Prise en charge du cancer

Informer des perturbations du goût

Publié le 14/10/2008
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«CHEZ LES PATIENTS atteints de cancer, les altérations du goût sont très fréquentes, quasi générales», affirme le Dr Joseph Gligorov, oncologue à l'hôpital Tenon, à Paris. La perturbation de ce sens n'est pas sans conséquences. Elle peut entraîner un déséquilibre psychologique de la vie familiale et sociale. Mais aussi entraver le bon déroulement du traitement. Pourtant, les patients ne se plaignent pas spontanément de leurs troubles du goût. «Ils n'en parlent pas, excepté à leur famille proche. Ils n'accordent pas à cet inconfort une valeur de gravité suffisante pour justifier le signalement de ce symptôme à leur médecin», précise le Dr Gligorov. Plusieurs facteurs contribuent à induire une altération du goût chez les patients cancéreux. Ils tiennent à la maladie et aux traitements imposés par la prise en charge du cancer. «À l'annonce du diagnostic, de la gravité de la maladie et de ses effets secondaires, il y a une rupture entre la vie d'avant et d'après. Nombre de choses changent pour le patient et les sensations gustatives ne font pas exception, quelle que soit la localisation ou la nature du cancer.»

Certains cancers situés au niveau de la tête et du cou (sphère ORL) peuvent entraîner une modification, voire une suppression du goût. De fait, les tumeurs qui se développent dans la cavité buccale peuvent atteindre la langue, les papilles gustatives, ou encore le naso-pharynx. C'est-à-dire l'organe sensoriel lui-même.

D'autres cancers peuvent perturber le goût en altérant la transmission de l'information sensorielle au cerveau. Dans certaines tumeurs cérébrales, par exemple, une atteinte des structures nerveuses est ainsi observée.

Les traitements eux-mêmes peuvent avoir une incidence sur le goût. «La chirurgie, pratiquée pour traiter les cancers de la tête et du cou, peut malheureusement impliquer une amputation de la langue et de ses papilles gustatives. De même, les traitements de radiothérapie, excessivement lourds, vont entraîner une destruction des organes de sensation gustative (irradiation de la langue, par exemple) », note le Dr Gligorov. L'irradiation peut aussi se révéler délétère pour le goût en induisant des modifications de la cavité buccale et des joues qui favorisent l'apparition d'infections par le biais de l'inflammation. Le patient éprouve alors des douleurs et des sensations de gêne, de perturbation gustatives. Il n'a plus envie de goûter et ne stimule plus ce sens.

Attention au froid.

Les chimiothérapies sont à l'origine de plusieurs complications pouvant retentir sur le goût. Certains médicaments, toxiques pour les muqueuses, provoquent une irritation qui peut se manifester par des aphtes et une atteinte de tout le tube digestif au détriment du goût. D'autres molécules utilisées en chimiothérapie ont une toxicité neurologique qui se traduit par une modification de ce sens. «Les sels de platine (pour les cancers de la sphère ORL, des testicules) et les taxanes (cancers du sein…) agissent sur les fibres nerveuses et altèrent beaucoup le goût. Quant à l'oxalate de platine, il peut provoquer des crises douloureuses au niveau du larynx (telles des décharges électriques) , exacerbées par le froid. Je conseille donc souvent à mes patients de ne pas consommer d'aliments trop froids (glaces, sorbets…) pendant les premiers jours du traitement», assure le Dr Gligorov.

Autre type de complication, les infections peuvent être responsables de surinfection de la cavité buccale, notamment par des champignons (candidoses…) ou par des virus de type herpès et modifier ainsi les sensations gustatives.

Certaines molécules de radiothérapie – utilisées dans les tumeurs digestives – peuvent altérer les muqueuses et créer des mucites, le plus souvent localisées au niveau de la bouche et du tube digestif.

Quant aux thérapies ciblées, elles n'ont pas systématiquement de conséquences. Toutefois, certains traitements destinés à bloquer un récepteur cellulaire inhibent par le même mécanisme un maillon essentiel au fonctionnement des papilles gustatives. Et, donc, à la sensation de saveur.

«Notre rôle, en tant que thérapeutes, est d'essayer de prévenir les patients, de combattre au quotidien les effets secondaires associés au traitements. C'est très important car, lorsqu'un patient souffre de perturbations du goût, il se trouve souvent isolé. Cette altération sensorielle retentit sur les moments privilégiés de partage que sont les repas avec la famille et les amis. Nous devons aussi comprendre pourquoi certains ne s'alimentent plus. Parfois, un traitement simple (en cas de mycoses au niveau de l'oesophage, par exemple) suffit à rétablir l'appétit », conclut l'oncologue.

Un livre de recettes adaptées

Vingt-deux chefs cuisiniers de France se sont mobilisés pour les patients atteints de cancer. Ils ont créé des recettes les aidant à retrouver le plaisir du goût. Regroupées dans un livre, celles-ci ont été établies à partir de l'expérience quotidienne de Ginette Rossignol, diététicienne à l'institut Gustave-Roussy, à Paris. Au menu : esthétisme, gourmandise, mais aussi légèreté et équilibre (protéines, lipides, glucides). Publié à l'occasion de la Semaine du goût, le guide « Retrouver le plaisir du goût » comporte, en outre, des recommandations pour l'alimentation des malades souffrant de cancer. Il est disponible gratuitement, en contactant le 01.45.58.76.00 ou à l'adresse suivante : gout@bioalliancepharma.com. Il peut aussi être téléchargé sur : www.bioalliancephar-ma.com (à partir du 18 octobre).

> HÉLIA HAKIMI

Source : lequotidiendumedecin.fr: 8440