« L'INCIDENCE de la lésion pulmonaire aiguë est de 2,5 à 5 fois plus élevée que ce qu'ont indiqué d'autres études et l'incidence du syndrome de détresse respiratoire aigu est de 2 à 40 fois plus élevé », précise au « Quotidien » le Dr Gordon Rubenfeld (université de Washington, Seattle) qui a dirigé cette étude. « La mortalité est le triple de la mortalité d'un infarctus du myocarde. Le nombre de décès par an qui sont associés à la lésion pulmonaire aiguë est comparable au nombre de décès attribués au cancer du sein ou au sida », ajoute-t-il. « La mortalité et l'incidence augmentent considérablement avec l'âge, et peu de patients sont suffisamment en forme à la sortie de l'hôpital pour rentrer directement chez eux. »
Ces résultats ont des implications pour l'organisation des soins médicaux, comme l'explique le Dr Rubenfeld. « Avec le vieillissement de la population, nous pouvons nous attendre à des demandes plus nombreuses de prise en charge de ces patients qui sont extrêmement malades et doivent être soignés dans une unité de soins intensifs (USI). Des mesures appropriées doivent être prises pour mettre en œuvre des traitements efficaces pour ces patients en USI et après leur sortie de l'hôpital. »
La lésion pulmonaire aiguë est définie par l'installation rapide d'infiltrats pulmonaires bilatéraux accompagnée d'une hypoxémie d'origine non cardiaque. Lorsque l'hypoxémie est sévère, l'état est appelé syndrome de détresse respiratoire aigu (Sdra).
Des facteurs pulmonaires et non pulmonaires.
Les facteurs en cause peuvent être soit pulmonaires (agents inhalés, aspiration, infection), soit non pulmonaires (septicémie, chocs, brûlures, polytraumatisme, syndrome de réponse inflammatoire systémique, syndrome de dysfonction d'organe multiple).
Depuis leur première description il y a près de quarante ans, notre compréhension des mécanismes et du traitement de ces syndromes complexes, souvent fatals, a bien progressé. Cependant, les estimations de l'incidence de ces syndromes varient considérablement, et leur ampleur réelle reste incertaine.
Rubenfeld et coll. ont conduit une grande étude prospective de cohorte afin de déterminer l'incidence et l'issue de la lésion pulmonaire aiguë.
L'étude a été menée dans les 21 hôpitaux de la région de Seattle (King County), région bordée à l'ouest par la mer et à l'est par les montagnes de l'Etat de Washington.
Pendant un an (d'avril 1999 à juillet 2000), en utilisant un protocole de dépistage validé, les investigateurs ont identifié tous les cas de lésion pulmonaire aiguë et de syndrome de détresse respiratoire aigu traités dans les unités de soins intensifs pour adultes.
Les critères utilisés ont été ceux du consensus européen/américain sur le Sdra :
- hypoxémie aiguë, avec PaO2/FiO2 de 200 à 300 mmHg (lésion pulmonaire aiguë) ou < ou = 200 mmHg (Sdra) ;
- infiltrats bilatéraux, concordants avec un oedème pulmonaire, sur radiographie pulmonaire de face ;
- pas de signe clinique d'hypertension auriculaire gauche.
Au total, 1 113 patients sous ventilation artificielle ont rempli les critères de lésion pulmonaire aiguë.
Sur la base de ce chiffre, l'incidence brute de lésion pulmonaire aiguë est de 79 pour 100 000 personnes-années et l'incidence ajustée à l'âge est de 86 pour 100 000 personnes-années. Cette incidence augmente avec l'âge : de 16 pour 100 000 personnes-années pour ceux âgés de 15 à 19 ans à 306 pour 100 000 personnes-années pour ceux âgés de 75 à 84 ans.
La mortalité hospitalière est de 38,5 %. Cette mortalité augmente avec l'âge, de 24 % pour les 15 à 19 ans à 60 % pour les patients âgés de plus de 85 ans.
Hospitalisation pour pneumonie.
En se fondant sur cette évaluation prospective, les auteurs ont établi des estimations nationales de 86 cas pour 100 000, soit près de 200 000 cas par an de lésion pulmonaire aiguë, associés à 74 500 décès et 3,6 millions de jours hospitaliers.
L'incidence de ces deux syndromes est donc plus élevée que ce que l'on pensait et que ce qui a été rapporté dans d'autres pays.
Les investigateurs ont constaté que les deux syndromes surviennent principalement chez les patients âgés qui sont hospitalisés avec une infection sévère, en particulier une pneumonie, et que plus de la moitié des cas surviennent dans des hôpitaux qui ne sont pas des centres hospitaliers universitaires.
« L'importance d'une enquête épidémiologique sur des syndromes très graves n'a pas été retenue. Notre domaine de spécialité, le syndrome respiratoire aigu, arrive loin derrière le cancer et la maladie cardiaque, alors qu'il a un impact comparable sur la santé de la population », confie au « Quotidien » le Dr Rubenfeld.
Selon les Drs Herridge (Toronto) et Angus (Pittsburgh), auteurs d'un éditorial associé, « l'organisation d'un vaste système de lutte contre ces syndromes n'existe pas, et les soins prodigués sont en général disparates et d'une qualité inférieure ». Il devient essentiel, selon les auteurs, « de favoriser la diffusion des critères de diagnostic et des traitements basés sur les preuves. Il est crucial de prendre en charge la transition de l'hôpital au domicile, et des stratégies de haute qualité pour la réhabilitation et la guérison ne pourront reposer que sur un effort multidisciplinaire ».
« New England Journal of Medicine » du 20 octobre 2005, pp. 1685 et 1736.
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