LE TEMPS DE LA MEDECINE
Sans fusion, point de salut ? C'est ce que semblent croire la plupart des grands groupes pharmaceutiques mondiaux qui, au cours des dix dernières années, ont multiplié fusions, acquisitions et rapprochements. Même si le mouvement s'est ralenti au cours des dernières années, le changement intervenu en peu de temps dans le paysage industriel pharmaceutique est spectaculaire (voir tableau). Et cette tendance a surtout profité aux grands firmes américaines.
Selon les statistiques publiées par le LEEM (Les Entreprises du médicament) dans son ouvrage annuel « Médicament et économie, réalités économiques » (édition 2002), en dix ans, les Etats-Unis sont passés d'un peu plus de 30 % à 49 % du marché mondial, tandis que l'Europe reculait de 33 % à 25 % et le Japon, de 17 % à 12 %.
D'où des inquiétudes des gouvernements européens et de l'Union européenne devant cette puissance américaine qui qui risque de mettre certains pays européens sous la dépendance des Etats-Unis.
Cependant, et sans doute paradoxalement, l'industrie du médicament reste encore moins concentrée que beaucoup d'autres secteurs économiques. Les cinq premiers groupes pharmaceutiques représentent aujourd'hui 32 % du marché mondial, contre 40 % dans l'informatique, 50 % dans l'automobile et 80 % dans l'aérospatiale. Sans doute cette statistique doit-elle être nuancée par le fait que l'industrie du médicament était encore fortement morcelée et atomisée dans les années 1980-1990, contrairement à beaucoup d'autres secteurs, et qu'en conséquence les regroupements et les fusions ont mis beaucoup plus de temps à se faire que dans d'autres secteurs industriels déjà plus concentrés. Le coût des acquisitions plus élevé, parfois même beaucoup plus élevé dans l'industrie pharmaceutique que dans la plupart des autres domaines industriels, excepté l'aéronautique, explique aussi ce relatif retrait.
Puissance de frappe
L'objectif recherché par ces grands groupes mondiaux est d'avoir une « puissance de frappe » capable d'engager des programmes de recherche et développement de plus en plus onéreux. Il y va souvent de leur survie. De telle sorte qu'une première fusion peut appeler une autre fusion. On l'a a vu récemment avec Pfizer, qui a acquis Pharmacia en 2003, après avoir absorbé en 2000, c'est-à-dire tout récemment, un autre de ses compatriotes, Warner-Lambert. Et l'histoire ne manque pas de saveur lorsque l'on sait que « l'absorbé » de 2003, Pharmacia, avait cette même année 2000 racheté l'américain Monsanto, après avoir fusionné en 1995 avec un autre américain, Upjohn. A l'arrivée, on se retrouve donc avec un seul laboratoire alors qu'ils étaient cinq au départ, quelques années auparavant seulement.
Sachant que le coût moyen de recherche et développement d'une nouvelle molécule est estimé selon les patrons américains de l'industrie pharmaceutique à plus de 900 millions d'euros, on s'aperçoit de l'importance de disposer d'un trésor de guerre conséquent et de produits sur le marché permettant d'accroître cette rentabilité.
Avenir incertain
Mais on peut s'interroger sur cette course au gigantisme qui risque d'avoir des effets boomerang si les promesses du marché s'effondrent (politique de maîtrise des dépenses en Europe, montée des génériques, baisse des prescriptions médicales) et si la réussite de la recherche (toujours aléatoire) n'est pas au rendez-vous.
L'inquiétude est palpable dans l'industrie pharmaceutique, même chez les plus grands, qui demandent avec insistance une réelle rémunération de leur recherche, c'est-à-dire des prix des médicaments, notamment dans les pays européens, plus en rapport avec les investissements qu'ils ont réalisés. Mais les impératifs de l'équilibre des comptes de l'assurance-maladie est un problème contre lequel ils n'ont pas de remède. Contrairement à une idée faussement répandue, l'avenir ne s'annonce donc pas tout rose pour l'industrie du médicament, même et peut-être surtout pour les groupes les plus grands.
Les principaux rapprochements | |||
2003 | Pfizer (EU) | + Pharmacia (EU) | Pfizer |
Idec PHarmaceuticals (EU) | + Biogen (EU) | Biogen Idec | |
2002 | Amgen (EU) | + Immunex (EU) | Amgen |
2001 | Pierre Fabre (Fr.) | + BioMérieux Alliance (Fr.) | BioMérieux- Pierre Fabre (déconsolidé en 2002) |
Bristol- Myers Squibb (EU) | + Dupont pharmaceuticals (EU) | Bristol- Myers Squibb | |
Novartis (Suisse) | + GNR Pharma (All.) | Novartis | |
2000 | Pharmacia- Upjohn (Suède- EU) | + Monsanto (EU) | Pharmacia |
Pfizer (EU) | + Warner Lambert (EU) | Pfizer | |
Glaxo- Wellcome (GB) | + SmithKline Beecham (GB) | GlaxoSmithKline | |
Abbott (EU) | + Knoll (All.) | Abbott | |
1999 | Astra (Suède) | + Zeneca (GB) | AstraZeneca |
Sanofi (Fr.) | + Synthélabo (Fr.) | Sanofi- Synthélabo | |
Rhône- Poulenc Rorer (Fr.) | Hoechst Marion Roussel (All.) | Aventis | |
1997 | Roche (Suisse) | + Boehringer Mannheim (All.) | Roche |
Nycomed (Norvège) | + Amersham (GB) | Nycomed- Amersham | |
1996 | Cyba- Geigy (Suisse) | + Sandoz (Suisse) | Novartis |
1995 | Glaxo (GB) | + Wellcome (GB) | GlaxoWellcome |
Janssen (EU) | + Cilag (EU) | Janssen- Cilag | |
Hoechst (All.) | + Marion Merrel Dow (EU) | Hoeschst Marion Roussel | |
Pharmacia (Suède) | + Upjohn (EU) | Pharmacia- Upjohn | |
Rhône- Poulenc Rorer (Fr.) | + Fisons (GB) | Rhône- Poulenc Rorer | |
Source : LEEM. |
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