LE SPECTRE DU MÉDECIN référent, victime collatérale du médecin traitant, va resurgir prochainement dans les discussions conventionnelles.
Alors que les parties signataires avaient initialement prévu de fixer «au plus tard le 15novembre 2005» les modalités de la convergence des deux dispositifs (médecin référent et médecin traitant)dans le cadre d’un avenant spécifique plusieurs fois repoussé, c’est finalement la date du «15juin» qui a été retenue pour statuer sur ce dossier délicat. Si le calendrier est respecté, il reste donc un mois pour sceller le sort du médecin référent. Un sujet qui n’a cessé d’alimenter les polémiques depuis que la nouvelle convention a prévu la disparition en deux ans de cette option choisie librement par quelque 6 800 médecins généralistes – environ 10 % de la profession – et un peu plus de 1 million de patients (voir encadré).
Recyclage.
Quelles seront les modalités de la convergence annoncée ? Quel avenir pour le tiers payant qui facilitait l’accès aux soins pour nombre de familles démunies ? Quelles compensations financières pour les praticiens concernés ?
L’avenant devra répondre à ces questions d’autant plus délicates que le système du médecin référent ( «déférent» selon le sobriquet utilisé par la Csmf, pour dénoncer une «médecine de caisses») a été depuis sa création en 1998 le symbole le plus éclatant des déchirements syndicaux.
A ces questions de fond s’ajoute une incertitude de taille sur ce que sera l’échiquier syndical et conventionnel à la mi-juin, deux semaines après les résultats des élections aux unions régionales de médecins libéraux. Un nouveau rapport de forces pourrait-il modifier les conditions politiques de cette négociation ?
D’ores et déjà, la Caisse nationale d’assurance-maladie (Cnam) étudie, selon nos informations, la mise en place d’une nouvelle «solution» conventionnelle sous la forme d’une option individuelle proposée à l’ensemble des médecins généralistes. Elle serait ciblée sur des actions de santé publique et de prévention et, selon la caisse, un grand nombre de médecins référents pourraient retrouver dans cette formule une continuité de leur pratique et de leurs engagements. Cette option «reste à négocier», précise-t-on à la Cnam, où l’on marche sur des oeufs à propos de ce dossier. Mais l’idée serait de permettre le paiement de forfaits ciblés en contrepartie du respect d’ «engagements individuels» portant sur certains thèmes de maîtrise médicalisée (définis dans la convention) et actions de prévention. L’avenant précisera ces thèmes «à enjeux économiques prioritaires», en lien avec les objectifs collectifs des médecins traitants, et les résultats «quantifiés» à atteindre pour obtenir ces forfaits. «Politiquement, il s’agit de tourner cette page en douceur. Les référents qui ont signé un nombre moyen de contrats s’y retrouveraient financièrement», affirme un bon connaisseur du dossier.
Après avoir combattu pendant sept ans l’option médecin référent et obtenu sa disparition lors des négociations de 2004 (à l’issue d’un arbitrage au plus haut niveau), les deux principaux syndicats signataires de la convention (Csmf et SML) ne sont guère enthousiastes à l’idée de retrouver ce dossier à l’ordre du jour, fût-ce pour le boucler définitivement. «Nous ne sommes pas les spécialistes des médecins référents, ironise le Dr Michel Chassang, président de la Csmf. Il va falloir habiller une nouvelle option de santé publique, faire en sorte que les médecins référents n’y perdent pas trop, mais sans faire un référent bis ...» Le Dr Michel Combier, chef de file des généralistes de la Conf’ (Unof), oscille entre apaisement et fermeté. «Nous ne voulons tuer personne. Mais il faut quand même se souvenir que ce système a organisé la captation de beaucoup d’argent au profit de peu de médecins généralistes. Je pense davantage aux 90% de généralistes non référents!» Le Dr Dinorino Cabrera, président du SML, admet que l’objectif de cette dernière négociation est de «recycler les médecins référents» car «il faut bien atterrir un jour».
MG-France : « La convergence, c’est le C2 généralisé ».
Il n’est pas certain que cet atterrissage puisse se faire en douceur.
Seul syndicat à avoir porté le dispositif du médecin référent, MG-France se dit déterminé à combattre toute solution «au rabais». «La seule convergence possible, ce serait la généralisation pour tous les médecins traitants d’un forfait annuel C2 par patient», tranche le Dr Pierre Costes, président de MG-France.Et de faire le parallèle entre la situation des «spécialités perdantes, pour lesquelles la Cnam prévoit des compensations à l’euro près» et celle des médecins généralistes «pour qu’on supprime volontiers des droits acquis». MG-France affirme que d’éventuels «contrats» de santé publique ou/et de prévention ne connaîtront aucun succès «tant que la confiance est brisée». Pour le Dr Jean-Paul Hamon, président de la FMF Généraliste, la solution «la plus simple» serait de «geler» le système du médecin référent «de la même façon qu’on a maintenu le secteur II ou le DP».
«En tout cas, ajoute-t-il, il est impensable que les médecins référents qui ont été sacrifiés pour des raisons idéologiques perdent une partie de leurs revenus dans cette affaire.»
La crainte d’un manque à gagner financier est précisément au coeur du combat de l’Association nationale des médecins référents (Amedref), regroupant 500 médecins, et qui redoute depuis un an «un enterrement à la sauvette». Sa présidente, le Dr Hélène Baudry, ne rejette pas le principe d’une nouvelle option proposée aux médecins généralistes ; mais elle ne croit pas que ce dispositif puisse équilibrer la perte de revenus pour tous les médecins référents (les forfaits représentaient 7 000 euros par an en moyenne, soit environ 6 % des honoraires, mais parfois beaucoup plus). «Une nouvelle option, oui, mais à quel prix? Quand on voit que l’avenant12 (à la convention) vient de définir une série d’obligations de prévention pour le médecin traitant sans aucun moyen supplémentaire en regard, il y a de quoi s’inquiéter sur la convergence.»
Jusqu’au bout, le dossier référent risque d’exaspérer les antagonismes syndicaux.
Même si la montée en puissance du versement des forfaits de 40 euros par an par patient en ALD (pour les médecins traitants), mais aussi certaines mesures ayant étendu le bénéfice du tiers payant donnent des arguments à ceux qui parient sur une fermeture de l’option dans des conditions apaisées. Réponse dans un mois ?
Une option mal évaluée
La Cnam a fourni à la fin de 2005 un portrait-robot du médecin référent ainsi qu’un sobre bilan de l’option (« le Quotidien » du 19 décembre). Étaient répertoriés exactement 6 891 médecins référents (et non pas 12 000 comme certains l’avançaient...), installés plus souvent dans l’Est et le Sud, à 79 % des hommes et âgés en moyenne de 48 ans. Leurs revenus annuels étaient un peu plus élevés que ceux de leurs confrères (126 000 euros contre 122 000). Ce document dressait un état des lieux contrasté de l’option pour laquelle la Cnam admettait ne pas avoir d’ «évaluation solide». L’étude affirmait que les référents se forment davantage en moyenne que leurs confrères, respectent un peu plus les recommandations de pratique même si l’assurance-maladie évoquait des résultats de santé publique «le plus souvent similaires» entre référents et non-référents. Si les référents prescrivaient globalement moins que leurs confrères (– 5 % par patient), la Cnam restait prudente sur les leçons à tirer de ce système. «Pour la qualité des soins comme pour l’efficience, il est impossible de faire la part des choses entre l’impact propre de l’option et un comportement déjà différent des médecins concernés.»
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