« Inju, la bête dans l'ombre », de Barbet Schroeder

Incompréhensible Japon

Publié le 09/09/2008
Article réservé aux abonnés

BARBET SCHROEDER est de longue date fasciné par le Japon. Celui des films de Mizoguchi, pour lequel il affiche une «ferveur absolue», d'Ozu et de « la Maison de bambou », de Samuel Fuller. Celui des jardins zen dans la contemplation desquels il se replonge à chaque voyage (tous les ans). Celui d'une sexualité qu'il estime «dépourvue de culpabilité et de moralisme». Alors « Inju », le roman d'un auteur très populaire au Japon, Edogawa Ranpo (1894-1965), que lui a offert Raul Ruiz, ne pouvait que le fasciner. Et quand Jean-Armand Bougrelle lui a envoyé une adaptation dans laquelle l'un des deux écrivains rivaux devenait un romancier français, qui se rendait sur le terrain de son idole (un avatar de Ranpo) pour le narguer, il a su qu'il tenait son sujet. Désirant que «chaque film soit complètement différent, une exploration, une découverte», il ne pouvait pas souhaiter mieux après « l'Avocat de la terreur ».

Bien sûr, le cinéaste de « J.F. partagerait appartement » et de « Calculs meurtriers » n'en est pas à son premier thriller. Et il a déjà abondamment montré son goût des rebondissements. Mais il est vrai que les japonaiseries donnent à son affaire une couleur très particulière. Et c'est là que le bât blesse. Si l'on salue la volonté d'authenticité dans la description des geikos – il ne faut pas dire geishas – du quartier de Gion, à Kyoto ( «Une geiko, c'est un musée vivant, certainement pas une pute!»), si l'on s'amuse des références cinématographiques (il paraît qu'il y en a beaucoup, certaines doivent nous avoir échappé), on a du mal à ne pas trouver grotesque quelques morceaux de dialogue sur la douleur-plaisir et plus encore des scènes sur le même thème.

Inju peut signifier «la bête tapie dans l'ombre qui attend de bondir sur sa proie» et «la bête endormie à l'intérieur de soi qui attend de se réveiller». Censé être victime à la fois de la première et de la seconde, le personnage de l'écrivain français arrogant et naïf, qui pense avoir tout compris et est manipulé comme un enfant, est peu crédible, et Benoît Magimel n'y peut rien. Certes, le réalisme psychologique n'est pas le souci du cinéaste. Mais que l'on regarde son film de l'extérieur, malgré la beauté de nombreuses images et les qualités de la mise en scène, pourrait l'être. Sauf si nous n'avons rien compris et si le véritable sujet d'« Inju » est l'impénétrable étrangeté de la culture japonaise.

> RENÉE CARTON

Source : lequotidiendumedecin.fr: 8415