CONGRES HEBDO
Le Pr Pierre Michetti et le Dr Irène Corthesy-Theulaz ont été parmi les premiers à développer un vaccin dirigé contre Helicobacter pylori (HP), d'abord chez la souris, puis chez l'homme. C'est en utilisant un antigène purifié d'HP, l'uréase, qu'ils ont pu démontrer son efficacité chez l'animal, non seulement à titre prophylactique, mais également thérapeutique sur des souris préalablement infectées. Sans toutefois permettre l'éradication complète du pathogène de l'estomac, ce vaccin a permis de diminuer la charge bactérienne d'un facteur allant de 100 à 1 000.
Ces résultats encourageants ont incité le Pr Michetti à conduire quatre essais cliniques distincts afin de tester la faisabilité de la vaccination anti- Helicobacter chez l'homme. L'objectif de la première étude était de s'assurer de la possibilité d'administrer l'uréase recombinante de HP par voie orale sans induire d'effets secondaires. Les résultats ont été positifs, mais ils ont également révélé la nécessité d'adjoindre un adjuvant à l'uréase pour d'induire la réponse immunitaire de l'hôte, l'uréase seule n'ayant pas été suffisante. Deux autres études ont évalué l'intérêt d'une toxine bactérienne, la toxine LT de Escherichia coli, comme adjuvant de l'uréase. A la dose de 10 μg, la toxine LT a provoqué des diarrhées sévères chez les premiers patients testés, mais elle a été mieux tolérée à des doses plus faibles.
Diminution de la charge bactérienne
Les deux tiers des patients vaccinés ont développé une réponse humorale anti- Helicobacter, qui s'est accompagnée d'une diminution de la charge bactérienne au niveau de l'estomac, démontrant l'efficacité du vaccin. Il faut souligner toutefois que l'infection n'a été éradiquée chez aucun des patients. Une dernière étude a apprécié la faisabilité de l'administration du vaccin par voie rectale. Aucun effet secondaire n'a été constaté, mais les patients sont restés infectés. Considérées dans leur ensemble, ces études suggèrent que l'inefficacité de l'approche vaccinale ne dépend pas de l'antigène utilisé, mais que la vaccination par voie muqueuse avec un adjuvant de type toxine bactérienne ne permet pas (encore) de générer chez l'homme la réponse protectrice observée chez la souris.
L'une des raisons pour lesquelles le développement du vaccin anti- Helicobacter chez l'homme est actuellement au point mort est l'absence de connaissances sur les mécanismes immunitaires impliqués l'élimination du pathogène.
Il est clairement établi aujourd'hui que les lymphocytes T CD4 sont cruciaux pour éliminer HP, alors que ni les lymphocytes T CD8, ni les lymphocytes B producteurs d'anticorps ne sont requis. Cette notion est importante, car la majorité des chercheurs travaillant sur les vaccins anti- Helicobacter ont pu observer que les titres d'anticorps anti-HP circulants dans le sang des individus vaccinés n'étaient que très rarement prédictifs d'une éventuelle éradication ou guérison, chez l'animal aussi bien que chez l'homme.
Les taux d'anticorps ne sont pas prédictifs
Or c'est ce paramètre - le taux sérique d'anticorps anti-HP - qui a été utilisé dans la plupart des études cliniques pour évaluer l'efficacité du vaccin chez l'homme. Il n'est donc pas étonnant de constater qu'aucun patient n'a pu être guéri dans ces études, alors que l'on pouvait observer chez la majorité d'entre eux la présence d'anticorps anti-HP. Par conséquent, aujourd'hui, les travaux de recherche retournent vers les modèles animaux pour essayer d'identifier les mécanismes immunitaires de protection, en particulier pour mieux comprendre comment les cellules CD4 protectrices - les seules cellules immunes clairement identifiées - migrent vers l'estomac depuis le sang et les ganglions, après y avoir été « activées » pour combattre HP. Enfin, il est nécessaire d'élucider comment ces cellules vont participer à la réponse immunitaire locale anti-HP. Il reste à déterminer si d'autres cellules du systèmes immunitaire sont également impliquées localement ou si les lymphocytes CD4, via la production de médiateurs solubles, peuvent intervenir sur la niche écologique de HP, en modifiant, par exemple, la production du mucus gastrique, une hypothèse récemment évoquée.
Ainsi, en identifiant chez la souris les mécanismes immunitaires de protection contre HP, ces paramètres pourront être appliqués à l'homme dans le cadre de nouvelles études cliniques pour développer enfin un vaccin qui soit fiable, et surtout efficace.
D'après un entretien avec le Dr Patrick Isler, division de gastro-entérologie et d'hépatologie, centre hospitalier universitaire vaudois, Lausanne (Suisse).
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