7es rencontres de gérontologie pratique
19-20 janvier 2006 à Paris
LA DÉFINITION de l’hypertension artérielle (HTA) chez les sujets âgés est identique à celle des patients plus jeunes, conformément aux recommandations actuelles. En effet, la Haute Autorité de santé (HAS) précise, dans son texte relatif à la prise en charge des patients adultes atteints d’hypertension artérielle essentielle, actualisé en 2005, que la réduction de la pression artérielle diminue l’incidence des événements cardio-vasculaires, l’insuffisance cardiaque, les accidents vasculaires cérébraux (AVC) et le risque de démence chez le patient âgé de plus de 60 ans. Cela reste vrai jusqu’à l’âge de 80 ans, pour l’HTA systolique isolée et l’HTA systolo-diastolique. Ce texte signale aussi que les données actuelles justifient l’intervention thérapeutique, y compris chez les patients de plus de 80 ans, en raison d’un bénéfice sur la prévention des AVC. Dans tous les cas, l’HTA est définie de façon consensuelle par une PAS supérieure ou égale à 140 mmHg et/ou une PAD supérieure ou égale à 90 mmHg.
Un bénéfice démontré.
La prévalence de la maladie hypertensive augmente avec l’âge. En France, l’étude 3C a confirmé la prévalence élevée de l’hypertension chez les plus de 65 ans (1). Par ailleurs, le risque cardio-vasculaire absolu est beaucoup plus élevé chez les sujets âgés que chez les hypertendus plus jeunes. Ainsi, le bénéfice du traitement antihypertenseur dans cette population est beaucoup plus important que celui du traitement d’un hypertendu de 50 ans, qui se manifeste sur le moyen ou le long terme. Selon les données de l’étude SHEP, il suffit de mettre en oeuvre un traitement antihypertenseur pendant cinq ans chez 17 hypertendus de plus de 80 ans ou 40 malades de 70 à 79 ans pour prévenir un accident vasculaire cérébral. En revanche, pour obtenir un bénéfice thérapeutique identique, il est nécessaire de traiter 83 sujets lorsqu’ils sont âgés de 65 ans, et 152 lorsqu’ils ont 50 ans.
Depuis 1985, en effet, de nombreux essais cliniques ont porté sur des sujets de plus de 60 ans. Ils ont démontré le bénéfice thérapeutique dans cette tranche d’âge, y compris sur le risque de survenue d’un déclin cognitif et de démence.
En ce qui concerne les hypertendus très âgés, des renseignements peuvent être obtenus à partir d’une métaanalyse réalisée en 1999 par F. Gueyffier et coll. Chez les plus de 80 ans, la baisse tensionnelle induite par les traitements permet de diminuer significativement le risque de complications cardio-vasculaires non mortelles, la mortalité totale tendant à augmenter de manière non significative, de 6 % comparativement au placebo. Mais l’étude HYVET pilote (2) a mis en évidence une réduction de 53 % de l’incidence des AVC dans le groupe sous traitement actif, sans augmentation significative de la mortalité totale.
L’ensemble de ces éléments a conduit l’HAS à indiquer, dans la mise à jour de ses recommandations, qu’au-delà de 80 ans, « les données actuelles justifient l’intervention thérapeutique chez ces patients, en raison d’un bénéfice sur la prévention des AVC ».
Le dépistage de l’effet blouse blanche, dont la fréquence augmente avec l’âge, est un prérequis au traitement. En effet, la simple mesure de la pression artérielle en consultation ne permet pas de différencier les « vrais hypertendus » des sujets victimes d’un « effet blouse blanche », chez lesquels la prescription du traitement antihypertenseur ne sera pas pertinente et expose aux risques de iatrogénie, en particulier d’hypotension et de chutes, dont les conséquences sont souvent dramatiques.
Toutes les études épidémiologiques soulignent un contrôle tensionnel insuffisant chez les hypertendus âgés. La principale raison n’est pas tant la mauvaise observance que la réticence des médecins à se fixer un objectif thérapeutique et à renforcer le traitement comme il se doit. L’automesure tensionnelle au domicile constitue une aide à la prescription chez le sujet âgé, en identifiant clairement les hypertendus non contrôlés (qui nécessitent un traitement) et les sujets chez lesquels il existe un effet blouse blanche (chez qui l’augmentation du traitement serait préjudiciable). Elle est recommandée par la HAS de façon systématique dans cette population.
Une mise en oeuvre progressive.
La mise en oeuvre du traitement antihypertenseur obéit aux recommandations générales, mais elle doit néanmoins être particulièrement progressive, notamment chez les individus fragiles. L’objectif théorique du traitement est d’obtenir une pression systolique inférieure à 140 mmHg sans hypotension orthostatique. Cependant, une diminution de 20 à 30 mmHg par rapport à la pression initiale est souvent un résultat satisfaisant, de même qu’une systolique inférieure à 150 mmHg au-delà de 80 ans.
Le choix de l’antihypertenseur répond aux recommandations en vigueur. L’adaptation thérapeutique peut se faire selon la stratégie dite des paniers thérapeutiques. Le premier panier comporte les bêtabloquants, les IEC et les antagonistes des récepteurs de l’angiotensine II ; le second, les diurétiques et les antagonistes calciques. Chez le patient âgé, il est recommandé de commencer par un médicament du panier 2 (diurétique thiazidique ou inhibiteur calcique). En cas d’échec de la monothérapie, on passera à une bithérapie en ajoutant au médicament initial un médicament de l’autre panier (panier 1). L’association de deux médicaments du panier 2 (c’est-à-dire la combinaison diurétique-inhibiteur calcique) est aussi possible. Peu efficace chez les adultes jeunes, elle met en présence les deux classes les plus efficaces chez les personnes âgées. En général, la bithérapie permet de contrôler près de 70 % des patients. Enfin, en cas de résistance à une bithérapie, on envisage une trithérapie qui comprend en général un médicament du panier 1 associé aux deux médicaments du panier 2.
Une règle à respecter chez l’hypertendu âgé est de ne pas dépasser la prescription de plus de trois antihypertenseurs (dont un diurétique thiazidique) et de se contenter de la baisse tensionnelle obtenue avec ces thérapeutiques.
La recherche d’une hypotension orthostatique doit être systématique lors du suivi thérapeutique de l’hypertendu âgé. Une attention toute particulière doit être prêtée à la surveillance de la fonction rénale, surtout en cas de prescription polymédicamenteuse ou de molécules potentiellement néphrotoxiques.
> Dr GERARD BOZETD’après un entretien avec le Dr Olivier Hanon (hôpital Broca, Paris).
1. Brindel P, et al., for the 3C Study Investigators. Prevalence, Awareness, Treatment and Control of Hypertension in the Elderly : the Three City study. J Hypertens 2006 ; 24 : 51-8.
2. Bulpitt CJ, et al., on behalf of the Hypertension in the Very Elderly Trial (HYVET) Working Group. Results of the Pilot Study for the Hypertension in the Very Elderly Trial. J Hypertens 2003 ; 21 : 2409-17.
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