De notre correspondant
Andrea Yates a été reconnue coupable de l'assassinat de trois de ses cinq enfants. Le jury devait ensuite se prononcer sur la peine qui lui était applicable : soit il la considérait comme une malade mentale et il la condamnait alors à une peine d'au moins quarante ans de prison. Soit il la condamnait à mort par injection létale.
Le cas de Mme Yates a provoqué une levée de boucliers dans le corps médical et dans les associations qui dénoncent la responsabilité que la justice américaine attribue à des sujets profondément dérangés, par exemple dans le cas d'une dépression nerveuse grave, ce qui est bel et bien le cas, selon eux, d'Andrea Yates, diagnostiquée comme schizophrène et déprimée.
Le jury chargé de prononcer la peine devait répondre oui à l'unanimité à la question qui porte sur le danger que Mme Yates fait courir à la société pour que la coupable fût condamnée à mort, sauf s'il lui accordait des circonstances atténuantes. Devant les pressions du corps médical et des commentateurs de presse, il a opté pour le second verdict.
La maladie de Mme Yates ne fait aucun doute. Elle a été amplement documentée par la défense pendant la première partie du procès qui a abouti à un jugement la rendant responsable de la mort d'au moins trois de ses enfants sur les cinq qui ont perdu la vie.
Une association de droits de l'homme a déposé une plainte contre l'Etat qui, selon elle, ne lui aurait pas donné un traitement adéquat. Pendant le procès, qui a duré quatre semaines, le psychiatre qui la traitait a décidé de supprimer les médicaments qu'elle prenait jusqu'alors et a déclaré au tribunal que, deux jours avant son quintuple assassinat, elle ne lui paraissait nullement psychotique. Le mari de Mme Yates, Russell, a déclaré exactement le contraire : selon lui, au cours de deux longs séjours au Devereux Texas Treatment Network, elle a été fort mal soignée.
Le Dr Mohamed Saeed, qui la suivait, a admis qu'elle avait été traitée pour schizophrénie et dépression ; le 4 juin 2001, il a décidé de supprimer les médicaments qu'elle recevait. Il l'a revue le 18 juin. Le 20 juin, elle noyait ses cinq enfants.
Victime d'un système
Jerry Boswell, président du CCHR, une association des droits de l'homme qui a porté plainte contre l'Etat du Texas, affirme qu'Andrea Yates cherchait de l'aide auprès du centre médical Devereux, mais qu'elle ne l'a pas trouvée. « Elle appelait au secours, mais en vain, a-t-il dit. Et bien sûr nous savons comment tout cela s'est terminé. »
M. Boswell a annoncé qu'il déposerait un dossier sur le cas d'Andrea Yates auprès du ministère (fédéral) des Affaires sociales. « Nous estimons qu'elle a été victime d'un système, a-t-il ajouté, et que ce système l'a laissé tomber, alors qu'elle aurait du être soignée, ce qui aurait évité la terrible tragédie qui s'est produite. »
Au National Institute of Mental Health, le Dr Daniel Weinbeger estime que la condamnation d'Andrea Yates attire l'attention de l'opinion américaine sur la nécessité d'une réforme des soins mentaux. « Nous avons affaire à des concepts qu'il est très difficile de communiquer aux profanes, explique-t-il au "Quotidien". Plus nous ferons des découvertes sur la maladie mentale, plus nous serons capables d'abattre les barrières qui nous empêchent de traiter les patients comme il faut. Ce qui compte, à mes yeux, c'est que dorénavant l'approche de la maladie mentale par les tribunaux se transforme. Des milliers de malades ne sont pas soignés, à cause du financement insuffisant des hôpitaux psychiatriques. »
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