« L ORSQU'ON dit du bien d'un médicament, c'est de la publicité, lorsqu'on en dit du mal, c'est de l'information. » Ces propos, bien sûr anciens, de Simone Veil alors ministre de la Santé, ont été rappelés fort à propos par Jean-Yves Mairé, directeur de la communication d'AstraZeneca et modérateur du débat organisé au MEDEC par l'association Responsables communication santé (RCS) sur les relations entre la presse (médicale et grand public) et l'industrie pharmaceutique.
Certes, les choses ont changé depuis Simone Veil, et sans doute peut-on aujourd'hui penser que le climat de suspicion qui régnait à la fin des années soixante-dix et au début des années quatre-vingt entre les deux partenaires n'est plus aujourd'hui si fort. Ce que reconnaît d'ailleurs, en partie, Bruno Rivals, directeur des affaires publiques de Pfizer et président de RCS, lorsqu'il affirme « que l'on sent une évolution intéressante depuis plusieurs années, mais il reste bien des progrès à accomplir ».
Cette évolution, Le Dr Gérard Kouchner, président du groupe Quotidien Santé et du « Quotidien du Médecin », la constate aussi. Et dit-il, « les pressions de l'industrie pharmaceutique sur les journalistes et les directions de journaux sont exceptionnelles et rares ». Le Dr Kouchner, citant l'exemple du « Quotidien du Médecin », explique « qu'en une seule occasion, un laboratoire a menacé le journal de supprimer durant un temps la publicité des colonnes du journal pour lui signifier son mécontentement ».
Mais, ajoute-t-il, cela ne veut pas dire pour autant que tout est parfait entre l'industrie et la presse médicale. Et il n'est pas certain que les « journalistes eux-mêmes ne pratiquent pas une certaine forme d'autocensure. Mais on ne saurait les accuser pour autant de bénir tout ce qui vient des laboratoires ». Il est vrai que plus un journal est fort, plus il est à même de résister aux pressions ou aux appels, d'où qu'ils viennent, de l'industrie pharmaceutique ou des pouvoirs publics. Et c'est le cas du « Quotidien du Médecin » « dont le financement par la publicité, a précisé Gérard Kouchner, n'est pas supérieur à celui du "Monde" et dont le nombre d'abonnés, 42 000 aujourd'hui, ce qui lui permet un tirage et une diffusion beaucoup plus importants, est un gage évident d'indépendance ».
Il est certain aussi que l'industrie et la presse médicale doivent entretenir le plus souvent des relations de confiance, ne serait-ce que parce qu'elles savent l'une et l'autre que leur devoir est d'informer le plus rapidement possible, le plus exactement possible, le plus précisément possible les médecins, pour leur permettre de soigner, avec les dernières innovations des industriels, leurs malades.
Une priorité : l'information
Du côté des médias dits grand publics, le souci semble le même. Brigitte Milhau, journaliste-santé à Télématin de France 2, et Sophie Auranche, d'Europe 1, ont mis en exergue leur collaboration, parfois étroite, avec l'industrie pharmaceutique. « Mais chacun doit comprendre, explique Brigitte Milhau, que nous faisons de l'information médicale, et non de la publicité. » Sans doute, lui répond Bruno Rivals, mais « il est regrettable que parfois les journalistes se contentent d'appeler le laboratoire lorsqu'un problème naît sur un médicament ; et qu'ils ne le fassent pas souvent dans d'autres situations plus favorables à l'industrie ». Il ne revient pas aux laboratoires, répondent les journalistes, de « choisir, comme ils le voudraient, le moment de leurs interventions ».
Reste aussi le problème délicat, et souvent évoqué, des voyages de presse. N'est-ce pas l'occasion rêvée pour les industriels de créer des liens très (trop ?) étroits avec les journalistes ? « Il est clair, explique Sophie Auranche, que sans le financement par des laboratoires, nous ne pourrions effectuer ces voyages qui sont pourtant indispensables à notre information. Mais pour autant, cela ne m'empêchera de parler du laboratoire en question, si d'aventure un problème survient. » « C'est l'information qui prime toujours », confirme Brigitte Milhau.
« Les laboratoires, a conclu Gérard Kouchner, ont beaucoup évolué au cours des dernières années. Tant au niveau de leurs relations avec la presse, qu'avec les associations de malades, avec qui ils dialoguent facilement aujourd'hui. » Pour le bien de chacun, s'entend.
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