AU NIVEAU MONDIAL, l’OMS (Organisation mondiale de la santé) considère que, si la maladie n’est pas maîtrisée, la tuberculose risque d’entraîner 35 millions de décès au cours des vingt prochaines années. «La situation épidémiologique française et son évolution récente ne sont pas aussi préoccupantes», estiment les auteurs du bilan publié cette semaine dans le « BEH » (n° 18/2006). Cependant, l’enjeu demeure, en termes de stratégie de prévention et de prise en charge des populations les plus touchées. L’étude fait un point de la situation en 2004, soit un an après les modifications intervenues quant aux critères de notification. Afin de mieux décrire les cas et de mettre en place des investigations à la recherche d’un contaminateur éventuel, les infections tuberculeuses latentes (intradermoréaction positive sans signes cliniques ni paracliniques) des moins de 15 ans doivent désormais être notifiées et des items socio-démographiques tels que la profession à caractère sanitaire et social, le fait d’être sans domicile fixe et l’année d’arrivée en France pour les sujets nés à l’étranger ont été ajoutés à la déclaration.
Diminution de l’incidence globale.
Les données rapportées pour l’année 2004 montrent une diminution globale de l’incidence de la tuberculose en France, avec un nombre de cas estimé à 8 500, si l’on tient compte de la sous-déclaration. En 2004, 5 512 cas de tuberculose maladie ont été déclarés (5 363 en France métropolitaine, 149 cas dans les départements d’outre-mer). Entre 1997 et 2004, l’incidence a diminué de 3 % par an en métropole. Elle a baissé dans les mêmes proportions en Ile-de-France, le département qui présente l’incidence la plus élevée, trois fois supérieure à la moyenne dans les autres régions. Les personnes de nationalité étrangère représentent 47 % des cas de tuberculose déclarés alors qu’elles ne constituent que 6 % de la population en métropole. Le taux d’incidence est de 4,9 cas pour 100 000 chez les nationaux alors qu’il est de 73,6 % pour les étrangers. Entre 1997 et 2004, l’incidence a baissé en moyenne de 7 % chez les premiers alors qu’elle a augmenté de 8 % chez les seconds. Cependant, l’incidence globale dans la population de nationalité étrangère est restée stable lors de la dernière année de l’étude (2003-2004).
Parmi les nouvelles populations ciblées dans la notification, on observe 192 cas (3,5 %), touchant des sans domicile fixe, dont 62 % sont nés à l’étranger. Et 256 cas, dont 60,2 % de sujets nés en France, ont été notifiés chez les personnes exerçant une profession à caractère sanitaire et social (infirmière, médecin, aide-soignante, assistante maternelle). Quant à la tuberculose latente chez l’enfant de moins de 15 ans, 452 cas ont été notifiés en 2004, dont plus de 60 % chez des enfants de nationalité française ou nés en France.
En conclusion de leur étude, Didier Che et Dounia Bitar notent que, en dépit d’une incidence qui reste très élevée parmi les populations migrantes, certains éléments sont plutôt encourageants, comme la diminution importante de l’incidence dans toutes les régions métropolitaines et plus particulièrement en Ile-de-France, la stabilisation récente de l’incidence pour les sujets d’origine étrangère ou la meilleure description des cas. A l’inverse, «l’augmentation importante de l’incidence chez les sujets de moins de 15ans nés en Afrique subsaharienne, la stabilisation de l’incidence parmi les sujets de nationalité française de 0 à 14ans depuis 1997, seule tranche d’âge parmi cette population pour laquelle l’incidence ne diminue pas depuis 1997, les incidences élevées parmi les personnes incarcérées et sans domicile fixe sont autant d’indicateurs qui doivent inciter à la plus grande vigilance».
Un tiers des cas ne sont pas déclarés.
De tels indicateurs sont en faveur d’une circulation plus importante du bacille dans ces populations et d’une «efficacité médiocre» des enquêtes autour des cas. Ce type d’enquête «est une priorité de la lutte antituberculeuse dans les pays à faible incidence comme la France», rappellent les auteurs, et leur pratique devrait être améliorée, notamment en fonction des spécificités des populations en situation de précarité ou en prison. Le dépistage et le traitement des sujets contacts sont essentiels pour réduire l’incidence de l’infection dans les groupes à risque mais aussi pour limiter l’extension de la maladie.
Chez les migrants, des recommandations ont été formulées en 2005 par le Conseil supérieur d’hygiène publique de France pour, d’une part, élargir le dépistage initial aux migrants en situation irrégulière et renforcer les actions incitatives dans les foyers de migrants, par exemple, et, d’autre part, dépister par IDR, traiter les infections tuberculeuses latentes chez les moins de 15 ans originaires de pays à forte incidence et effectuer une surveillance radiologique pendant deux ans après leur arrivée en France chez les adultes provenant de pays à forte endémie.
Du point de vue du système de surveillance lui-même, des progrès devront être faits, notamment au niveau de la déclaration obligatoire : «Un effort doit être entrepris pour sensibiliser davantage les cliniciens et les microbiologistes puisque l’on estime que 35% des cas échappent encore à la déclaration obligatoire.»
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