On sait que, chez les patients qui présentent un infarctus du myocarde, la reperfusion coronarienne précoce (par fibrinolyse ou intervention percutanée) réduit la mortalité.
Pourtant, des études épidémiologiques suggèrent qu'il existe de grandes variations dans cette approche de reperfusion et que quelques patients qui semblent pourtant éligibles pour cette procédure n'en bénéficient pas. Par exemple, le National Registry of Myocardial Infarction indique que, sur plus de 300 000 patients inclus dans ce registre entre 1990 et 1994, environ un tiers seulement a bénéficié d'une reperfusion alors qu'entre la moitié et les deux tiers étaient éligibles.
Comment expliquer cette sous-utilisation des stratégies de reperfusion ? On a avancé, d'une part, un sous-diagnostic, d'autre part, la perception qu'ont les cliniciens des contre-indications.
Il est vrai que la plupart des essais cliniques sur la reperfusion ont exclu les femmes et les sujets âgés de plus de 70 ou de 75 ans. Les femmes ont un taux plus élevé de mortalité hospitalière ; quant aux personnes âgées, elles ont en général, par rapport aux sujets jeunes, des lésions coronariennes extensives, d'autres pathologies cardio-vasculaires préexistantes et une comorbidité plus élevée. Chez ces patients, la peur des complications liées au traitement a été une raison qui a conduit à les exclure des essais cliniques.
Fibrinolyse ou angioplastie percutanée
La reperfusion précoce par angioplastie percutanée ou par fibrinolyse est considérée comme le traitement standard dans les recommandations américaines et européennes. Toutefois, il existe toujours un débat sur les bénéfices et les risques potentiels de la reperfusion chez les personnes âgées.
On connaît le registre GRACE (Global Registry of Acute Coronary Events), qui est un observatoire multinational continu des patients hospitalisés pour syndrome coronarien aigu. Afin d'évaluer les pratiques actuelles dans le monde, concernant la reperfusion chez les patients qui présentent un infarctus du myocarde avec élévation de ST, les investigateurs de GRACE ont analysé les données concernant les 9 251 premiers patients inclus.
GRACE concerne 94 hôpitaux répartis dans 14 pays : Europe, Amérique du Nord, Amérique du Sud, Australie et Nouvelle-Zélande. A noter que le Français P.-G. Steg (hôpital Bichat) fait partie du comité scientifique de GRACE.
Pour chaque patient inclus dans GRACE, on possède de nombreuses données, notamment les caractéristiques démographiques, les symptômes initiaux, les antécédents médicaux, le délai entre le début des symptômes et la présentation, les données cliniques et ECG.
Parmi les 9 251 sujets étudiés, 1 763 avaient été vus dans les douze premières heures avec une élévation du segment ST. Parmi eux, 30 % n'ont pas reçu de traitement de reperfusion. Les patients qui avaient le moins de chances d'avoir une procédure de reperfusion étaient les sujets âgés (75 ans et plus), ceux qui avaient un infarctus sans douleur et ceux qui avaient des antécédents de diabète, d'insuffisance cardiaque, d'infarctus ou de pontage coronarien.
Trombolyse plutôt que transfert
Le taux d'intervention coronarienne percutanée primaire le plus élevé était observé aux Etats-Unis, dans certains pays d'Europe, en Argentine et au Brésil. Les taux les plus bas étaient observés en Australie, en Nouvelle-Zélande et au Canada. Les hôpitaux ne possédant pas de service de cathétérisme préféraient en général réaliser une thrombolyse plutôt que de transférer les patients dans un autre centre pour intervention coronarienne.
« Le résultat le plus important est que près d'un tiers des patients qui semblent éligibles pour un type de reperfusion ne l'ont pas reçue », indiquent les auteurs. En ce qui concerne particulièrement les personnes âgées, si les auteurs reconnaissent que les risques de la reperfusion sont, chez eux, plus élevés, ils rappellent que des études ont suggéré qu'ils peuvent en tirer un bénéfice identique - si ce n'est plus important - à celui des plus jeunes.
« Une proportion substantielle de patients qui sont éligibles pour la reperfusion ne reçoivent toujours pas ce traitement. Ces patients typiquement à haut risque peuvent être identifiés à l'avance ; les raisons de la sous-utilisation de ces traitements doit être clarifiée », concluent les auteurs.
Kim Eaglie et coll. « Lancet » du 2 février 2002, pp. 373-377, et éditorial de Paul Armstrong, pp. 371-372.
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