L'interruption transitoire du traitement anti-VIH est une idée déjà ancienne, dont l'objectif, initialement, était de provoquer un rebond viral, de manière à favoriser une immunisation contre le virus. Celle-ci, s'ajoutant au traitement réinstauré de loin en loin, pouvait permettre, espérait-on, d'éliminer complètement l'infection.
En fait, si des indications en ce sens ont été obtenues chez le singe traité immédiatement après l'infection, les quelques essais prudemment menés chez l'homme n'ont guère confirmé, jusqu'à présent, les vertus immunisantes du rebond viral. On penche donc davantage aujourd'hui vers la stratégie vaccinale classique.
Pour autant, le principe des traitements séquentiels n'a pas été abandonné. Simplement, l'objectif a été déplacé, et l'on vise aujourd'hui, par des interruptions, à réduire à la fois la toxicité des antiviraux et le coûts des traitements. L'étude publiée dans les « Proceedings » est une parfaite illustration de cette nouvelle stratégie, en même temps qu'elle apparaît comme une première validation.
L'étude ne concerne en fait que dix patients, dont sept avaient déjà été traités avant les associations de type HAART. A l'entrée dans le protocole séquentiel, tous présentaient une charge virale inférieure à 50 copies d'ARN/ml, et un taux de CD4 supérieur à 300/mm3. Le traitement instauré comportait d4T, lamivudine, indinavir et ritonavir. Quant aux durées choisies pour les cycles de traitement et d'interruption, sept jours et sept jours, elles correspondent à une estimation empirique, visant à conserver l'effet antiviral du traitement tout en limitant à la fois ses effets secondaires, et l'ampleur du rebond viral.
A l'usage, cette estimation s'est révélée correcte, puisque l'interruption du traitement durant dix jours chez un patients, s'est soldée par un rebond à 3 000 copies, et une interruption de 21 jours chez un autre patient, par un rebond à plus de 20 000 copies. Ce dernier à d'ailleurs été exclu de l'étude, un second patient étant, lui, sorti à douze semaines pour raisons personnelles, alors que sa charge virale restait inférieure à 50 copies. Les huit patients restant, donc, ont été suivis durant vingt-quatre semaines, et jusqu'à cinquante-deux semaines pour trois d'entre eux.
Pas de rebond de la charge virale
Les évaluations, toujours réalisées à la fin d'une semaine « off », ne montrent aucun rebond de la charge virale périphérique, ni davantage d'augmentation de la charge virale ganglionnaire (prélèvements au niveau des ganglions inguinaux chez 4 patients), de l'ADN proviral dans les CD4, ni encore du taux de CD4 répliquant le VIH. Chez les trois patients suivis cinquante-deux semaines, la suppression de l'ARN viral et de l'ADN proviral s'est maintenue durant toute la période. Par ailleurs, le taux de CD4 n'a pas significativement varié entre l'entrée dans l'étude et la 24e semaine. Les réponses à différents antigènes, dont les antigènes du VIH, sont restées les mêmes. Enfin, les tests génotypiques et phénotypiques n'ont pas mis en évidence l'apparition de nouvelles résistances durant le traitement séquentiel. Au total, donc, les interruptions brèves de traitement semblent dépourvues de conséquences virologiques ou immunologiques.
Baisse du cholestérol et des triglycérides
En revanche, des effets favorables ont été relevés sur les paramètres lipidiques. En vingt-quatre semaines, une chute moyenne de la cholestérolémie de 22 % a été enregistrée (220-171 mg/dl). Quant au LDL cholestérol et aux triglycérides, leurs taux moyens sont passés en vingt-quatre semaines de 142 mg/dl à 118 mg/dl, et de 270 mg/dl à 113 mg/dl, respectivement. On note que les améliorations se sont maintenues chez les patients suivis durant cinquante-deux semaines.
Pour les auteurs, l'ensemble de l'étude constitue une « proof of concept ». Elle ne prouve évidemment pas que le traitement séquentiel doit devenir la règle, mais indique au moins qu'il y a lieu d'approfondir. Aussi bien d'ailleurs pour la qualité de vie des patients traités - puisque si le retentissement clinique de l'amélioration des lipides n'est pas prouvé, il n'en est pas moins très vraisemblable - que pour favoriser le traitement des quelque 95 % de personnes infectées de par le monde qui n'accèdent pas pour le moment aux antiviraux.
Prudence
Dans un éditorial, Diane V. Havlir (université de Californie) souligne l'intérèt de l'étude, autant que la prudence nécessaire. Prudence, d'abord, au plan de l'interprétation virologique, puisque le traitement retenu pour le protocole séquentiel était « probablement plus puissant que les traitements reçus préalablement, en continu ». Prudence dans l'interprétation des chiffres lipidiques, également, puisqu'il est « parfaitement possible que la conscience croissante, parmi les personnes infectées, de l'importance d'un régime pauvre en cholestérol, soit à l'origine de la diminution des lipides ». L'hypothèse est en fait peu vraisemblable, puisque le traitement suivi dans le protocole est susceptible d'effets plus marqués sur les lipides que les traitements pris antérieurement par les patients. Elle doit néanmoins être exclue. Prudence, enfin, dans la conception même des interruptions de traitement. L'interruption simultanée de molécules possédant des demi-vies différentes se solde en effet par des périodes plus ou moins brève de thérapie suboptimale, susceptibles de favoriser l'émergence de résistances. Quoique le phénomène n'ait pas été observé dans l'étude, il mérite d'être envisagée, et l'interruption des traitements, modulée de manière à ce que les différentes activités antivirales disparaissent de l'organisme en même temps. Le schéma thérapeutique risquerait certes de devenir complexe, ou encore plus complexe. Reste à voir s'il reste acceptable.
En attendant, il faut encore confirmer, dans un essai d'une certaine envergure, le concept malgré tout très intéressant de traitement séquentiel par cycles courts.
M. Dybul et coll. « Proc Natl Acad Sci USA », décembre 2001.
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