L'intérêt de la communauté scientifique dans le domaine des infections respiratoires basses est majeur : 800 articles traitaient de ces infections entre 1995 et 2000, alors que plus de 1 500 articles leur ont été consacrés ces trois dernières années. Une mise au point était donc nécessaire.
Le thème du projet de réactualisation concernait le traitement et la prévention des infections respiratoires basses de l'adulte acquises en ville. Les infections respiratoires de l'enfant étaient donc par définition exclues de la réflexion des experts. Il en allait de même des infections survenant chez un immunodéprimé et des infections nosocomiales.
Une méthodologie rigoureuse
La méthodologie adoptée pour ce projet de réactualisation a suivi le cahier des charges habituellement adopté pour la rédaction de recommandations. Les experts ont procédé à une sélection critique puis à une évaluation de la littérature disponible. Une attention particulière a été portée à la qualité scientifique des publications, comme cela est le cas pour tout projet de recommandation.
Le niveau de preuve des données scientifiques ainsi identifiées a été hiérarchisé en cinq niveaux, conformément aux travaux de D. L. Sackett sur l'evidence-based medicine. La force des recommandations est ainsi directement dérivée des niveaux de preuve des études ayant servi à leur élaboration.
L'analyse des données épidémiologiques relatives aux infections respiratoires basses de l'adulte montre que leur incidence est très variable. En effet, elle peut varier de 50 à 84 cas pour 1 000 en Europe. L'incidence des pneumonies, quant à elle, varie de 1,6 à 19 cas pour 1 000. La mortalité de ces infections reste importante en Europe (de 40 à 50 pour 100 000), davantage encore dans les pays du tiers-monde.
La fréquence des résistances de certains germes, en particulier le pneumocoque, est élevée, notamment à la pénicilline et aux macrolides. La fréquence des résistances de Haemophilus influenzae a également été soulignée. Il n'a toutefois pas été montré de manière probante que l'augmentation de la fréquence de la résistance des germes aux antibiotiques était corrélée à un accroissement de mortalité. Il est possible que le niveau de résistance ne soit pas suffisamment élevé pour qu'un retentissement sur le pronostic vital soit détectable.
Le diagnostic de ces infections en ville est essentiellement présomptif. Il est ainsi essentiel d'identifier les formes les plus graves en raison de l'infection, de l'état général ou du statut social du patient qui nécessitent une hospitalisation. Il en est de même des pneumonies, qui doivent donc être détectées avec soin.
Les experts ont rappelé l'absence d'indication du traitement antibiotique dans le cas des infections respiratoires ayant une étiologie virale. En cas de suspicion d'infection bactérienne en ville, la supériorité des antibiotiques les plus récents n'a pas été démontrée. Le traitement antibiotique devrait en tout état de cause être fondé sur les recommandations européennes, celles-ci devant toutefois être modulées en fonction des particularités épidémiologiques nationales et même locales.
La prise en charge hospitalière concerne avant tout les exacerbations de broncho-pneumopathie chronique obstructive (BPCO) et les pneumonies. La décision de traitement antibiotique d'une exacerbation de BPCO repose sur les classiques critères d'Anthonisen (augmentation du volume de l'expectoration, de sa purulence, accroissement de la dyspnée). Elle doit tenir compte de la nature des germes vraisemblablement en cause (pneumocoque, Branhamella catarrhalis, Haemophilus influenzae en particulier). Elle peut faire appel à divers antibiotiques, par exemple aux nouvelles fluoroquinolones, sous réserve de leur tolérance et de la pression de sélection de souches résistantes qu'elles sont susceptibles d'induire.
Pour les pneumonies, l'antibiothérapie peut faire appel à différentes stratégies, sachant que la place de certaines molécules comme le kétolide n'est pas encore parfaitement définie. Les formes les plus sévères doivent être traitées en fonction de l'évaluation du risque d'infection à pyocyanique.
La prévention des infections respiratoires basses de l'adulte, enfin, implique notamment les vaccinations antigrippale et antipneumococcique.
D'après un entretien avec le Pr Gérard Huchon, hôpital de l'Hôtel-Dieu, Paris.
Cinq niveaux de preuve
Lors de l'élaboration des recommandations, les publications analysées ont été classées en cinq groupes. Les données issues de grands essais comparatifs randomisés avec résultats méthodologiquement indiscutables sont considérées comme prouvées et affectées du niveau 1, le plus élevé. Le niveau de preuve 2 correspond aux données issues d'essais comparatifs randomisés, mais dont les effectifs sont faibles, et de grands essais mais dont les résultats sont moins certains. Le niveau de preuve 3 est celui des essais comparatifs non randomisés avec groupe témoin, ainsi que des études de cohorte. Les essais comparatifs méthologiquement moins satisfaisants sont classés au niveau 4. Il est admis que les données de niveau 2, 3 ou 4 correspondent à des faits non prouvés mais probables. Le niveau 5, enfin, est celui du niveau de preuve le plus faible et correspond aux essais sans groupe témoin, à des séries de patients, à des consensus professionnels ou à des opinions d'experts.
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