Q UELLE est la part de l'homme dans l'infécondité des couples ? Elise de la Rochebrochard (INSERM) fait le point dans le bulletin mensuel de l'Institut national d'études démographiques (INED)*
« Pour mesurer la fertilité, on calcule a posteriori la proportion de couples qui réussissent à mettre au monde un enfant parmi ceux qui essaient d'en avoir un », rappelle-t-elle. A 25 ans, cette probabilité de succès est en moyenne de 25 % par cycle, le délai de conception étant de l'ordre de 3 à 6 mois.
Après un an sans grossesse, on considère que la femme et l'homme ont des difficultés pour concevoir. En France, cela concerne de 13 à 14 % des couples qui consultent durant leur vie un gynécologue ou un obstétricien pour des problèmes de fécondité, mais seuls 3 à 5 % sont stériles.
Selon une enquête réalisée sur 1 318 couples inféconds en Indre-et-Loire, en Haute-Vienne et en Loire-Atlantique, de juillet 1988 à juin 1989, pour 4 couples sur 10 une double cause, féminine et masculine, est diagnostiquée (voir tableau). « Pour la majorité de ces couples, les difficultés à procréer ne sont pas tant liées à l'un ou à l'autre des partenaires qu'à leur rencontre. Si chacun avait eu un conjoint ayant une bonne fertilité, note la chercheuse, un phénomène de "compensation"aurait peut-être permis d'obtenir la naissance d'un enfant. » Quoi qu'il en soit, dans le cadre de cette même étude, une altération de la fertilité masculine a été constatée chez 6 couples sur 10.
Question d'âge...
Le facteur âge n'est pas sans incidence. Certes Yasser Arafat a été père à 66 ans et Charlie Chaplin à 74 ans. Globalement, cependant, la fertilité chez les hommes est maximale à 30-34 ans (indice 100), puis elle diminue lentement pour devenir deux fois plus faible (indice 47) à 55-59 ans.
Sans compter que le « retour d'âge masculin » est associé à des maladies génétiques. Le nombre de cas d'enfants atteints d'achondroplasie, de la maladie d'Apert ou de fibrodysplasie ossifiante malformative augmente avec l'âge du père. Sur 1 000 nouveau-nés dont le géniteur a plus de 40 ans, de 3 à 5 présentent une mutation autosomique dominante. Le risque est d'une ampleur semblable à celui de trisomie 21 quand la mère est âgée de 35 à 39 ans au moment de la conception.
... et de génération
Enfin, de nombreuses recherches mettent l'accent sur une baisse de la quantité et de la qualité des spermatozoïdes et sur une hausse des anomalies congénitales (cryptorchidie, hypospadias) et de l'incidence du cancer. Cela s'expliquerait par des modifications de l'environnement et des habitudes de vie. Pour ce qui touche à l'environnement, on évoque des substances toxiques, en particulier des « perturbateurs endocriniens », dont l'utilisation s'est beaucoup développée en agriculture et dans l'industrie depuis les années cinquante. Leur action sur les caractéristiques reproductives de l'homme pourrait intervenir à l'âge adulte et durant le développement ftal. « Aussi, les jeunes générations masculines, exposées durant la grossesse de leur mère, seraient les plus atteintes ».
Les modes de vie pourraient jouer un rôle dans l'infécondité ; on s'interroge sur l'influence du stress et de la consommation de tabac et d'alcool. L'élévation de la température testiculaire, due à une station assise prolongée, à des vêtements plus serrés qu'autrefois, ou à des expositions professionnelle à la chaleur, connues des soudeurs, des céramistes, des sidérurgistes et des cuisiniers, pourrait également être en cause. Deux degrés de plus et le fonctionnement testiculaire est déréglé.
Somme toute, tempère l'INED, « la fertilité masculine soulève plus d'interrogations qu'elle ne fait place à des certitudes ».
* « Population & Sociétés » n° 371, septembre 2001. Tél. 0156.06.21.99.
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Répartition des causes d'infécondité
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Cause d'infécondité / Pour 100 couples
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Mixte (féminine et masculine) / 38
Purement féminine / 34
Purement masculine / 20
Inconnue8
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