Le mécanisme était très simple. L'arnaque découverte à la caisse primaire d'assurance-maladie (CPAM) de Nice consistait simplement dans la « création de sociétés et d'emplois fictifs, dans la simulation d'accidents du travail et la récupération des indemnités journalières versées par la Sécurité sociale », résume sobrement Me Bernard Ginez, l'avocat du principal suspect de cette affaire d'escroquerie niçoise, Frédéric Portalier.
L'affaire commence en 1999. La caisse découvre alors qu'elle est victime d'une escroquerie de grande ampleur - on parle de centaines de milliers d'euros. Rapidement, les gendarmes se penchent sur le cas d'un individu qui habite la Corse-du-Sud et qui bénéficie à la fois du RMI et d'indemnités pour un accident du travail, ce qui est incompatible et même interdit. D'où le démarrage d'une enquête plus vaste, sur plainte de la CPAM de Nice.
La brigade de gendarmerie remonte rapidement la filière et découvre la tête pensante présumée du réseau, le Niçois Frédéric Portalier, qui est d'ailleurs en détention provisoire depuis novembre dernier. Une perquisition chez ce gérant de nombreuses sociétés révèle aux gendarmes la mécanique bien huilée d'une « arnaque à la Sécu » qui s'est étalée sur dix ans. L'ordinateur du prévenu contient les dossiers de 19 cas d'escroquerie.
Avec l'aide d'un complice, Horst Kremmel, Frédéric Portalier aurait recruté des hommes de paille, titulaires d'emplois fictifs, et perçu les deux tiers de leurs indemnités journalières après de faux accidents du travail. Les faux salariés chutaient (fréquemment) dans l'escalier, appelaient les pompiers et se rendaient à l'hôpital pour des blessures aux cervicales. Le Dr Preyval, médecin agréé près de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, également mis en examen, leur aurait alors signé des certificats complaisants qui leur permettaient d'allonger leur interruption temporaire de travail et de toucher une indemnisation. Facteur aggravant, l'ampleur de l'escroquerie : les assurances de la CPAM prenaient en charge les prêts bancaires souscrits par les faux malades-salariés. Y a t-il eu des complicités internes ? Frédéric Portalier le conteste. Reste que Michel Baudouin, son ex-beau-frère, qui travaillait à la CPAM, a également fait l'objet d'une mise en examen.
Le Conseil de l'ordre en position d'attente
A la CPAM, aucune réaction du directeur, Jean-Jacques Greffeuille. « Le dossier est en cours d'instruction », dit-il laconiquement. Du côté de l'Ordre des médecins, la réaction est plus vive, car un praticien a été mis en cause. Si le Dr Jacques Schweitzer, président du conseil départemental de l'Ordre des Alpes-Maritimes, n'a pas reçu de plainte de la CPAM contre Yan-Jacques Preyval, il attend impatiemment la suite des événements. « En cas de condamnation pour complicité d'escroquerie sur le plan judiciaire, explique-t-il , nous porterons plainte devant le conseil régional de l'Ordre pour atteinte à l'honnêteté de la profession et abus du titre de médecin dans le cadre de la délivrance de faux certificats. » Le praticien risquerait alors une interdiction temporaire d'exercer.
Dans l'expectative, le Dr Schweitzer constate que le médecin, qui dément toute accusation de complicité d'escroquerie, « avait un exercice particulier de la médecine de recours, de l'expertise judiciaire en tout genre, et n'était plus un médecin de soins ». Pour certains, « ce n'était pas un bon cheval », il aurait même été « dans le collimateur du Conseil de l'Ordre. Toutefois, des ennuis de santé l'auraient peut-être amené à être utilisé à ses dépens dans un tel réseau ».
Au Syndicat des médecins des Alpes-Maritimes, le président Jean-Claude Régi, qui est aussi le président national de la Fédération des médecins de France (FMF), ne « se prononce pas sur le fond de l'affaire. La justice prévaut sur les décisions ordinales ». Il ne s'agirait pas, en tout cas, d'une « escroquerie à la niçoise ». Comme le précise le Dr Schweitzer, sur les 6 000 médecins des Alpes-Maritimes, il n'y aurait « qu'une dizaine de brebis galeuses surveillées par le Conseil de l'Ordre ».
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