Le 29 mai 1999, au cours de la dernière journée du Championnat de France de première division, Yves Deroff, un joueur nantais, était sérieusement blessé (double fracture tibia-péroné) par Patrick Blondeau de l'OM, un accident qualifié de « tacle sévère », par l'entraîneur de l'OM de l'époque Rolland Courbis. S'ensuivirent pour Yves Deroff plusieurs mois d'immobilisation, et pour la caisse primaire d'assurance-maladie de Nantes, 29 123 euros d'indemnités journalières versées au blessé. Dans le même temps, le joueur marseillais Patrick Blondeau était condamné par la Ligue professionnelle de football à un mois de suspension ferme (« Le Quotidien » des 7 octobre 1999, 21 et 26 mars 2001, et 30 avril 2001).
En octobre 1999, la CPAM de Nantes, par la voix de son très actif directeur, Claude Frémont, avait intenté une action au civil contre le joueur marseillais et son employeur, pour obtenir le remboursement des indemnités journalières versées à Yves Deroff, au motif que « le droit commun doit s'appliquer dès lors qu'une personne est victime d'un accident dont le responsable est identifié ». En d'autres termes, dans la mesure où le responsable était identifié, la CPAM estimait ne pas avoir à payer, d'autant que les clubs de football et les joueurs sont assurés pour l'exercice de leur profession.
Dans un premier temps, le tribunal de grande instance de Nantes n'a pas suivi Claude Frémont dans son argumentation. Le 26 avril 2001, il déboutait le directeur de la CPAM au motif que « la faute de jeu n'est une condition ni suffisante ni nécessaire à la reconnaissance d'une faute civile ». Ce qui conduisit Claude Frémont à faire appel, « pour que l'on sache définitivement, dit-il, jusqu'où la Sécu devra supporter les conséquences financières de l'agressivité de certains joueurs de football ». Le verdict de la cour d'appel de Nantes vient de tomber : elle condamne le club marseillais à verser 29 123 euros d'indemnités à la CPAM de Nantes plus les intérêts légaux, ainsi qu'à 3 800 euros pour les frais de justice. Dans cette affaire, les avocats de l'OM avaient plaidé la notion de « travail en commun » entre les deux joueurs au sein d'une entreprise commune, la Ligue de football, pour tenter de dégager le club marseillais de ses éventuelles responsabilités. Mais la cour d'appel n'a pas suivi leurs arguments, estimant que « la notion de travail en commun est incompatible avec celle de spectacle sportif ».
Contacté par « le Quotidien », Claude Frémont ne cache pas sa joie : « Je suis totalement satisfait, mais il faut dire que j'étais sûr de mon bon droit, même si je reconnais que ça pose un problème juridique pointu qui est de savoir à partir de quel seuil la faute sportive débouche sur une faute civile. C'est le mois de suspension infligé à Patrick Blondeau qui a motivé notre action car nous ne l'aurions jamais engagée s'il n'y avait pas eu faute caractérisée de l'adversaire ».
Quant à savoir si ce type de comportement ne risquerait pas de « judiciariser » les rapports entre les caisses et les assurés, Claude Frémont évacue le problème : « Au nom de quoi pourrait-on reprocher à une collectivité de faire jouer les règles de la responsabilité civile ? Toute personne identifiée qui commet un dommage est tenue de le payer ; l'OM est assuré en responsabilité civile et je ne vois pas pourquoi la Sécu devrait tout payer les yeux fermés. »
Un point de vue qu'on ne partage pas à l'Olympique de Marseille où Laurent Carenzo, directeur de la communication et du développement n'est pas très optimiste : « Avec un tel jugement, dès qu'il y aura blessure, il y aura poursuite ; tout ça va constituer de nouvelles charges pour les clubs, et au-delà des clubs de foot, pour tous les clubs sportifs professionnels ou amateurs, dont les polices d'assurance vont grimper en flèche ; et je crois savoir qu'un certain nombre de médecins spécialistes et de chirurgiens connaissent le même type de problème. » Laurent Carenzo précise par ailleurs que le pourvoi en cassation sera déposé dès cette semaine, mais qu'il ne se fait pas trop d'illusions sur son issue. A noter enfin que la cour d'appel de Paris rend aujourd'hui un arrêt concernant une affaire similaire qui oppose la CPAM des Côtes-d'Armor au club de football de la capitale, le PSG.
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