LES ordonnances fondatrices des 4 et 19 octobre 1945 justifiaient la création d'un système de protection sociale par la nécessité de « débarrasser les travailleurs de l'incertitude du lendemain ». Paradoxe : les incertitudes sur l'avenir de la Sécurité sociale qui ont pris le dessus lors des interventions de nombreux politiques, hauts fonctionnaires, et représentants des partenaires sociaux. La transmission de ce patrimoine national aux générations futures exigera « des efforts individuels » et « la décennie à venir sera décisive », a averti Simone Veil, ex-ministre des Affaires sociales.
La Sécurité sociale, a renchéri le président de la Cour des comptes, doit s'adapter aux nouvelles contraintes. « Chacun, assuré, patient, retraité, professionnel de santé, ne peut plus espérer en tirer un bénéfice personnel maximal au détriment de la collectivité tout entière », a poursuivi Philippe Séguin.
Les représentants des partenaires sociaux, qui jouent un moindre rôle dans la gestion des caisses d'assurance-maladie depuis la réforme de 2004, ne se sont pas privés de souligner les insuffisances du plan Douste-Blazy. Pour Gaby Bonnand de la CFDT, « il faut faire évoluer le système conventionnel dans l'assurance-maladie, pour que la Sécurité sociale ne soit pas la somme d'intérêts particuliers. Quand on est à EDF ou dans la Défense nationale, on ne demande pas aux syndicats de définir la politique à mener. Or, à la santé, on estime que c'est aux syndicats catégoriels des professionnels de santé d'organiser le système de soins » (à travers la convention). Ce responsable Cfdt considère en outre que le dispositif du médecin traitant manque de contenu, si bien qu'il est « vécu par les patients comme un système de sanctions » auquel on adhère pour ne pas payer plus cher.
« Voter une réforme n'est pas tout », a déclaré Jean-François Veysset, de la CGPME. Aujourd'hui, selon lui, « la priorité passe par une mise en œuvre plus rapide de l'ensemble des éléments de la réforme », à savoir le dispositif du médecin traitant mais aussi la carte Vitale 2 et le dossier médical personnel.
Daniel Prada, de la CGT, a des doutes pour sa part sur la pérennité du principe de l'accès aux soins pour tous à l'heure où « un débat est lancé sur la responsabilité personnelle et le reste à charge ».
Pour le président de la Cftc, Jacques Voisin, les efforts demandés « pèsent essentiellement sur les assurés sociaux ». Le forfait de 1 euro par acte, le forfait hospitalier de 15 euros, le déremboursement des médicaments au SMR insuffisant et, enfin, la franchise de 18 euros pour les actes en K 50 sont autant de mesures qui obligent les assurés sociaux à mettre la main à la poche, selon Jacques Voisin, et ne font que souligner le problème actuel du financement de la Sécurité sociale. C'est pourquoi le président de la Cftc suggère l'instauration d'un « vrai conseil afin de réfléchir ensemble aux questions de financement ». Il y a quelques jours, la CGT avait demandé de son côté l'organisation d'une table ronde sur la réforme du financement de la Sécurité sociale.
Daniel Prada plaide pour un financement « accroché au travail », comme aujourd'hui, mais avec « une modulation des cotisations en fonction des entreprises qui créent de l'emploi ». Le secrétaire général de la PFE-CGT, Jean-Louis Walter, propose de déplacer une partie des cotisations maladie des employeurs sur une autre assiette que les salaires : la consommation.
A la Cfdt, Gaby Bonnand souhaite que seuls les risques liés au contrat de travail restent financés par les cotisations. Jean-René Buisson, du Medef, a indiqué que « c'est à l'Etat de définir les niveaux de redistribution » et que son organisation patronale préfère l'impôt aux cotisations qui sont un frein à l'emploi. « Il faut avoir le courage aujourd'hui de mettre à plat le financement de la Sécurité sociale », a ajouté Jean-Claude Mallet, de FO, sans omettre la question des exonérations de cotisations qui représentent « 9 milliards d'euros de créance de l'Etat ».
La prudence du ministre.
A peine perturbé par l'irruption de deux manifestants d'Act-Up vite maîtrisés, Xavier Bertrand a conclu les débats en affirmant qu' « en matière de protection sociale il n'y a pas de réforme cardinale ». Le ministre de la Santé et des Solidarités propose donc de donner un nouvel élan à la Sécurité sociale afin de « répondre aux besoins sociaux insatisfaits encore trop nombreux », telle la dépendance ou les pathologies lourdes.
Quant aux « sujets qui peuvent faire débat », ils sont « la preuve que la Sécurité sociale est un enjeu vivant ». Une façon de botter en touche alors que fusent les critiques autour d'une privatisation rampante de l'assurance-maladie à l'occasion du Plfss 2006.
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