XPD (25 %, 25 % et 15 % respectivement).
Les patients porteurs de ces anomalies, extrêmement sensibles à la lumière solaire, sont susceptibles de développer des carcinomes spino- et baso-cellulaires et des mélanomes.
Chez ces patients, le risque de survenue de cancers cutanés est 1 000 fois supérieur que dans la population générale avec un âge médian d'apparition se situant vers huit ans.
Ces pathologies sont des modèles permettant d'accéder à la connaissance précise des mécanismes moléculaires de la carcinogenèse, indispensable à la mise en œuvre d'actions de prévention (les agents génotoxiques de l'environnement étant connus), de dépistage notamment quand des antécédents familiaux de cancer sont connus.
D'après un entretien avec le Pr Christian Auclair,Laboratoire de biotechnologies et de pharmacologie génétique appliquée, Cnrs UMR 8532, école normale supérieure (ENS), Cachan .
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