Selon les études, la prévalence du VIH en milieu carcé- ral varie de 1 à 34 %, celles de l'hépatite C et de l'hépatite B respectivement de 4 à 60 % et de 4 à 75 %. L'incidence de ces affections est plus difficile à déterminer, mais un certain nombre d'articles font état de séroconversion aux différents virus, ce qui suggère l'existence de contaminations en prison, notamment par le partage des seringues.
Les comportements à risque de transmission du VIH, du VHC et du VHB sont de trois ordres :
- L'usage de drogue : de 20 à 40 % des détenus sont des usagers de drogues par voie intraveineuse (UDI), de 10 à 40 % continuent les injections en milieu carcéral (6 % en France) et, dans 65 à 75 % des cas, il y a partage de seringue.
- Les pratiques sexuelles non protégées : en Europe, entre 1 et 2 % des détenus ont des relations sexuelles en prison. A travers les rapports sexuels entre détenus se jouent, au-delà de l'acte sexuel, des rapports de pouvoir. Ces rapports sexuels sous la contrainte, qui auraient une symbolique de rapport de force, sont peu accessibles à une démarche de prévention. Lors des rapports sexuels consentis, l'utilisation du préservatif est également problématique, car les hommes, qui y ont théoriquement droit, n'osent pas en réclamer du fait de l'homophobie ambiante et de la crainte des représailles.
- Les tatouages et le piercing, et, dans environ 20 % des cas, le partage systématique de matériel (rasoir, brosse à dents...).
La prison se présente donc comme un foyer de dissémination potentielle des infections par le VIH, le VHC et le VHB. La proportion importante des UDI, les prévalences élevées de sida et d'hépatites, le renouvellement des courtes peines en font un lieu à haut risque de contamination lors de l'incarcération, et aussi un foyer de dissémination des virus par les UDI sortants à l'occasion de contacts extérieurs (partage de seringue, rapports sexuels non protégés).
Ces conditions expliquent que la période d'incarcération est un moment important pour prévenir les risques infectieux, notamment chez les individus qui sont les plus à risque de transmission et de dissémination de ces infections.
Réduction des risques
Des actions de prévention sont proposées dans les différents pays. Elles reposent sur le dépistage anonyme, confidentiel et volontaire des infections virales accompagné d'une information pré- et post-test, l'accès aux traitements de substitution aux opiacés (méthadone), l'accès facile et discret aux préservatifs, la distribution d'eau de Javel pour désinfecter les seringues. La distribution de seringues stériles est une mesure controversée ; évaluée dans certains pays, elle semble néanmoins avoir un effet globalement positif chez les UDI.
« La faisabilité de ces actions de réduction de risque implique au préalable information, consultation et adhésion du personnel de l'administration pénitentiaire », souligne le Dr Emmanuelli.
Une mission conjointe des ministères de la Santé et de la Justice montre que la situation n'est pas différente dans les établissements pénitentiaires français : la prévalence du VIH et celle du VHC sont respectivement 3 à 4 fois et 4 à 5 fois plus élevées que dans la population générale.
La mission fait de nouvelles propositions pour renforcer la politique de réduction des risques en milieu carcéral : promouvoir l'éducation à la santé, améliorer le dépistage des infections par le VIH, le VHC et le VHB (dépistage systématique à l'entrée en détention, voire ultérieurement en cas de refus) et renforcer la vaccination, améliorer l'accessibilité des préservatifs, informer sur l'utilisation de l'eau de Javel à des fins de décontamination de tout matériel ayant été en contact avec du sang, faciliter l'accès aux traitements prophylactiques postexposition au VIH, développer les traitements de substitution aux opiacés et la prise en charge des addictions. Enfin, actualiser et généraliser les formations pour le personnel sanitaire ainsi que pour celui de l'administration pénitentiaire confronté au paradoxe prévention-pratique illégale et pour lequel la prison n'est pas un lieu de soin.
Infections à VIH et hépatites : la prison, lieu de dissémination et de prévention
Publié le 02/09/2002
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Dr Micheline FOURCADE
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Source : lequotidiendumedecin.fr: 7168
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