La période orale
Les enfants représentent près de 80 % des patients ingérant des corps étrangers. C'est entre 6 mois et 3 ans, dans la période dite « orale » où l'enfant met tout à sa bouche, que la majorité des ingestions accidentelles (70 %) se produisent. Entre 3 et 12 ans la fréquence est de 30 %. Peu de chiffres sont à disposition pour évaluer le nombre annuel réel de ces ingestions de corps étrangers. En 2001, en France, d'après une enquête de la SFED, 1 700 gastroscopies ont été réalisées pour extractions de corps étrangers. Aux Etats-Unis, on estime à environ 1 500 décès annuels liés à une ingestion d'un corps étranger, dans 80 % des cas il s'agit d'enfants. Les possibles conséquences de l'ingestion de corps étrangers sont l'asphyxie, les saignements, les perforations, l'obstruction des voies digestives.
Pièces, billes, piles
Les corps étrangers ingérés par les enfants sont variés. Mais les objets « mousses » c'est-à-dire ronds (pièces de monnaie, billes, petites piles…) sont les plus fréquemment ingérés, 42,5 % des cas se produisent entre 6 et 12 ans. Si la majorité (environ 90 %) d'entre eux sont éliminés naturellement, certains sont bloqués dans le tractus digestif, essentiellement quand le diamètre est supérieur à 2,5 cm ou quand la longueur dépasse les 5 cm. Leur progression peut être stoppée au niveau d'un rétrécissement physiologique : glotte, zone entre l'épiglotte et la langue (vallécule), larynx, muscle crico-pharyngien (60 à 80 %), crosse aortique (10 à 20 %), sphincter inférieur de l'oesophage (environ 5 %), pylore, valvule iléo-cæcale, anus, l'oesophage, ou cheminer jusqu'à l'estomac.
Pin's, pics à dents, os, arête
Les objets tranchants (pin's, pics à dents, os, arêtes…) sont plus rarement rencontrés chez les enfants. Les risques de déchirures, de perforation, d'hémorragies sont présents. Quant aux bézoards, aux objets longs supérieurs à 6 cm (cuillères, stylos, brosses à dents…), ils s'intègrent plus à un contexte psychotique chez les jeunes adultes, les adultes voire les personnes âgées.
Un point important est l'ingestion des piles, surtout si leur diamètre dépasse 20 mm. Bloquées dans l'oesophage, les dégâts du fait de leur composition, de leur délitement, sont rapides et considérables: en 1 heure dégâts muqueux, en 2 à 4 heures dégâts musculaires, en 8 à 12 heures c'est la perforation.
Interrogatoire pour identification
En cas d'ingestion d'un corps étranger par un enfant, il faut en premier lieu contacter le 15 qui soit renverra vers un médecin généraliste, soit décidera de rapatrier l'enfant vers un service d'urgence hospitalier approprié. L'évaluation du risque est une étape incontournable. Pour les enfants en bas âge, ne parlant pas encore ou pas assez bien, l'interrogatoire de l'entourage ou des témoins est indispensable pour identifier le corps étranger ingéré. L'ingestion passe souvent inaperçue, peut être asymptomatique. La stratégie d'intervention est décidée en fonction de la taille du corps étranger, du matériau le constituant, de la situation anatomique du blocage… S'il n'y a pas d'intervention, une surveillance radiologique vérifiera l'élimination naturelle.
L'endoscopie thérapeutique
Depuis ces dernières décennies, comme le souligne le Dr Christian Boustière, «si l'avènement de l'endoscopique souple a permis une meilleure connaissance de nombreuses maladies digestives… Elle a surtout permis le développement de l'endoscopie thérapeutique et ouvert la porte à une véritable chirurgie endoluminale … rendant un service inégalable au patient en lui évitant un traitement chirurgical plus risqué, plus coûteux, pas toujours adapté». Avec l'endoscopie interventionnelle, l'extraction d'un corps étranger du tube digestif d'un enfant permet d'opérer et d'extraire le corps étranger ingéré « sans ouvrir ». Actuellement, sur les 10 % de corps étrangers du tube digestif supérieur non éliminés naturellement par les selles, seulement 1 % nécessitent une intervention chirurgicale chez les enfants.
Aux urgences, la prise en charge de l'enfant doit être faite «par un endoscopiste rodé à ce type d'intervention et bénéficiant d'un plateau technique approprié», précise le Dr Jean-Christophe Letard. L'intervention dure en moyenne 30 à 40 minutes sous anesthésie générale. A partir de 2-3 ans des endoscopes standard sont utilisés, pour les enfants plus jeunes des endoscopes pédiatriques. Pour les objets «mousses», l'extraction s'effectue généralement à l'aide de pinces éventuellement caoutchoutées, ou à l'aide de pièges à polypes ou de panier type Dormia.
D'après une conférence de presse organisée par la SFED (Société française d'endoscopie digestive) avec pour intervenants le Dr Christian Boustière (Marseille), président de la SFED, le Dr Jean-Christophe Letard (Poitiers), vice-président de la SFED, le Dr Jean-Michel KANARD.
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